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- Le Service du personnel enseignant a compétence pour sanctionner un professeur en matière de harcèlement
Un professeur est accusé de harcèlement psychologique à l’égard de personnes étudiantes qu’il dirige. Les sanctions sont imposées par le Service du personnel enseignant de l’Université. Le syndicat du professeur estime que le Service usurpe les pouvoirs du Comité de programme ou du Bureau d’intervention et de prévention du harcèlement ou de la direction du département. Université du Québec à Montréal (UQAM) et Syndicat des professeurs et professeures de l'Université du Québec à Montréal (SPUQ) (Mohammad Ali Jenabian) 2020 QCTA 248 Harcèlement psychologique – Usurpation de pouvoir – Sanction administrative – Sanction disciplinaire Faits Un professeur est titulaire de la chaire de recherche du Canada en immunologie et professeur régulier au département des sciences biologiques, où il travaille dans un laboratoire à haut degrés de sécurité. Beaucoup de personnes étudiantes ont été sous la direction du professeur. Toutefois, une plainte pour harcèlement psychologique à son endroit est adressée au Service du personnel enseignant. Sans qu’il ne conteste sa sanction, le professeur est alors suspendu pendant 4 semaines. Presque un an plus tard, le professeur est à nouveau convoqué. On lui reproche « sa réaction démesurée » dans un laboratoire, sans qu’il n’y ait toutefois de plainte écrite ou de précisions à ce sujet. Le professeur réclame, en vain, plus d’informations afin de corriger son comportement. Deux mois plus tard, il obtient une rencontre formelle avec le Service du personnel enseignant. Lors de cette rencontre, le professeur n’obtient aucune information supplémentaire sur ce qu’il lui est reproché. Toutefois, deux options lui sont offertes et formalisée dans une lettre écrite : une suspension de deux mois ou un coaching auprès d’une personne de l’Université. Il accepte le coaching. Le syndicat du professeur dépose un grief, alléguant que le Service du personnel étudiant a usurpé les pouvoirs du Comité de programme ou du Bureau d’intervention et de prévention du harcèlement (BIPH) ou de la Direction du département. Le caractère administratif de la lettre indiquant la sanction du professeur est aussi ensuite contesté par amendement au grief. Le syndicat estime qu’il s’agit d’une lettre à caractère disciplinaire. L’arbitre indique que le Service du personnel enseignant a agi dans le cadre de ses pouvoirs, même si la lettre a effectivement un caractère disciplinaire. Néanmoins cela est sans influence car il s’agissait d’un amendement qui est survenu plus de dix-huit mois après la transmission de la lettre. Le grief est alors rejeté. Analyse Si la politique contre le harcèlement psychologique de l’Université prévoit nécessairement la compétence du BIPH en matière de harcèlement, la politique prévoit également que toute personne en autorité « informée d’une situation de harcèlement psychologique doit prendre les moyens raisonnables pour la faire cesser. ». Cette personne « peut » demander le soutient de la personne responsable de la mise en application de la politique. En l’espèce, aucun dossier n’a été ouvert par BIPH du fait que les personnes plaignantes n’ont pas poursuivi au niveau des plaintes. L’absence de la directrice du BIPH n’est donc pas un problème. Selon l’arbitre, les faits énoncés sont loin d’établir, comme l’exige la Loi sur les normes du travail, une conduite vexatoire. Une telle conduite se manifeste de façon répétitive, de manière hostile ou non désirée, portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié [ou de la personne étudiante] victime, entrainant un milieu de travail néfaste. Ainsi, compte tenu du déroulement de la rencontre qui ne se caractérise pas comme du harcèlement psychologique, l’arbitre ne peut pas conclure à l’usurpation des pouvoirs du BIPH ou du Comité des programmes ou du directeur du département. Le service du personnel enseignant a agi dans le cadre de ses compétences pour faire cesser un comportement problématique. Quant à lettre, l’arbitre considère que celle-ci adopte un ton accusateur. La lettre se conclu par une menace de mesure disciplinaire « pouvant aller jusqu’au congédiement » [105]. Ainsi, son objectif est de modifier un comportement, ce qui est le propre d’une mesure disciplinaire. Un amendement doit servir à corriger une irrégularité technique ou à ajouter une conclusion accessoire aux demandes principales. Toutefois, en l’espèce, l’amendement et le grief visent des faits différents, formulent des réclamations différentes et n’a été soulevé que dix-huit mois après son dépôt. L’amendement n’est donc pas recevable. Le grief et l’amendement sont donc rejetés et l’arbitre confirme la validité de la sanction.
- Un employeur abuse de son autorité en déclenchant une enquête pour harcèlement psychologique
Une enseignante du Cégep Saint-Lawrence (ci-après « CSL ») a déposé trois griefs contre son employeur, car celui-ci a injustement déclenché une enquête pour harcèlement psychologique à son endroit. L’arbitre considère que l’employeur a abusé de ses droits lors de l’enquête et que ce comportement fautif a porté atteinte à la dignité et l’intégrité psychologique de la plaignante, et ce, en plus de créer un milieu de travail néfaste pour elle. Sentence arbitrale rendue le 1er mai 2024 Syndicat du personnel enseignant du campus de Saint-Lawrence et Cégep Champlain - St. Lawrence (Lisa Birch), 2024 QCTA 180 Faits Depuis 2019, le CSL subit des changements majeurs en matière de restructuration institutionnelle et de gouvernance, à la suite d’un mouvement prônant une plus grande autonomie pour les établissements affiliés. La plaignante, qui travaille au cégep depuis 35 ans, fait partie de ce mouvement et siège comme représentante des enseignants au Conseil d’établissement (CE) du CSL. Des difficultés sont toutefois vécues dans les différents comités de gouvernance en vertu des divergences d’allégeances et des incompréhensions qui subsistent en matière des rôles et responsabilités des différentes instances depuis la restructuration. En mai 2021, l’employeur mandate donc une firme externe afin d’examiner le climat organisationnel et les pratiques de gouvernance. Plus tard, en décembre 2021, la Direction des enquêtes du ministère de l’Enseignement supérieur intervient également pour évaluer la situation. Dans le cadre de ces enquêtes, la plaignante sera rencontrée à plusieurs reprises, notamment à titre d’employée du CSL. Elle apprend qu’elle est finalement visée par une plainte de harcèlement psychologique et de « mobbing » émanant du comité de direction. Profondément consternée et troublée, elle est dans une incompréhension totale quant aux faits que l’on pourrait bien lui reprocher. S’en suit alors un processus particulièrement douloureux pour la plaignante qui dura plus d’un an et au cours duquel elle est : (1) tenue dans l’ombre pendant des mois à l’égard des auteurs et des faits découlant des plaintes portées à son endroit (2) isolée de ses collègues en raison d’un protocole instauré pour protéger l’intégrité de l’enquête (3) forcée de faire des demandes d’accès à l’information pour obtenir certains documents relatifs aux plaintes déposées contre elle. C’est dans ce contexte qu’elle déposa trois griefs (tous accueillis) reprochant à son employeur des abus dans le cadre de l’enquête en cours, du harcèlement psychologique à son égard, ainsi que le manquement à son obligation de lui fournir un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique. Analyse L’arbitre conclut que le mécanisme de plainte a été utilisé de manière incorrecte en raison de l’absence de comportements vexatoires de la part de la plaignante à l’endroit du comité de direction. À cet effet, le protocole d’enquête n’aurait même pas dû être mis en marche, ayant franchi le seuil de recevabilité sur la base de simples suppositions. Tel que le démontre la preuve dans cette affaire, les plaintes visant la plaignante n’étaient même pas issues de l’ensemble du comité de direction, contrairement à ce qui lui avait été communiqué, mais provenaient uniquement du directeur général. Celui-ci « souhaitait dépister les personnes qui remettaient en question certaines de ses opinions ou décisions, sans être en mesure, au moment d’entreprendre le processus de plainte, de cibler un seul comportement vexatoire. » (Par. 154 de la décision) Ainsi, la plaignante a été visée en raison du simple fait qu’elle était une leader au CSL et non en raison d’une preuve remettant en question ses gestes ou comportements. À ce titre, l’arbitre estime que le directeur général a engagé la responsabilité de l’employeur et que ce dernier a commis un abus d’autorité. Or, pour une raison obscure, malgré l’absence des critères justifiant le dépôt d’une plainte, le seuil de recevabilité a néanmoins été franchi, entraînant ainsi l’ouverture d’une enquête visant la plaignante. En l’espèce, cette enquête eut pour effet de causer des troubles psychologiques chez l’intéressée, notamment en raison de l’isolement et du stress éprouvé tout au long du protocole. En effet, l’arbitre rappelle que le simple fait de recourir à une firme externe « ne permet pas d’agir n’importe comment. […] [L’employeur] est responsable de s’assurer que les droits de tous soient respectés – y compris ceux des présumés harceleurs -, et ce, même lorsque c’est un cadre qui se plaint. » (par. 157 de la décision) À ce titre, l’arbitre conclut également que l’employeur a commis un geste grave et vexatoire et qu’il est l’auteur d’harcèlement psychologique. Celui-ci n’a pas réussi à démontrer qu’il avait pris les moyens raisonnables pour prévenir ce harcèlement ni pour y mettre fin, notamment en tardant de lever le protocole de communication, ce qui empêchait la plaignante de communiquer librement avec ses collègues et amis. Pour ces raisons, l’arbitre écarte les prétentions de l’employeur et lui donne tort sur toute la ligne. Commentaires Cette affaire est loin d’être close. Depuis que cette sentence arbitrale a été rendue, trois pourvois en contrôle judiciaire ont été déposés dans ce dossier : - Pourvoi en contrôle judiciaire, 2024-06-21 (C.S.) 200-17-036338-242. - Pourvoi en contrôle judiciaire, 2024-06-25 (C.S.) 200-17-036344-240. - Pourvoi en contrôle judiciaire, 2024-06-27 (C.S.) 200-17-036365-245.
- Un employé d’une université omet de se présenter à un examen médical afin de déterminer son admissibilité à des paiement d’indemnités de la CNESST
La CNESST tente de recouvrir des prestations d’indemnités qu’elle a versé à un employé ayant subi une lésion professionnelle en raison de son absence à un rendez-vous médical. Décision administrative rendue le 23 janvier 2024 Ziadia et Université du Québec à Trois-Rivières , 2024 QCTAT 254 Lésion professionnelle – Indemnités – Examen médical – Rendez-vous – Droit du travail – CNESST – Chargé de cours – Études doctorales – Thèse de doctorat – Université – LATMP – Travail étudiant Faits Un étudiant réalisant des études doctorales à l’Université du Québec à Trois-Rivières occupait également un poste de chargé de cours à cette même université ainsi qu’un emploi à la salle d’entraînement de cette dernière. Au mois de septembre 2021, l’étudiant a subi une lésion professionnelle en se blessant dans le cadre de son emploi à la salle d’entraînement de l’université. Ce dernier a donc fait une demande à la CNESST afin de recevoir des indemnités de remplacement de son revenu d’emploi qu’il était empêché de recevoir en raison de sa blessure. Il a été jugé admissible à ces indemnités et les recevait depuis l’accident. Mercredi le 18 mai 2022, ce dernier est avisé par la conseillère en ressources humaines de l’université via un courriel qu’il doit se présenter le mardi 24 mai 2022 à un rendez-vous médical afin de faire le suivi de sa lésion professionnelle. N’ayant que quelques jours de préavis, l’étudiant avisa cette dernière qu’il lui serait impossible de s’y présenter. En effet, l’étudiant suivait des cours d’anglais afin de le préparer à une conférence qu’il devait donner dans cette langue au mois d’octobre en plus de le préparer à la rédaction de trois articles en anglais. Ces publications et cette conférence constituaient des exigences qu’il devait remplir pour obtenir son doctorat. Il lui était donc impensable de manquer le cours du 24 mai 2022. En revanche, il a suggéré à la conseillère de re-céduler un rendez-vous à un autre moment, demande à laquelle elle n’a pas donné suite. Elle requérait qu’il se présente pour son examen médical le 24 mai 2022. L’étudiant ne s’est donc pas présenté au rendez-vous du 24 mai 2022. Un second rendez-vous lui est fixé le 15 juin 2022. Il s’y est présenté. La CNESST réclame les indemnités de remplacement de revenu d’emploi qu’elle lui a versées entre le 24 mai 2022 et le 15 juin 2022, puisqu’elle allègue que l’étudiant avait omis ou refusé de se soumettre à l'examen médical du 24 juin 2022 sans justification légitime. L’étudiant avait un horaire très chargé pendant le mois de mai 2022. Il donnait un cours à l’université qui se terminait avec un examen le 3 mai, examen qu’il devait corriger et en compiler les résultats avant le 18 mai suivant. Il devait également déposer sa thèse de doctorat le 3 mai 2022. Il était par ailleurs en préparation pour diverses obligations qu’il devait remplir dans le cadre de l’obtention de son doctorat. Ainsi, le rendez-vous médical demandé par l’employeur tombait à un moment pendant lequel l’étudiant avait déjà un engagement pour lequel il avait payé et qui ne pouvait pas être repris : son cours d’anglais. L’étudiant a réellement essayé de trouver une solution auprès de la conseillère en ressources humaines, mais cette dernière n’était pas ouverte à un déplacement du rendez-vous. Il souhaitait pouvoir s’y rendre, mais était réellement préoccupé du conflit d’horaire que cela lui occasionnait. Analyse La convention collective énonce qu’un emploi à l’université détenu par un étudiant ne doit pas nuire à l’accomplissement de ses études. À la lecture de cette dernière, l’étudiant en comprenait que ses études devaient avoir priorité sur toutes les obligations liées à son emploi. Par ailleurs, le tribunal a statué que le comportement de l’université par le biais de la conseillère en ressources humaines était discourtois et insolent: ne donner que quelques jours d’avis à un employé pour se libérer de ses obligations afin de se soumettre à un examen médical obligatoire est malhabile. L’employeur se devait de prendre en considération l’employé quant à son emploi du temps afin de s’assurer de sa disponibilité. La bonne foi de part et d’autre est de mise lors de ces discussions. Également, personne n’avait averti l’étudiant des répercussions sur ses indemnités que pouvait avoir son absence à ce rendez-vous. Un employé n’est pas tenu de demeurer libre et disponible en permanence pour son employeur. Il peut avoir des engagements à l’extérieur de son emploi, tant qu’il respecte les obligations, la loi et son contrat de travail. Cela « s’avère particulièrement vrai lorsque le préavis est [particulièrement] court » (paragraphe 34 de la décision). Le tribunal tranche donc en faveur de l’étudiant, jugeant ses explications raisonnables quant à son absence du 22 mai 2022. Ainsi, l’étudiant peut bénéficier des indemnités de remplacement de revenu d’emploi que la CNESST lui avait versées entre le 24 mai 2022 et le 15 juin 2022 sans avoir à les lui rembourser.
- Une université a entravé les activités syndicales de ses employés
L’UQAM a entravé les négociations syndicales en invitant les syndiqués à communiquer directement avec elle au sujet des conditions de travail et des négociations en cours avec le syndicat. Décision administrative rendue le 26 janvier 2022 Syndicat des professeurs et professeures de l'Université du Québec à Montréal et Université du Québec à Montréal , 2022 QCTAT 396 Négociation syndicale – Convention collective – Chargé de cours – Professeur – Auxiliaire – Site Web –Syndicat – Liberté d’association– Université – Liberté d’expression – Courriel Faits En pleine négociation collective, l’UQAM a mis en place le site Web Info-Négo afin de rassembler les informations pertinentes pour les syndiqués, soit les développements des négociations, les documents regroupant les conventions collectives et d’autres informations connexes. L’UQAM a également consacré une adresse courriel à la communication aux employés d’informations liés aux processus de négociation collective et aux rapports interpersonnels au travail. Aussi, cette dernière permettait aux salariés de poser des questions directement à l’UQAM sur différents sujets liés aux relations de travail et aux conventions collectives. En plus, les courriels envoyés aux salariés comprenaient des incitations à la communication directe avec l’UQAM, plutôt que par l’entremise des syndicats. Analyse Contrairement à la mise en place d’une adresse courriel incitant les syndiqués à communiquer directement avec l’employeur, un site Web à visée informative mis en place par l’employeur et regroupant l’information en lien avec les relations de travail, les conventions collectives ainsi que les derniers développements de la négociation collective n’entrave pas les activités syndicales. En effet, la juge a statué ainsi, puisqu’ « il s’agit d’un outil de communication neutre qui ne cible aucun syndicat en particulier » (paragraphe 64 de la sentence arbitrale). Par ailleurs, il faut noter qu’un employeur, l’université dans notre cas, bénéficie du droit à la libre expression. Elle peut donc communiquer directement avec ses employés, tant que cela ne brime pas le droit aux salariés à la libre association. Ainsi, pour déterminer l’étendue des droits de l’employeur, il faut prendre en compte ceux des employés et parvenir à un équilibre. Afin de déterminer cette harmonie entre les droits de chacun, le tribunal prend en compte trois éléments: le contexte, le contenu et les conséquences de la communication. L’objectif est de réellement protéger le droit à la libre association des employés, donc aux syndicats en l’espèce. En revanche, l’instauration de l’adresse courriel et l’envoi des courriels incitant les employés à communiquer directement avec l’UQAM pouvait être de nature à entraver les activités syndicales. Les processus de négociation et de communication sont bien encadrés par les syndicats afin d’assurer un « monopole de représentation des interlocuteurs syndicaux » (paragraphe 105 de la sentence arbitrale). Ce faisant, ils préservent leur rôle de représentation des syndiqués en plus de leur pouvoir de négociation. Alors, après avoir pris en compte le contexte de négociation collective, le contenu des courriels, mais surtout les conséquences, mêmes potentielles, d’une telle communication, la juge a décidé que les activités syndicales étaient entravées et que l’adresse courriel devait être désactivée. Parallèlement, L’UQAM avait comme obligation de négocier de bonne foi et avec diligence avec les syndicats. Toutefois, l’entrave aux activités syndicales n’entraine pas, de facto, un manquement à cette obligation. En effet, en instituant une telle communication, l’UQAM n’a pas nécessairement enfreint cette obligation. L’instauration de l’adresse courriel et des courriels ne la rendait pas automatiquement de mauvaise foi même si elle entravait les activités syndicales. Ainsi, il y a eu une entrave aux activités syndicales, mais aucun manquement à l’obligation de négocier de bonne foi et avec diligence avec les syndicats. Bref, les activités de communication purement informatives et ne visant aucun syndicat en particulier sont incluses dans le droit à la libre expression de l’employeur, tandis que celles constituant des communications directes contournant les mécanismes mis en place par les syndicats ne le sont pas. Le droit à la libre association des employés encadre donc le droit à la libre expression de l’employeur dans le cadre de communications directes avec les salariés. Ainsi, l’arbitre a conclu que l’université avait entravé les activités syndicales avec la mise en place du courriel incitant les employés à communiquer avec elle directement concernant les négociations, mais qu’elle ne les avait pas entravées par le développement du site Web Info-Négo .
- Une doctorante doit changer de directeur de thèse et poursuit son université pour plus de 130 000 $
Une doctorante a dû changer plusieurs fois de directeur de recherche et poursuit son université. Elle réclame le solde non versé de sa bourse, des dommages moraux et des dommages pour perte de salaire en raison de retard de diplomation. Décision rendue le 20 juillet 2023 Sarrazin c. Université du Québec à Trois-Rivières , 2023 QCCS 2785 Directeur de recherche — Cessation — Doctorat — Bourse — Entente de partenariat — Stipulation pour autrui — Tiers bénéficiaire — Bris du lien de confiance — Condition à la direction — Université du Québec à Trois-Rivières — Congédiement — Dommages moraux — Retard à la diplomation — Perte de salaire — Propriété intellectuelle — Règlement des études de cycles supérieurs Faits Des associations françaises et l’Université du Québec à Trois-Rivières (ci-après : « UQTR ») ont conclu une entente de partenariat. Il était question de la réalisation d’un projet de recherche dans lequel s’inscrivaient les études doctorales de la demanderesse, une étudiante française. L’UQTR devait verser une bourse doctorale et financer les activités de formation de la demanderesse. Peu de temps après le début des recherches, son directeur lui a reproché de manquer d’écoute et d’avoir parlé et agi au nom d’autres sans les consulter, lui y compris. Cette rupture du lien de confiance l’a poussé à demander d’être relevé de sa direction. La demanderesse a donc dû trouver une nouvelle directrice de recherche. Cette dernière a accepté à condition de garder le même codirecteur. Plus tard, son codirecteur lui a reproché par courriel de s’être identifiée comme l’auteure de contenu présenté dans un PowerPoint lors d’une formation en France alors qu’il est lui-même l’auteur de la quasi-totalité du contenu. La demanderesse lui répond que la présentation était à titre informel et que ses sources avaient été citées à l’oral. Elle indique que le contenu était de nature public comme étant issu du travail de nombreux autres chercheurs. Également, elle lui reproche de l’avoir diffamée auprès de départements français en parlant de cette situation, notamment en la désignant comme « incompétente » et « inexpérimentée ». Elle a également écrit : « Enfin, mettons de côté que ce genre de mail ne favorise pas du tout une entente saine entre un directeur et son étudiante. Je me demande comment, avec des allégations pareilles, il est possible pour toi de m’accompagner et de corriger ma thèse en toute objectivité. » (Paragraphe 36 de la décision). C’est ainsi que le codirecteur s’est considéré comme congédié par la demanderesse. Comme il a demandé de cesser de diriger la thèse de la demanderesse, la directrice a également demandé d’être relevée de ses fonctions : sa direction avait comme condition initiale de garder le même codirecteur. La demanderesse a indiqué avoir été en état de panique à ce moment. Elle avait proposé une médiation avec son ancienne directrice et son ancien codirecteur, sans réponse. Elle a finalement réussi à trouver un nouveau directeur et a pu compléter sa thèse. Elle réclame en justice à l’UQTR le versement du solde de la bourse doctorale, soit de 36 971,26 $. Elle réclame également des dommages moraux de 20 000 $ et un montant de 76 742 $ pour perte de salaire en raison de retard de diplomation. Analyse Versement du solde de la bourse doctorale Lorsque la demanderesse avait reçu la confirmation de bourse, certaines conditions étaient jointes. Une de ces conditions était de dispenser un certain nombre d’activités de formation dans des associations en France. La demanderesse n’a pas rempli cette condition dans son entièreté et donc n’a pas droit au solde de la bourse. Elle n’avait pas non plus de droits à titre de bénéficiaire de l’entente puisqu’il n’y avait aucune intention claire de lui octroyer des droits dans l’entente de partenariat intervenu entre les associations françaises et l’UQTR. Dommages moraux La demanderesse accuse l’UQTR de ne pas s’être conformée au Règlement des études de cycles supérieurs (ci-après : « Règlement ») qui prévoit un préavis de trois mois pour la démission des directeurs de recherche (article 355). En l’espèce, c’est la demanderesse qui a congédié ses directeurs. Le Règlement prévoit en faveur du doyen un droit exceptionnel de dérogation au délai de trois mois. Ici, le doyen avait rencontré la demanderesse et trouvé une solution pour lui permettre de poursuivre son doctorat et il n’y avait alors aucun avantage à la laisser plus longtemps avec ses directeurs. Enfin, la demanderesse avait trouvé un nouveau directeur et signé le formulaire à cet effet. La Cour indique avoir de la difficulté à reconnaitre une faute de l’UQTR. Elle indique également l’absence de preuve de préjudice. Retard à la diplomation Selon le témoignage du codirecteur, la demanderesse a ralenti le rythme de ses formations nécessaires pour remplir les conditions de sa bourse doctorale. Elle a également choisi de ne pas remettre son examen doctoral à temps, ce qui lui a causé un échec. Elle a repris son examen la session suivante. La Cour considère que la demanderesse n’a pas subi de retard à la diplomation. Au contraire, bien que la preuve montre que les études doctorales suivent habituellement un échéancier initial de quatre ans, leur durée moyenne est de six ans. La Cour indique même que s’il y avait eu retard, la demanderesse n’aurait pu s’en prendre qu’à elle-même en raison du report de l’examen doctoral et du changement de direction.
- Explication des exigences procédurales de non-renouvèlement d’un contrat de travail
Le contrat de travail d’une recherchiste n’est pas renouvelé. La professeure pour laquelle elle travaillait n’a pas respecté les exigences procédurales en matière de non-renouvèlement de contrat. Le tribunal tranche en la faveur de la plaignante. Sentence arbitrale rendue le 15 juin 2023 Université de Sherbrooke c. Association du personnel administratif et professionnel de l’Université de Sherbrooke (Lise Duchesneau), 2020 QCTA 670 Non-renouvellement d’un contrat de travail – Congédiement – Exigences procédurales – Recherche – Université – Professeure – Manque de rigueur – Signalement – Rencontre – Rendement – Organisation – Rétroaction – Évaluation Faits Dans cette décision, la plaignante est une recherchiste professionnelle travaillant en laboratoire pour une professeure titulaire à la faculté de médecine d’une université. Dans le cadre de son travail, son manque de rigueur et d’organisation lui étaient reprochés par des infirmières du laboratoire. Celles-ci lui reprochaient aussi de ne pas donner de rétroaction suffisante en cas de difficulté. Il était nécessaire de contre-vérifier son travail, puisqu’elle faisait souvent des erreurs dans la prise de donnée et on lui a reproché de ne pas suivre certaines procédures correctement. À un certain point, elle devait faire l’objet d’un suivi serré par une infirmière pour l’aider dans l’organisation de ses tâches quotidiennes. À aucun moment la plaignante n’a été rencontrée par la professeure pour améliorer son rendement. La professeure a indiqué : « Ce n’est pas à moi de demander de faire des corrections; ce sont les infirmières qui savent quoi faire et qui ont fait des interventions» (paragraphe 33 de la sentence arbitrale) et ces problèmes « étaient adressés lors des réunions d’équipe; moi, mon rôle n’est pas de corriger les erreurs de base » (paragraphe 145 de la sentence arbitrale). En 2021, la professeure rencontre la plaignante et l’avise du non-renouvèlement de son contrat de travail. Dans les motifs écrits qu’on lui donne à sa demande, on lui reproche un manque de rigueur, d’organisation et de rétroaction en cas de difficulté. La professeure note qu’elle n’a pas observé directement ces écarts, mais que c’est ce que les infirmières lui avaient rapporté. Analyse L’arbitre cite les précédents et réitère que le rôle du tribunal n’est que de contrôler la légalité du congédiement administratif. L’arrêt Costco Wholesale Canada Ltd c. Laplante , 2005 QCCA 788 réitère 5 critères que l’arbitre considère ici. Premièrement, l’employé devait connaître les attentes de son employeur. Ici, la plaignante connaissait les attentes de son employeur. Deuxièmement, l'employeur devait lui signaler ses lacunes. Ici, l’arbitre note que le non-renouvèlement du contrat était inattendu pour la plaignante et la professeure ne l’avait jamais rencontré pour discuter des reproches à son égard et ne lui avait jamais rien signalé. À l’analyse de ce second critère, l’arbitre explique que les lacunes d’un employé doivent lui être adressés directement. Il indique qu’on ne peut pas présumer qu’un employé peut comprendre ce qu’on lui reproche personnellement au cours d'une rencontre d’équipe où des collègues discutent de problématiques sans viser personne (paragraphe 153 de la sentence arbitrale). Bien que le deuxième critère échoue, l’arbitre glisse quelques commentaires sur les trois autres critères. Ainsi, en troisième temps, l’employé doit obtenir un support nécessaire pour corriger ses lacunes. L’arbitre explique qu’il est nécessaire pour l’employeur doit communiquer à l’employé l’existence de ce support nécessaire, dans le but de corriger les lacunes préalablement signalées. Cela n’a pas été fait ici. Quatrièmement, l’employé doit disposer d’un délai raisonnable pour corriger ses lacunes. L’arbitre note qu’en l’espèce, si on pouvait qualifier les réunions d’équipe comme un signalement, la plaignante aurait eu un délai d’un seul mois pour se corriger. Dans les circonstances, c’est trop court. Cinquièmement, l’employeur doit donner à l’employé un avis du risque de congédiement, même si cet avis ne changerait rien à la situation. Également, le fait que la plaignante soit une professionnelle de recherche ne relevait pas l'employeur de ses obligations de communiquer tels risques en cas de manque de rigueur. L’arbitre résume: « Aviser une telle personne que son travail est insatisfaisant, qu'elle commet des erreurs, qu'elle doit les corriger en lui offrant un support et que si ces objectifs ne sont pas atteints, elle peut en subir des conséquences, dont la perte de l'emploi, me paraît une de ces « exigences procédurales » essentielles à respecter dans tout dossier de rendement insuffisant ou d'incompétence» (paragraphe 188 de la sentence arbitrale, référence omise). L’arbitra a ainsi accueilli la contestation de la plaignante.
- Une étudiante engagée à titre de professionnelle de recherche pour un projet de l’université conteste l’octroi des droits de propriété intellectuelle d’un projet
Ayant participé au projet de recherche et de production d’un guide en responsabilité sociale et environnementale des entreprises, cette dernière revendique des droits de propriété intellectuelle sur ce guide et sur les données tirées dans le cadre du projet. Décision statuant sur une demande de pourvoi en contrôle judiciaire rendue le 18 mars 2024 Leblond c. Université du Québec à Montréal , 2024 QCCS 870 Étudiante – Professionnelle de recherche – Comité d’arbitrage – Pourvoi en contrôle judiciaire – Propriété intellectuelle – Droits d’auteur – Syndicat – Convention collective – Université – Maîtrise avec mémoire – Maîtrise avec travail dirigé – Co-auteurs Faits Une étudiante à la maitrise a joint un projet dans le cadre d’un partenariat avec le ministère de l'Économie, de l’Innovation et de l’Énergie. Il était question de la création d’un guide au sujet de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. L’étudiante s’est impliquée dans le projet et a procédé à 16 entrevues avec des représentants d’une entreprise visée par la recherche. Les données recueillies dans le cadre de ces entrevues font l’objet d’un litige entre l’étudiante et la chercheure principale. Quelques mois plus tard, la chercheure principale publie les outils développés dans le cadre du projet. Selon l’étudiante, certains des travaux qu’elle avait réalisés dans le cadre de sa maîtrise en faisaient partie. L’étudiante désirait se faire reconnaitre co-auteure des outils 6,7,8 et 11 du Guide. La chercheure principale et l’étudiante se sont soumises à la médiation, mais ce fut sans succès. Ensuite, elles ont tenté l’arbitrage auprès du Comité d’arbitrage de l’université. Le Comité a conclu que l’étudiante allait pouvoir utiliser les données qu’elle avait recueillies dans le cadre de ses entrevues pour son mémoire de maîtrise. Aussi, le Comité est a conclu que la contribution de l’étudiante à certains des outils du guide en responsabilité sociale et environnementale des entreprises (les outils 6 et 7) était assez importante pour la considérer co-auteure. En revanche, pour d’autres outils (les outils 8 et 11), son travail n’était pas suffisant afin de satisfaire aux critères des normes de l’université pour la reconnaitre co-auteure selon le Comité. L’étudiante conteste la conclusion selon laquelle le Comité la reconnaissait co-auteure des outils 6 et 7, puisqu’elle considérait que la chercheure principale n’était pas co-auteure. Elle considérait donc être la seule titulaire des droits d’auteurs de ces outils. Analyse En se fiant aux enseignements de la Cour suprême du Canada, la Cour a décidé de trancher en appliquant la norme de la décision raisonnable . Cela signifie que la Cour doit déterminer si la décision rendue par le comité d’arbitrage est à la fois cohérente et logique en plus d’être justifiée compte tenu du contexte légal, jurisprudentiel et factuel. Il ne s’agit donc pas d’un nouveau procès, ni d’un appel. Les juges doivent faire attention et éviter de s’ingérer dans la gestion interne des activités académiques des établissements d’enseignement. En effet, à moins de circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire « lorsque l’institution d’enseignement a fait preuve de mauvaise foi ou a agi de façon déraisonnable, arbitraire ou discriminatoire » (paragraphe 37 de la décision, références omises), les juges ne doivent pas se prononcer sur le bien-fondé des mesures de gestion interne des universités. En l’espèce, le tribunal a conclu que le Comité d’arbitrage avait rendu une décision intrinsèquement cohérente et rationnelle eu égard à la preuve qui lui avait été soumise et sa décision était exempte de lacune importante. En effet, la décision était motivée et était fondée sur des éléments de preuve qui lui avaient été soumis. Ainsi, il n’y avait pas lieu d’intervenir pour le tribunal. Par ailleurs, l’étudiante soumettait au tribunal une question qu’elle n’avait pas soumise à l’arbitrage, comme quoi elle voulait se faire déclarer comme la seule auteure des outils 6 et 7. Puisque le Comité d’arbitrage n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur la question, le tribunal n’a pas pu intervenir. En conséquence, la demande de l’étudiante a été rejetée. Bien entendu, il n’est pas possible, en contrôle judiciaire, de se prononcer sur des questions qui n’ont pas été abordée devant un décideur administratif. En revanche, le tribunal peut se pencher sur une question qui n’a pas été tranchée explicitement par le décideur administratif dans deux situations. C’est ainsi possible lorsque le décideur a tranché cette question de manière implicite et qu'il ne s’agit pas d’une question de droit pour laquelle la preuve est claire et suffisante et que les parties n’ont pas allégué de préjudice en résultat. C’est également possible lorsque le décideur a exprimé son opinion sur cette question dans d’autres cas et qu’il a été constant dans ces conclusions.
- La décision d’une université de retirer la supervision de résidents à un professeur est annulée faute d’avoir respecté le protocole relatif aux mesures disciplinaires
A la suite de plaintes, une université prend une mesure visant à retirer la supervision de résidents à un professeur. Ce dernier conteste la mesure en considérant qu’il ne s’agit pas d’une mesure administrative mais bien d’une mesure disciplinaire visant à sanctionner son comportement. Sentence arbitrale rendue le 22 mars 2021 Association des professeures et professeurs de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke (APPFMUS) c. Université de Sherbrooke (Claudio Jeldres), 2021 QCTA 162 Plainte – Mesure administrative – Mesure disciplinaire – Mesure mixte - Procédure - Principe d’équité Faits Un professeur consacre 50% du temps de sa semaine dans une clinique externe en urologie où il supervise des résidents. Progressivement, l’université observe que plusieurs résidents quittent le service d’urologie et elle reçoit un courriel de ces derniers l’avisant des difficultés rencontrées avec le professeur responsable de leur supervision. Afin de préserver l’anonymat des étudiants, l’université décide de ne pas révéler les auteurs de ce courriel et de n’en communiquer que le contenu. Puis, dans l’objectif de préserver l’intégrité du service, la supervision des résidents est retirée au professeur. La partie syndicale, représentant le professeur, estime qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire et donc que le protocole relatif aux mesures disciplinaires doit être suivi. En vertu de ce protocole, la sanction serait illégitime. De son côté, l’université considère qu’il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire mais d’une décision de gestion. L’arbitre doit déterminer s’il s'agit d’une mesure disciplinaire, administrative ou mixte, et, le cas échéant, vérifier le respect du protocole relatif aux mesures disciplinaires. Analyse « La mesure disciplinaire vise à pénaliser les manquements volontaires du salarié et à assurer sa réhabilitation »(page 8 de la décision Syndicat des employés municipaux de Jonquière, section locale 2466 (S.C.F.P.) c. Jonquière (Ville de), [1998] R.J.D.T. 5) de son côté, « la mesure administrative n’a pas d’intention punitive et résulte de gestes involontaires […] qui causent préjudice à l’employeur » (page 8 de cette même décision). La mesure administrative « peut répondre à une situation involontaire ou impossible à corriger » (page 8 de cette même décision). En l’espèce, l’arbitre considère qu’il s’agit d’une mesure mixte. D’abord, la décision vise à protéger le bien-être des résidents et est donc de nature administrative. Ensuite la plainte fait ressortir un défaut de la qualité de l’enseignement et l’université demande au professeur un changement de comportement. Cet élément présente un caractère punitif, la mesure est donc également disciplinaire. Puisque la mesure imposée par l’université revêt un aspect disciplinaire, le protocole liant les deux partis doit être respecté. Celui-ci prévoit l’obligation d’équité entre les parties et permet à l’employé de faire valoir ses prétentions, de se défendre ou de se corriger en toute connaissance de cause. En l’espèce, l’université n’a pas divulgué l’identité des auteurs du courriel et a privé le professeur d’une partie de ses droits. En effet, selon la sentence arbitrale de l’affaire « Université Laval » [52], l’anonymat ne permet pas de respecter le protocole relatif aux mesures disciplinaire. Le défendeur n’est pas en toute connaissance de cause et ne peut se défendre correctement. L’université n’a pas respecté le protocole relatif aux mesures disciplinaires. La décision de retirer la supervision des résidents au plaignant est annulée.
- Les manifestations d’étudiants ne doivent pas nuire à la sécurité des campus
Des manifestants s’étant installés sur les terrains de l’UQAM et ayant entravé des portes de sortie, caché les caméras de sécurité et des fenêtres se sont vus obligés d’arrêter en raison d’une ordonnance du tribunal. Décision rendue le 27 mai 2024 Université du Québec à Montréal (UQAM) c. Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes et Palestiniens à l'Université du Québec à Montréal (SDHP-UQAM), 2024 QCCS 1912 Affaires étudiantes – Manifestation – Campement – Injonction provisoire – Sécurité – Liberté d’expression – Propriété de terrain – Liberté d’association– Université – Préjudice sérieux ou irréparable Faits Depuis le 12 mai 2024, des manifestants s’étaient installés sur les terrains de l’Université du Québec à Montréal (l’« UQAM ») afin montrer leur soutien au peuple palestinien et de demander à leur université d’agir à son tour pour le soutenir. Ils avaient érigé des tentes et avaient mis en place différents moyens afin de « protéger leur intimité » (paragraphe 27 de la décision). En effet, ils avaient mis divers objets, dont des sacs de poubelle, sur les fenêtres de l’université donnant sur leur campement afin d’empêcher les individus se trouvant à l’intérieur de l’université de voir à l’intérieur du campement. Aussi, ils avaient obstrué les caméras de sécurités de l’université qui donnaient sur leur campement. Également, les manifestants avaient bloqué le passage et l’utilisation certaines portes avec divers objets, dont des bouts de bois, des clôtures, des chaines et des couvercles de poubelle et des tentes. Ces derniers empêchaient donc la circulation par ces portes, ce qui posait un danger pour la sécurité des usagers des bâtiments de l’université et des manifestants. Par ailleurs, l’UQAM et le Service de sécurité incendie de Montréal avaient demandé aux manifestants de visiter leur campement afin de s’assurer de sa sécurité. Cette demande leur a été refusée par ces derniers. L’UQAM demandait donc au tribunal d’octroyer une demande d’injonction provisoire à l’encontre des manifestants afin d’assurer la sécurité du campement. Analyse Le tribunal a accordé la demande d’injonction provisoire à l’université. Ce dernier a jugé que les critères à respecter afin d’émettre une telle injonction étaient respectés. Tout d’abord, il fallait que l’UQAM démontre une apparence de droit, donc que le recours soulevait une question sérieuse. En l’espèce, les droits de l’UQAM quant à la propriété de ses terrains entraient en collision avec le la liberté d’expression des manifestants, ce qui constituait une question sérieuse selon le tribunal. Ensuite, il fallait qu’il y ait un préjudice sérieux ou irréparable si le tribunal n’émettait pas l’injonction. Le tribunal était d’avis que la sécurité des immeubles de l’UQAM était un « enjeu primordial pour lequel aucun compromis ne [pouvait] être envisagé » (paragraphe 60 de la décision). Ainsi, le tribunal a considéré que le simple risque qu’un préjudice grave survienne à l’UQAM était suffisant pour remplir ce critère. En effet, il jugeait qu’il était « définitivement préférable de prévenir que de guérir » (paragraphe 62 de la décision). Le tribunal devait également arriver à la conclusion que la balance des inconvénients militait vers l’octroi de l’injonction. Compte tenu du fait que la sécurité du campement et du campus de l’UQAM était bénéfique pour les deux parties, le tribunal a considéré ce critère rempli de facto. Dernièrement, il devait y avoir une urgence. Dans le même ordre d’idée que les deux critères précédents, le tribunal a statué que la sécurité de tous était une matière urgente et qu’il était mieux prendre des mesures avant qu’un événement déplorable n’arrive. Ainsi, le tribunal a émis une injonction provisoire afin d’assurer la sécurité des lieux. Il ordonna notamment aux manifestants de cesser d’obstruer les fenêtres et les caméras de surveillance, d’arrêter d’entraver la circulation sur le campus et de dégager au moins deux mètres à partir de tous les murs des bâtiments de l’université. Commentaires Il ne s’agit que d’un jugement statuant sur la demande d’injonction provisoire , vu la situation urgente. Celle-ci était alors valide jusqu'au 6 juin 2024.
- Refus d’agrégation d’un professeur en raison d’évaluations de son enseignement par les étudiants insatisfaisantes
Un professeur adjoint se voit refuser sa promotion au titre de professeur agrégé en raison des trop grandes variations dans l’évaluation de son enseignement. N’ayant pas réussi à obtenir son agrégation dans le délai imparti de sa collection collective, l’université rompt son lien d’emploi avec ce dernier. Décision administrative rendue le 19 juin 2019 Tyagi et Corporation de l'école des hautes études commerciales de Montréal, 2020 QCTAT 4795 ; Tyagi et Corporation de l'École des hautes études commerciales de Montréal, 2019 QCTAT 2776 Évaluation d’enseignement – Agrégation – Professeur adjoint – Droit du travail – Congédiement – Grief – Syndicat – Convention collective – Université – Comité d’évaluation – Responsabilités du professeur Faits Un professeur adjoint de l’École des hautes études commerciales de Montréal (ci-après « HEC Montréal ») s’est vu refusé à deux reprises le titre de professeur agrégé par les différentes personnes chargées d’évaluer sa candidature, notamment le Conseil pédagogique. La principale raison pour laquelle ces derniers ont refusé de lui octroyer la promotion était ses évaluations d’enseignements. En effet, ses évaluations étaient en « dents de scie » et insuffisantes selon les standards de HEC Montréal. Le professeur avait enseigné 28 cours à divers niveaux en près de 5 ans et la cote moyenne des évaluations de son enseignement était de 3/4. Les diverses personnes qui ont évalué son dossier n’ont majoritairement pas jugé que cette moyenne était satisfaisante, puisqu’une cote moyenne de 3,5 est habituellement considérée comme acceptable. La convention collective prévoyait un délai de 7 ans afin d’obtenir le statut de professeur agrégé. Le professeur n’ayant pas réussi à obtenir sa promotion dans le délai imparti, HEC Montréal a donc été contraint de mettre fin à son lien d’emploi avec le professeur. Le professeur conteste le refus de HEC Montréal de le promouvoir au poste de professeur agrégé, puisqu’il juge que les personnes qui avaient évalué sa candidature étaient trop sévères et que les évaluations de son enseignement ne justifiaient pas les refus qu’il a subis. Il soutenait également que l’administration lui avait donné trop de cours différents dans plusieurs niveaux (baccalauréat, maîtrise et MBA), ce qui lui avait causé des troubles de préparation. Ainsi, il blâme ses mauvaises évaluations sur la « mauvaise gestion de sa carrière par les directeurs de département » (paragraphe 44 de la décision administrative). Analyse Le tribunal conclut que les décisions de HEC Montréal étaient raisonnables et n’étaient pas arbitraires, puisque ces dernières s’appuyaient sur des causes justes, intelligibles et convenables. Tout d’abord, le tribunal rappelle que « les tribunaux ne doivent pas s’immiscer dans les litiges de nature pédagogiques en milieu universitaire » (paragraphe 8 de la décision administrative). Ainsi, le pouvoir du tribunal se limite à statuer sur la raisonnabilité de la décision et du processus décisionnel de HEC Montréal. Le tribunal conclt que la décision de HEC Montréal de refuser la promotion au titre de professeur agrégé au professeur n’était pas déraisonnable, arbitraire ou discriminatoire. En effet, lors de sa première demande d’agrégation, le professeur avait recueilli les commentaires des personnes qui avaient évalué son dossier. Ces derniers lui ont surtout partagé que les évaluations de son enseignement étaient insatisfaisantes. Ainsi, entre sa première et sa seconde demande d’agrégation, le professeur avait l’opportunité d’adapter son enseignement afin de recevoir des meilleures évaluations de ses étudiants, ce qu’il n’a pas réussi à faire. Par ailleurs, après plusieurs années d’enseignement, les évaluateurs s’attendaient à une stabilisation des évaluations de son enseignement. Les évaluations en « dents de scie » ne devaient plus être prévalentes. Le tribunal conclut que, puisque le professeur avait été mis au courant de ce qui posait un problème dans sa candidature et qu’il n’avait pas pu y remédier, il était raisonnable pour HEC Montréal de refuser son agrégation et de mettre fin à son lien d’emploi. En conséquence, il est possible d’affirmer que les évaluations de l’enseignement d’un professeur peuvent réellement avoir un impact sur le lien d’emploi de ce dernier avec son université.
- Deux étudiantes se font reprocher d’avoir triché dans plusieurs examens
Plusieurs professeurs ont accusé deux étudiantes d’utiliser un stratagème afin de plagier dans les examens. Les étudiantes nient avoir utilisé une quelconque technique de triche. Décision statuant sur une demande de contrôle judiciaire rendue le 15 février 2024 Nagapane c. Université du Québec à Trois-Rivières , 2024 QCCS 924 Plagiat – Étudiantes – Examen – Contrôle judiciaire – Comité de discipline – Équité procédurale – Procédure – Université – Sanctions Faits Pendant la session d’automne 2022, deux étudiantes de l’Université du Québec à Trois-Rivières (« l’UQTR ») ont été prises à plagier pendant un examen du cours BLM1007. Le professeur ayant fait ce constat est ensuite allé consulter d’autres membres du personnel enseignant et a réalisé que les étudiantes utilisaient la même méthode de triche dans plusieurs cours. En effet, lors d’examens comprenant des choix de réponse, elles inscrivaient la lettre qu’elles croyaient être la bonne réponse en gros sur le cahier-questionnaire afin de comparer leurs réponses. Elles utilisaient aussi un code de couleur afin de faciliter la comparaison. Pour le premier examen pour lequel elles étaient accusées de tricher, elles avaient toutes deux les mêmes 19 erreurs dans leurs copies respectives. Le professeur du cours BLM1007 ayant constaté le stratagème a alors remplis les formulaires fournis par l’université afin de dénoncer ces comportements. Une audience devant le Comité de discipline de l’UQTR a été planifiée. Avant de débuter la préparation de l’audience, les étudiantes ont engagé une avocate. Cette dernière a demandé à l’UQTR quels examens étaient visés par les dénonciations qui seraient débattues lors de l’audience. L’UQTR lui a clairement répondu que l’examen 1 du cours BLM1007 n’était pas visé par des accusations de plagiat, mais que l’examen 2 de ce même cours l’était. Les étudiantes se sont préparées en conséquence. Elle ne se sont pas préparées afin de défendre leur cause quant à l’examen 1, puisque l’UQTR avait affirmé que ce dernier ne faisait pas l’objet de dénonciations. En revanche, elles ont été soumises à l’examen du Comité de discipline quant à l’Examen 1 et 2. Elles reprochent donc à ce dernier d’avoir statué sur leur sort quant à l’examen 1 du cours BLM1007 alors qu’elles n’avaient pas été informées que la dénonciation quant à l’examen était abordée à l’audience. Elles soutiennent également que le processus a enfreint leur droit d’être entendues, puisqu’elles se sont vu refuser plusieurs demandes de divulgations. Analyse Les étudiantes avaient droit à un certain niveau d’équité. Elles devaient connaître quelles accusations pesaient contre elles afin d’être en mesure présenter une défense pleine et entière devant le Comité de discipline. Pour ce faire, elles avaient le droit de présenter leurs observations et de consulter les documents déposés contre elles. En revanche, malgré une entorse à ces principes, il est possible que les défendeurs aient pu présenter une défense complète. Il est du devoir du tribunal d’analyser cela et de déterminer si les principes de justice naturelle ont été bafoués. En l’occurrence, ni les étudiantes, ni leur avocate n’avaient été mises au courant de fait que l’examen 1 du cours BLM1007 faisait l’objet de dénonciations et allait être analysé par le Comité de discipline. Ces dernières n’ont donc pas eu l’occasion de préparer une défense pleine et entière quant à cette dénonciation, ce qui est une violation des principes d’équité procédurale. Une telle entorse aux principes d’équité procédurale est rarement pardonnable. En effet, dans une telle situation, le tribunal casse la décision du décideur administratif, sauf « si le résultat aurait été inéluctablement le même, audition équitable ou non » (paragraphe 23 de la décision). En l’espèce, les étudiantes n’avaient pas été tenues responsable de plagiat dans le cadre de la dénonciation quant à l’examen 2. Il était donc raisonnable de croire qu’elles auraient pu, si elles avaient eu l’occasion de faire valoir une défense, s’exonérer également de la dénonciation quant à l’examen 1. Par ailleurs, bien qu’elles n’aient pas eu accès à certains documents qu’elles avaient demandé, leur droit d’être entendues a été respecté. En effet, le tribunal a conclu qu’elles ont tout de même pu produire une défense pleine et entière pour ce qui est des dénonciations de l’examen 2. Les documents auxquels elles n’avaient pas eu accès n’ont donc pas entravé leur droit de présenter une défense pleine et entière. Le tribunal a donc annulé la conclusion du Comité de discipline quant au plagiat de l’examen 1 du cours BLM1007 ainsi que les sanctions qui y étaient associées.
- Un professeur se dit victime d’atteinte à sa liberté académique
Le professeur conteste une intervention de son directeur de département dans sa classe. Il s'estime victime d'une atteinte à sa réputation et à sa liberté académique. Sentence arbitrale rendue le 19 janvier 2024 Syndicat des professeures et professeurs de l'Université du Québec en Outaouais (SPUQO) et Université du Québec en Outaouais (UQO) (Saïd Boukendour) , 2024 QCTA 20 Professeur – Liberté d’expression – Grief – Syndicat – Convention collective – Université – Plaintes d’étudiants – Diffamation – Enquête – Mesures disciplinaires – Inconduite Faits Au mois de mars 2020, lors d’un examen de mi-session de l’Université du Québec en Outaouais se déroulant dans une ambiance agitée dans laquelle les étudiants se déplaçaient parlaient et échangeaient, un étudiant est sorti de la classe afin d’en aviser le directeur du département, puisqu’il n’arrivait pas à se concentrer. Le directeur de département s’est déplacé afin de constater l’état de la classe. Constatant que l’étudiant disait vrai, ce dernier a discrètement fait signe au professeur de sortir de la classe afin de lui mentionner la plainte de l’étudiant et de lui demander si l’examen se déroulait à livres ouverts. Le professeur a été ébranlé par cette intervention. Il l’a perçue comme une intrusion de la part du directeur de département dans sa gestion de classe et comme un reproche quant à la manière qu’il menait ses examens. Le professeur se plaint d’une intrusion injustifiée dans sa gestion de classe de la part et d’une atteinte à sa réputation en raison de cette intervention. Analyse L’arbitre conclut que la réaction du directeur de département lors de son intervention auprès du professeur lors de l’examen de mi-session était tout à fait légitime et justifiée. En effet, ayant intervenu de la manière la plus discrète possible et en ayant une conversation courtoise avec le professeur, le directeur de département a réglé le problème que l’étudiant lui avait soumis (en lui fournissant une autre salle calme pour faire son examen) de la manière la moins attentatoire aux droits du professeur. Ce dernier n’a aucunement critiqué ses méthodes d’évaluation ou d’enseignement : il ne faisait que s’assurer qu’un étudiant bénéficie d’un endroit calme afin de terminer son examen. Le professeur jouissait de la liberté de procéder de cette façon dans sa classe en vertu de sa liberté académique. L’intervention du directeur de département n’était pas attentatoire à la liberté académique du professeur et visait simplement à adresser une difficulté à se concentrer rapportée par un étudiant. Aussi, l’arbitre conclut qu’aucune atteinte à la réputation du professeur n’a eu lieu, puisque l’intervention avait été faite discrètement, hors de la classe et aucun étudiant n’avait entendu la discussion entre le professeur et le directeur de département.
- Un chargé de cours ayant eu un comportement d’insubordination et d’incivilité échappe au congédiement de l’université
Après de multiples événements d’insubordination, d’incivilité et une plainte d’une étudiante afin de dénoncer un comportement humiliant et intimidant à son égard, plusieurs instances sont nécessaires avant de déterminer le sort du chargé de cours. Décision statuant sur une demande de pourvoi en contrôle judiciaire rendue le 24 novembre 2022 Martin c. Université de Montréal , 2022 QCCS 4408 ; Université de Montréal et Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Montréal (SCCUM/FNEEQ-CSN) (Roger Martin) , 2020 QCTA 666 Chargé de cours – Incivilité – Insubordination – Congédiement – Comportement humiliant – Grief – Syndicat – Convention collective – Université – Sanctions – Rupture du lien de confiance Faits Un chargé de cours à la Faculté de l’éducation permanente et à la Faculté de droit de l’Université de Montréal (ci-après « UdeM ») a déposé divers griefs pour contester différentes mesures prises par l’université. Le chargé de cours avait refusé de participer à une rencontre concernant la plainte à son égard qu’une étudiante avait déposée et avait refusé à maintes reprises de fournir son examen final en format Word afin que l’université puisse accommoder une étudiante en situation de handicap. En réponse à ces comportements, l’UdeM lui a fait parvenir un avis afin d’officiellement lui faire part de son insatisfaction face au comportement du chargé de cours et afin de lui demander de corriger son comportement. Voyant que la situation restait inchangée, le doyen de la Faculté de l’éducation permanente a déposé une plainte auprès du comité de discipline afin que ce dernier analyse la situation et impose une sanction disciplinaire au chargé de cours, le cas échéant. Ce comité a déterminé que le chargé de cours avait fait preuve d’un comportement d’insubordination en refusant de fournir un examen différé différent de l’examen prévu pour tous les étudiants ainsi qu’en refusant de fournir son plan de cours à la date prévue par l’université. Il a aussi conclu que le chargé de cours avait fait preuve d’incivilité en adoptant un ton méprisant et condescendant envers les membres responsables de l’administration de la Faculté d’éducation permanente. Ces derniers ont d’ailleurs senti la nécessité de lui rappeler que ses « échanges avec les membres de la Faculté [devaient se faire] de façon respectueuse » (paragraphe 23 de la sentence arbitrale). Le comité a ainsi convenu que le congédiement de l’UdeM était la sanction appropriée. Le chargé de cours a porté en appel la décision du comité de discipline auprès du comité des différends de l’UdeM. Le comité des différends a conclu à un bris du lien de confiance entre le chargé de cours et la Faculté de l’éducation permanente. Ainsi, ce comité ne considérait pas que le lien de confiance avec la Faculté de droit était brisé, donc le congédiement de cette faculté n’était pas de mise. En conséquence, la conclusion proposée était de rompre le lien d’emploi seulement avec la Faculté de l’éducation permanente. L’UdeM et le chargé de cours contestent cette décision devant un arbitre, puis devant la Cour supérieure en contrôle judiciaire. Analyse L’arbitre conclut que la décision raisonnable, compte tenu des circonstances, était de congédier le chargé de cours de la Faculté de l’éducation permanente, mais pas de la Faculté de droit. Tout d’abord, l’arbitre analyse la portée de la prestation de travail d’un chargé de cours. Contrairement à ce que soutenait le chargé de cours, la charge de travail d’un tel emploi ne se limite pas à l’enseignement lors du trimestre. Les chargés de cours doivent préparer leurs cours, assurer l’évaluation des étudiant et se conformer aux politiques de leurs universités quant aux exigences administratives mises en place afin de s’assurer du bon déroulement des études. Ainsi, bien que le contrat de travail d’un chargé de cours commence théoriquement à la première journée de la session, ce dernier est tenu de se conformer aux exigences de son université si cette dernière exige, par exemple, le plan de cours quelques semaines avant le début des classes. Les chargés de cours sont également tenus de respecter les politiques en place par l’université afin d’assurer la saine gestion administrative ainsi que l’accommodement des élèves lorsque les raisons invoquées par ces derniers pour justifier ce besoin sont légitimes. Par ailleurs, ces exigences administratives ne briment pas la liberté académique des chargés de cours, puisqu’elles n’ont pas pour objectif d’évaluer le contenu enseigné ou évalué, mais ont plutôt comme but d’assurer le respect des directives facultaires et des droits des étudiants. Lors d’une sanction disciplinaire, il est important que l’université impose une sanction proportionnelle aux manquements de son employé. Ainsi, puisque l’insubordination et l’incivilité avaient seulement rompu le lien de confiance entre le chargé de cours et la Faculté de l’éducation permanente, seul le congédiement de cette faculté était adéquat.
- L’intervention du Comité de direction n’est pas nécessaire en matière de non-renouvellement de contrat
Les textes encadrant le non-renouvellement d’un contrat mentionne le rôle du Comité de direction. Celui-ci n’ayant pas été impliqué dans un non-renouvellement d’un contrat, le professeur concerné saisi le tribunal arbitral. Sentence arbitrale rendue le 15 mars 2023 Université de Sherbrooke c. Association des professeures et professeurs de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke (grief syndical), 2023 QCTA 112 Non-renouvellement de contrat – Comité de direction - Arrêt maladie – Objectifs de gestion – Doyen Faits Une université conclu un contrat de trois ans avec un professeur. Ce contrat prévoit une possibilité de renouvellement s’il atteint les objectifs demandés et que l’évaluation de sa contribution professorale est correcte. Au cours de ces trois années, trois arrêts maladies se sont succédés. Les périodes où il a travaillé à temps plein révèlent qu’il n’a pas réussi à atteindre ses objectifs en termes de gestion mais aussi d’enseignement clinique. Avant le terme de son contrat, il est informé par le doyen du non-renouvellement de celui-ci. Le professeur conteste alors la validité de cette décision considérant que les textes internes à l’Université prévoient que c’est au Comité de direction qu’il appartient de prendre cette décision. Auparavant, des non-renouvellements de contrats avaient justement été soumis à ce Comité de direction. L’arbitre rejette la demande affirmant que l’implication du Comité est indispensable seulement en matière d’octroi du renouvellement. Analyse Des décisions judiciaires, notamment de la Cour suprême du Canada, ont déjà eu à trancher des questions similaires (Cour suprême 1999, Ville de Chambly c. Gagnon ) et ont considéré que l’expiration d’un contrat met fin à celui-ci. L’arbitre considère que le terme étant fixe, il expire dans la mesure où l’employeur décide de ne pas le renouveler. Les recours ne sont ensuite pas ouverts, à moins de prouver une atteinte à un droit fondamental, une mauvaise foi ou une déraisonnabilité. Les Statuts de l’Université prévoient le rôle exclusif du Comité de direction en matière d’octroi et de renouvellement des contrats de travail. Toutefois, il est précisé que le rôle du Comité est d'intervenir lorsque les actes ou contrats ont des conséquences financières pour l’établissement. Lorsqu’il n’y a pas d’implication financière, le doyen a compétence pour réaliser des actes juridiques. De son côté, le Protocole indique que “l’Université” doit décider du renouvellement ou non d’un contrat. Le doyen étant le représentant de l’université, il est alors en droit de décider d’un non-renouvellement. En l’espèce, puisqu’il s’agit d’un non-renouvellement d’un contrat, aucune dépense n’est en cause. La responsabilité ne repose pas sur le Comité de programme. Le doyen a compétence pour refuser le renouvellement d’un contrat. La circonstance qu’auparavant, des non-renouvellements aient été soumis au Comité de direction est sans influence. En matière de non-renouvellement d’un premier contrat, l’intervention du Comité n’est que facultative, le doyen a compétence tant que le reste de la procédure est respectée. La décision du doyen est donc valide.
- Une chargée de cours ayant été victime de harcèlement de la part d’une étudiante conteste la réadmission de l’étudiante à son université
Une étudiante reconnue coupable de harcèlement criminel envers une chargée de cours s’est vue admise à nouveau à l’université après avoir terminé sa période de probation ordonnée par le tribunal. Sentence arbitrale rendue le 4 juin 2024 Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Sherbrooke et Université de Sherbrooke (Isabelle Sirois-Dumont) , 2024 QCTA 248 Chargée de cours – Étudiante – Harcèlement – Droit du travail – Réadmission – Grief – Syndicat – Milieu de travail – Université – Emploi Faits Une chargée de cours qui prodiguait son enseignement au sein de la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke a été victime de harcèlement par une étudiante a déposé une plainte à la police. En effet, entre le mois de septembre 2017 et juin 2019, l’étudiante développe un comportement inapproprié et excessif afin de tenter de retenir l’attention de la chargée de cours. Par exemple, elle porte des pyjamas en classe, elle circule dans l’université en faisant jouer de la musique forte, elle s’assoit trop près d’elle lorsqu’elle prodigue un cours et la fixe, elle se présente à chaque plage horaire d’enseignement de la chargée de cours, et ce, pour tous ses groupes-classe et elle l’aborde excessivement. En plus, la chargée de cours remarque qu’elle la croise souvent : dans les corridors de l’université, sur le chemin vers sa voiture, sur la route vers chez elle, près de sa maison et même à l’aréna dans lequel sa fille prenait des cours de patin. Ainsi, au fur et à mesure que les semaines avançaient, la chargée de cours croisait l’étudiante à toute heure du jour lors de ses déplacements et de ses occupations. L’étudiante s’installait aussi en dessous de l’escalier près des bureaux des chargés de cours pour dormir et elle installait un bureau à quelques pas de la maison de la chargée de cours afin d’y passer du temps. Bref, elle avait une obsession maladive avec la chargée de cours. L’étudiante a plaidé coupable à une accusation de harcèlement criminel entre le mois de septembre 2017 et de mars 2018. Elle a toutefois obtenu une absolution sous réserve d’une probation de 30 mois. Ainsi, pour la durée de sa probation, l’université lui a interdit d’entrer en contact avec la chargée de cours et sa famille, de fréquenter les deux campus de l’université et de s’inscrire à des activités pédagogiques prodigués par l’Université de Sherbrooke. À la fin de sa période de probation, l’étudiante demande d’être admise à l’université afin d’y suivre deux cours dans la faculté des lettres et sciences humaines, tout près de celle d’éducation. L’Université de Sherbrooke acquiesce à sa demande en lui imposant certaines restrictions, notamment de s’abstenir d’entrer en contact avec la chargée de cours ou de circuler près de son bureau ou de ses classes et de ne pas chercher à connaitre les déplacements de cette dernière. La chargée de cours s’oppose formellement à cette réadmission, puisqu’elle juge que cette décision de l’université est déraisonnable et abusive en plus de mettre en péril sa santé psychologique et sa dignité. Analyse L’arbitre a déterminé que la décision de l’université de réadmettre l’étudiante et de lui imposer certaines restrictions était raisonnable. L’université a l’obligation de moyen de fournir un milieu de travail à ses employés exempt de harcèlement psychologique, c’est-à-dire qu’elle doit prendre les moyens raisonnables afin de prévenir les situations de harcèlement et de les corriger une fois alertée de la situation. Pour déterminer les moyens à prendre lorsque les acteurs de la situation de harcèlement sont susceptibles de se côtoyer, l’université doit prendre en compte le contexte et les conséquences du harcèlement sur la victime. Aussi, l’université ne doit pas attendre de recevoir une plainte formelle avant d’agir pour rectifier la situation. C’est ce que l’Université de Sherbrooke a fait en l’espèce : dès qu’elle a été mise au courant de la situation, elle a tenté de trouver des solutions afin de fournir à la chargée de cours un milieu de travail sain. Par ailleurs, l’université peut gérer ses activités et diriger ses employés comme elle le veut, sous réserve de la convention collective et des obligations que la loi lui impose, notamment la bonne foi. L’université ne doit donc pas abuser de son pouvoir de gestion. En revanche, « l’abus de droit ne s’analyse pas dans la perspective de la meilleure décision possible. L’Employeur peut s’être trompé, tant qu’il ne s’agit pas d’une grossière erreur » (paragraphe 250 de la sentence arbitrale). En l’espèce, l’université a adopté des mesures provisoires afin d’assurer la sécurité de la chargée de cours peu après sa prise de connaissance de la situation de harcèlement. Aussi, le Comité de direction a instauré des conditions plus sévères que l’ordonnance de probation à l’étudiante, notamment l’interdiction de se trouver sur les lieux de l’université et non simplement de la Faculté d’éducation. L’université « avait des obligations légales d’accepter l’étudiante dans la mesure où son refus, après avoir complété toutes les mesures de sa probation, aurait été jugé déraisonnable » (paragraphe 195.4 de la sentence arbitrale). Ainsi, lors de la réadmission de l’étudiante, les représentants de l’université ont tenu des rencontres avec la chargée de cours dans le but de répondre à ses interrogations et ses préoccupations afin de regarder avec elle les mesures qui pouvaient être prises pour la sécuriser. Les représentants de l’université a fait des démarches afin d’obtenir l’horaire de l’étudiante, d’obtenir un permis de stationnement plus près de la faculté pour la chargée de cours et de permettre à cette dernière de participer à certaines rencontres à distances. L’étudiante a d’ailleurs encore été rencontrée afin d’obtenir d’autres engagements de sa part. Ainsi, l’arbitre est arrivé à la conclusion que l’université avait pris en compte la position et les opinions de chargée de cours, puisque « prendre en compte ne signifie pas accepter sa position comme étant la seule possible sans égard à l’ensemble du contexte » (paragraphe 266 de la sentence arbitrale). Pour terminer, les sanctions appropriées à infliger à un harceleur, qu’il soit employé, étudiant ou acteur externe de l’université, doivent être progressives. Ainsi, le renvoi, le congédiement ou le bannissement n’est pas automatique. L’université doit prendre en compte le contexte afin de déterminer la sanction appropriée, ce qu’elle a fait. Elle a pris toutes les mesures raisonnables afin d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement à sa chargée de cours. L’arbitre a donc jugé que toutes ses obligations avaient été remplies.
- Une université utilise de manière inappropriée une procédure d’évaluation afin de sanctionner un chargé de cours
Une procédure d’évaluation à l’égard d’un chargé de cours est mise en œuvre mais celle-ci vise, non pas à déterminer les connaissances et habiletés mais à sanctionner un comportement volontaire, ce qui la rend inadéquate. Sentence arbitrale rendue le 14 mars 2022 Université de Sherbrooke c. Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Sherbrooke (CSQ), 2022 QCTA 137 Évaluation des enseignants – Procédure disciplinaire – Délai – Mesures administratives – Convention collective – Comportements fautifs Faits Lors de l’évaluation d’un chargé de cours, les étudiants font état de certains commentaires négatifs concernant son débit de parole trop rapide, des commentaires dénigrants à l’égard des autres matières ou encore un manque d’ouverture sur les façons d’aborder certaines questions. L’université doute alors de la qualité de l’enseignement et décide de mettre en œuvre le processus d’évaluation de l’enseignement à son égard. Afin de procéder à cette évaluation, un comité est créé selon les règles prévues par la convention collective. De nombreux échanges ont eu lieu afin de demander au chargé de cours d’améliorer les éléments de son enseignement qui posent des difficultés. Le professeur n’a répondu à aucune de ces demandes. Certains membres du comité sont dissidents mais la majorité a conclu à ce que le chargé de cours ne puisse plus déposer sa candidature pour le cours en question. Le professeur dépose un grief en considérant que l’université a fait une utilisation inappropriée du processus d’évaluation de l’enseignement. C’est ce que confirme l’arbitre en estimant que le processus n’a pas servi à se questionner sur ses qualifications mais à sanctionner ses comportements. Analyse La convention collective permet à l’université d’apporter une aide pédagogique et d’évaluer l’enseignement d’un chargé de cours à condition de l’en informer par écrit et lui fournir les outils pour qu’il puisse remédier à ses lacunes. L’arbitre précise que cette évaluation vise à définir les habiletés et connaissances du chargé de cours, tandis, qu’en matière disciplinaire, l’objectif est de constater des comportements volontaires inadéquats afin de prendre les mesures nécessaires pour y remédier. Toutefois, une décision antérieure ( Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Montréal (SCCCUM/FNEEQ-CSN) et Université de Montréal (Pierre Bergeron) , 2018 QCTA 784) révèle que des gestes volontaires peuvent entrer dans la sphère administrative lorsqu’ils sont tellement répétés, qu’ils deviennent hors du contrôle du salarié. En l’espèce, les comportements sont volontaires et contrôlés. Le chargé de cours a été prévenu à plusieurs reprises de l'inadéquation de ses comportements, tels que donner des notes trop élevées ; faire la publicité de cours qu’il donne dans d’autres établissements ; ou encore empiéter sur d’autres cours du programme en ne circonscrivant pas assez sa matière. L’évaluation ne remet pas en question les connaissances mais bien des comportements et relève ainsi du domaine disciplinaire. De plus, l’université ne démontre pas l’incapacité du plaignant à assurer ce cours, considérant qu’il l’a enseigné de nombreuses fois et que les évaluations par les étudiants sont, dans l’ensemble, plutôt positives. La démarche de l’université et la décision du comité d’évaluation sont invalidées, à charge pour l’université d’entamer une procédure appropriée si elle le souhaite, sous l’angle disciplinaire.
- Une professeure accuse un collègue d’agression sexuelles à son égard pendant 20 ans et est congédiée de l’université pour avoir diffamé son présumé agresseur
En rédigeant un courriel faisant état des accusations d’agression sexuelle contre le professeur et en l’envoyant à divers collègues, membres de la direction facultaire, confrères de leur milieu de recherche et au fils du professeur, la professeure-plaignante avait eu un comportement diffamatoire. Sentence arbitrale rendue le 29 juillet 2022 Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal (SGPUM) et Université de Montréal (griefs individuels) , 2022 QCTA 327 Relation de pouvoir – Professeur – Agression sexuelle – Diffamation – Dénonciation – Atteinte à la réputation – Grief – Syndicat – Harcèlement psychologique – Université – Menaces de mort – Chercheurs Faits Une étudiante au doctorat (ci-après « Madame »), plus tard devenue professeure, a été supervisée par deux co-directeurs, dont un homme (ci-après « Monsieur ») qui deviendra peu après un partenaire de relations intimes. Ainsi, lors de divers déplacements professionnels à travers le Québec, le Canada et le reste du globe, Monsieur et Madame se sont adonnés à des relations sexuelles. Après l’obtention du doctorat de Madame, soit lors de son emploi à l’université à titre de chercheure à la Chaire de recherche en salubrité des viandes, leurs relations intimes ont continué. Il est important de noter que Monsieur dirige cette chaire et qu’il occupe des fonctions administratives au sein de la faculté de médecine vétérinaire, faculté dans laquelle il est professeur et Madame a complété son doctorat. Même après la promotion de Madame au poste de professeure agrégée, ils continuaient d’entretenir leurs relations intimes qui, par ailleurs, étaient totalement secrètes. Après quelques 20 ans de relations intimes, Madame et Monsieur, maintenant tous deux professeurs titulaires, ont décidé de mettre fin à cette situation. Quelques années plus tard, Madame dépose une plainte auprès de l’université et du service de police de sa région pour agression sexuelle contre Monsieur. Ayant le sentiment qu’aucune mesure n’avait été prise par l’université, Madame divulgue ses allégations par l’entremise d’un courriel transmis à une « trentaine de personnes, essentiellement des collègues et des étudiants de Monsieur pour accuser Monsieur ni plus ni moins d’agressions sexuelles et de fraude » (paragraphe 521 de la sentence arbitrale). Elle a également envoyé ledit courriel au fils de Monsieur. Lors de l’enquête sur la situation menée par une firme mandatée par l’université, Madame a fait parvenir à Monsieur une lettre dans laquelle elle lui fait part, sur un ton assez agressif, de diverses « mises en garde », insultes et propos dégradants. Elle fait par ailleurs allusion à ses armes à feu en écrivant que « [ses] amis à [son] club de tir demandent comment [elle] fai[t] pour être si précise à la cible en utilisant [son] Beretta Ruger SR1911 pour femme et encore plus surprenant, [son] Heckler & Koch P30 à la salle de tir » (paragraphe 544 de la sentence arbitrale). Monsieur allègue donc que Madame l’a diffamé et l’a harcelé psychologiquement en raison de ces événements. La firme en charge de l’enquête a conclu que les accusations de Madame n’étaient pas fondées, alors que celles de Monsieur l’étaient. L’université congédie donc Madame sans préavis. Cette dernière dépose deux griefs afin de contester cette décision. Analyse Avant d’analyser la raisonnabilité de la décision de l’université, l’arbitre devait faire le point sur la situation d’agression sexuelle alléguée et la situation de diffamation alléguée. Ainsi, ce dernier a conclu, après avoir entendu la preuve, que les allégations d’agression sexuelle de Madame étaient mal fondées. D’autre part, l’arbitre a retenu les allégations de diffamation et de harcèlement psychologique de Monsieur. Selon l’arbitre, « le rapport de force entre Madame et Monsieur était inégal pendant une grande partie de la période analysée (20 ans) et suffisant pour laisser planer un doute sérieux sur le caractère non désiré de certains rapports sexuels relatés [lors des premières années] » (paragraphe 7 de la sentence arbitrale). En revanche, l’arbitre disposait de preuves insuffisantes pour conclure à une quelconque exploitation ou contrainte de la part de Monsieur pour les actes sexuels et ne pouvait ainsi conclure à l’existence d’agressions sexuelles. Ainsi, malgré la relation inégale étudiante-superviseur de thèse et le témoignage de Madame faisant état de l’emprise que Monsieur avait sur elle, l’arbitre n’a pas conclu à un consentement altéré. En se penchant sur les allégations de Monsieur, l’arbitre a conclu que Madame l’avait diffamé. En effet, en rédigeant un courriel dans lequel elle déclarait avoir été victime d’agressions sexuelles de Monsieur pendant 20 ans et soutenait que ce dernier avait fraudé plusieurs milliers de dollars à l’université et, en l’envoyant à diverses personnes proches de Monsieur, Madame a eu un comportement diffamatoire. La nature diffamatoire de propos s’analyse en fonction de la perception qu’aurait une personne ordinaire. En l’occurrence, une personne raisonnable aurait jugé les propos de Madame comme étant diffamatoires. Dans le cas où une telle personne arriverait à la conclusion que les propos ont déconsidéré la réputation de la victime, le tribunal pourra également conclure à de la diffamation. En conséquence, trois situations sont susceptibles d’être qualifiées de diffamation ( Prud’homme c. Prud’homme , 2002 CSC 85, par. 36) : « (1) lorsqu’une personne prononce des propos désagréables à l’égard d’un tiers tout en les sachant faux; (2) lorsqu’une personne diffuse des choses désagréables sur autrui alors qu’elle devrait les savoir fausses; et (3) lorsqu’une personne médisante tient, sans justes motifs, des propos défavorables, mais véridiques, à l’égard d’un tiers. » Aussi, en lui envoyant une lettre dans laquelle elle faisait allusion à ses capacités de manier des armes et dans laquelle elle employait un ton menaçant, Madame a tenu des propos assimilables à des menaces de mort. La diffamation et les menaces de mort de la part de Madame ont été interprétés comme étant des conduites vexatoires par l’arbitre, lui permettant ainsi de conclure à du harcèlement psychologique contre Monsieur. En effet, lorsque les autres éléments du harcèlement psychologique sont présents (répétition ou gravité, atteinte è la dignité ou à l’intégrité, milieu de travail néfaste et comportement hostile ou non désiré), la jurisprudence a reconnu que la diffamation pouvait constituer du harcèlement psychologique. Dans le même ordre d’idée, les menaces de mort peuvent « constituer une seule conduite grave permettant de conclure à une conduite vexatoire en l’absence de répétition » (paragraphe 504 de la sentence arbitrale). L’arbitre a donc conclu que Madame avait fait du harcèlement psychologique à l’égard de Monsieur. Puisque Madame avait réfléchi avant de rédiger le courriel et la lettre et puisqu’elle était motivée par un désir de vengeance, l’arbitre a conclu qu’elle était susceptible de récidiver. De plus, Madame n’a jamais démontré aucun remord et ne s’est jamais excusée auprès de Monsieur, ce qui a contribué à démontrer à l’arbitre qu’elle était à un haut risque de récidive. En conséquence, l’arbitre a conclu que le congédiement de Madame était justifié en raison d’une réhabilitation invraisemblable à court terme. Par ailleurs, vu la violence des menaces de mort transmises à Monsieur, l’arbitre a également justifié le congédiement sur cette base. Ainsi, dépendamment de la gravité de la violence ou de la menace prodiguée par un employé, une université peut être justifiée de congédier l’employé sans devoir lui laisser une quelconque chance de changer son comportement.
- Quelles limites à la liberté académique? Une professeure tente sans succès de justifier ses propos
Une professeure subit différentes sanctions et suspensions en raison de propos et de comportements jugés comme étant de l’inconduite, de l’insubordination et des manques de respect à l’égard de ses supérieurs et de différents collègues. Sentence arbitrale rendue le 29 février 2024 Syndicat des professeures et professeurs de l'Université du Québec en Outaouais (SPQO) et Université du Québec en Outaouais (Natalia Dankova), 2024 QCTA 92 Réprimandes – Suspensions – Professeure – Obligation de loyauté – Grief – Syndicat – Convention collective – Université – Liberté académique – Insubordination – Inconduite – Manque de respect – Désaccord avec une décision du comité sur le plagiat – Comité de discipline Faits Une professeure de l’Université du Québec en Outaouais s’est vue imposée une réprimande et deux suspensions à la suite de différents événements. Réprimande Tout d’abord, elle a signé une résolution en hébreu, signature que le secrétaire général de l’université a refusée. En réponse à ce refus, cette dernière lui a demandé de justifier sa décision. Étant sans réponse pendant près de 3 semaines, la professeure lui a réécrit un courriel se concluant par : « Tout cela a un petit air d’antisémitisme et de xénophobie ». Le secrétaire général de l’université lui a répondu qu’il s’était déjà prononcé sur sa signature un an plus tôt et que les propos du courriel de la professeure étaient inacceptables. Vu l’absence de collaboration de la professeure, ce dernier a déposé une plainte d’inconduite auprès de l’université. Le comité d’examen a imposé à la professeure une réprimande écrite. Suspension de trois semaines Ensuite, lors d’un événement complètement distinct, la professeure a déposé une plainte de plagiat contre trois étudiantes. Cette plainte a été rejetée par le comité de discipline. La plaignante se disait outrée de cette conclusion. Par ailleurs, une étudiante qui était visée par la plainte de plagiat a déposé une demande de révision de note quelques semaines plus tard auprès de la professeure. Cette dernière a décidé de laisser la note de l’étudiante intacte. L’étudiante a porté cette décision en appel devant le comité d’appel. Le comité a rencontré l’étudiante et la professeure afin d’obtenir leurs versions des faits. Lors de la réunion avec la professeure, cette dernière a notamment traité les membres du comité d’appel de « lâches » et a remis en question leur intégrité. En conséquence, le vice-recteur à l’enseignement et à la réussite l’a convoquée à une rencontre à plus d’une semaine d’avis afin de faire de la lumière sur ces événements. La professeure répond qu’elle enseigne, qu’elle « n’est pas sur appel » et lui propose une plage horaire deux semaines plus tard. Après quelques courriels empreints d’arrogance de la part de la professeure, ils ont convenu d’une plage horaire pour leur rencontre. Finalement, lors de la rencontre, la professeure a accusé le vice-recteur de lui manquer de respect, de vouloir l’humilier et de protéger le comité. Ainsi, l’université a imposé à la professeure une suspension de 3 semaines en raison de son inconduite et de son insubordination afin de l’inciter à modifier sa conduite. Suspension de trois mois Dernièrement, lors de la rencontre afin de lui remettre l’avis de la suspension de 3 semaines, la professeure a encore adopté des comportements et des propos irrespectueux et abusifs. Ces agissements ont donné lieu à une autre rencontre afin d’adresser sa conduite. Lors de ces deux rencontres, la professeure a été condescendante, a accusé le vice-recteur de vouloir l’humilier et la réduire au silence, a été irrespectueuse envers ce dernier en faisant diverses allusions à l’étymologie du mot recteur (venant du mot latin rektum) dans le but de le dénigrer et de « démontrer sa propre supériorité en termes de connaissances linguistiques sur son supérieur » (paragraphe 91 de la sentence arbitrale). Elle l’a également accusé de faire preuve de mépris envers elle en raison du fait qu’elle est une femme. Elle fondait ses accusations sur un oubli de la part du vice-recteur d’accorder au féminin le mot déçu dans un de ses courriels. La professeure a, par ailleurs, enregistré les deux rencontres à l’insu de l’université. En réponse à tous ces événements, l’université a décidé de la suspendre pour 3 mois. La professeure conteste toutes les mesures disciplinaires de l’université par trois griefs. Analyse L’arbitre rejette les trois griefs de la professeure. Pour ce qui est de la première sanction, l’arbitre justifie la réprimande de la professeure avec plusieurs motifs. Premièrement, il note que les mots antisémitisme et xénophobie sont lourds de sens et qu’une telle accusation est très grave. Deuxièmement, l’université avait un règlement qui visait à prévenir et à combattre les situations d’inconduite, de harcèlement et de violence qui énonçait que les membres de la communauté universitaire devaient notamment agir avec courtoisie, respect et modération. Les propos de la professeure constituaient un manquement à cette obligation. Aussi, l’arbitre note que la réprimande est la sanction la plus clémente et que, conséquemment, elle était justifiée eu égard à la faute. En ce qui concerne la suspension de trois semaines, l’arbitre n’y voit pas d’erreur. En effet, il a considéré que l’attitude et les propos de la professeure dans la rencontre avec le comité de révision de notes constituaient de l’inconduite, vu leur gravité. Également, le ton méprisant et arrogant qu’elle a tenu dans ses courriels avec le vice-recteur et lors de la rencontre constituaient de l’insubordination selon l’arbitre, ce qui justifiait une telle sanction. La suspension de trois mois était également justifiée aux yeux de l’arbitre, puisque la professeure a encore manqué de respect au vice-recteur. Elle l’a faussement accusé de vouloir l’humilier à multiples reprises, d’être méprisant avec elle et de manquer d’empathie avec elle en raison de sa situation familiale. De surcroit, elle a tenté d’humilier le vice-recteur par tous les moyens. Par ailleurs, selon l’arbitre, elle a manqué à son obligation de loyauté envers l’université en enregistrant les rencontres avec ses supérieurs au sujet de ses inconduites, car cela risquait de détruire sa relation avec ses collègues et l’université. Commentaires Il est important de noter que, bien que la professeure bénéficiait de la liberté académique et qu’elle pouvait exprimer ses opinions et critiquer les différentes décisions et règles universitaires, elle ne pouvait pas s’en prévaloir pour justifier des propos méprisants, insultants et faussement accusateurs contre divers membres et comités de l’université. La liberté académique n’est pas absolue; elle « ne saurait être exercée à bon droit que dans le cadre des objectifs qui lui sont propres, c’est-à-dire de façon honnête et désintéressée, et non pas au service d’une cause extrinsèque » (Université du Québec à Montréal et Syndicat des professeurs de l’Université du Québec à Montréal, AZ-51126397, p. 23). En matière disciplinaire, les employeurs doivent appliquer la progression des sanctions. En effet, ces derniers doivent sanctionner leurs employés graduellement afin de leur laisser l’opportunité d’ajuster leurs comportements, à l’exception des manquements trop graves. Dans cette affaire, l’université avait bien appliqué ce principe en plus d’octroyer des sanctions justes eu égard aux fautes de la professeure.
- L’octroi de plusieurs charges de cours portant le même sigle à un chargé de cours n’est pas un droit absolu
L’université, grâce à ses droits de gestion, a la possibilité de modifier la manière d’évaluer les compétences pour certains programmes. Peu importe que ce changement ait des conséquences sur la possibilité pour les chargés de cours d’obtenir plusieurs charges de cours portant le même sigle. Sentence arbitrale rendue le 19 décembre 2022 Université du Québec à Montréal et Syndicat des chargés de cours de l'Université du Québec (grief syndical), 2022 QCTA 546 Attribution de charges de cours – Droits de gestion – Modification de l’évaluation des compétences – Chargés de cours Faits Dans une université, près de 50 à 60% des charges d’enseignement sont assumées par des chargés de cours. Avant chaque début de session, l’employeur doit afficher les cours qui sont offerts aux étudiants et encore disponibles après que les professeurs réguliers aient choisi ceux qu’ils souhaitent enseigner. Ensuite, les chargés de cours font leur choix. Finalement, l’attribution est réalisée par un algorithme qui tient compte de l’ancienneté et de l’expérience, tout en priorisant ceux qui sont en simple emploi. Parfois, les chargés de cours peuvent enseigner le même cours à des groupes d’étudiants différents. La pratique permet aussi qu’ils puissent faire un examen commun et simultané pour les différents groupes. L’année 2017 marque un changement d’approche dans cette université. Les examens sont complétés par des « simulations » lors desquelles, les chargés de cours doivent nécessairement être présents. Ces simulations se tiennent dans des salles différentes pour les différents groupes, ce qui implique qu’un chargé de cours ne puisse plus obtenir plusieurs charges de cours portant le même sigle. Considérant qu’il ne s’agit que d’un changement cosmétique visant à créer un conflit d’horaire monté de toutes pièces, le syndicat des chargés de cours dépose un grief contestant une attitude arbitraire et de mauvaise foi de l’université dans l’attribution des charges des cours. Ce grief est contesté par l’université qui ajoute également que cette pratique implique que certains chargés de cours ont plus de temps de disponible que d’autres, durant lequel ils sont tout de même payés. L’arbitre considère que l’université a fait un bon usage de ses droits de gestion. L’impossibilité pour un chargé de cours d’obtenir plusieurs charges de cours portant le même sigle est simplement une conséquence. Analyse L’exercice par l’employeur de ses droits de gestion exige qu’il agisse de façon raisonnable en s’abstenant de tout comportement discriminatoire, arbitraire ou de mauvaise foi. En l’espèce, l’université a progressivement mis en place une nouvelle manière d’évaluation des compétences pour certains programmes en raison de l’observation d’une baisse marquée des inscriptions à ce programme. L’arbitre estime que les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour affirmer que les changements réalisés ne sont que cosmétiques. L’attitude de l’université n’a pas non plus été marquée par l’arbitraire, la discrimination ou la mauvaise foi. En revanche, l’argument de l’université, selon lequel un chargé de cours qui enseigne la même charge de cours à des groupes différents, a plus de “temps libre” payé est infondé. En effet, tout dépend de son efficacité et de sa rapidité à préparer ses cours. Le nombre d’heures consacré à la préparation d’un cours varie nécessairement d’une personne à une autre, sans pour autant que cela n’ait de conséquence sur les salaires. Par ailleurs, lorsqu’il n’y a pas de conflit d’horaire, la possibilité d’octroyer plusieurs charges de cours portant le même sigle à un chargé de cours existe toujours. L’université n’a pas eu de comportement arbitraire ou de mauvaise foi, sa nouvelle approche relève, à bon droit, de ses droits de gestion.
- Un étudiant au doctorat se représente faussement comme un professeur détenteur d’un doctorat
Un étudiant au doctorat publie des articles en prétendant faussement être détenteur d’un doctorat et d'être professeur dans un département inexistant de son université. Décision statuant sur une demande de pourvoi en contrôle judiciaire rendue le 6 avril 2021 Madiouni c. Comité de discipline de l'Université de Sherbrooke 2021 QCCS 1243 Intégrité à la recherche – Université – Renvoi – Règlement universitaire – Demande de pourvoi en contrôle judiciaire – Doctorat – Étudiant Faits À la suite d’une enquête, le vice-doyen à la recherche et aux études supérieures de la Faculté des sciences de l’Université de Sherbrooke (l’U. de S.) a déposé une plainte au comité de discipline de cette même université au sujet d’un étudiant au doctorat qui se présentait comme détenteur d’un doctorat. En plus, cet étudiant se disait professeur au département d’orthopédie de l’Université qui, par ailleurs n’existait pas, lors de différentes publications d’articles scientifiques et de congrès. Le comité de discipline de l’U. de S. a statué que l’étudiant avait manqué à plusieurs égards au Règlement des études de l’Université de Sherbrooke, notamment en faisant des fausses représentations quant à son statut de détenteur de doctorat et de professeur afin d’accroître sa crédibilité auprès de ses pairs. En conséquence, l’étudiant a été renvoyé définitivement de son programme de doctorat et une note a été ajoutée à son dossier d’étudiant. 136 jours après avoir reçu la décision du comité disciplinaire, l’étudiant a entrepris une demande de pourvoi en contrôle judiciaire. Le Comité de discipline reprochait à l’étudiant d’avoir contrevenu à l’article 9.4.2 du Règlement des études de l’U. de S. en se représentant faussement comme détenteur d’un doctorat, en utilisant son association à l’U. de S. frauduleusement ainsi qu’en se présentant comme un chercheur et professeur dans un département inexistant de cette université. Analyse Les sanctions disciplinaires lors de manquements doivent objectivement représenter la gravité de la faute commise. En effet, plus la transgression des règles est sérieuse et lourde, plus les conséquences seront importantes. Le Comité de discipline de l’U. de S., après avoir constaté la sévérité des manquements, a jugé qu’une grave sanction était de mise. Ainsi, l’étudiant s’est vu imposé une mention de « réprimande sévère » à son dossier académique en plus d’avoir été définitivement renvoyé du programme de doctorat auquel il était inscrit depuis 7 ans. Il est important de noter qu’il ne s’agissait pas de la plus sévère des réprimandes que le Comité de discipline pouvait prononcer, puisque l’étudiant pouvait toujours appliquer à d’autres programmes de l’U. de S. En révisant la décision du Comité, le juge a considéré cette dernière comme raisonnable, juste et équitable, puisque l’étudiant était l’auteur de son propre malheur. En effet, il se présentait comme une personne qu’il n’était pas et mentait quant à son expérience et ses compétences lors de ses diverses activités professionnelles. Par ailleurs, pour demander à la Cour supérieure de réviser une décision rendue par un comité de discipline, il faut intenter le recours dans un délai raisonnable. La jurisprudence a déterminé que 30 jours était un délai raisonnable, mais qu’en cas de situations exceptionnelles, le tribunal pouvait tout de même permettre un recours au-delà de cette échéance si les circonstances le justifiaient. Certains critères ont été élaborés pour déterminer si la situation permettait un délai d’action supérieur à 30 jours, notamment la cause de l’inaction dans le délai de 30 jours, les conséquences de la décision, la nature de l’erreur qui aurait été commise et le fondement du droit revendiqué. Dans la présente affaire, il s’était écoulé 136 jours entre le rendement de la décision et la demande de révision judiciaire. L’étudiant avait également consulté une avocate et l’Ombudsman de l’U. de S. le jour même de la réception de la décision du Comité de discipline. L’avocate l’avait informé de la possibilité d’intenter un recours en révision pour contester la validité de la décision et avait mentionné les délais à respecter. Le juge considéra donc que le délai de 136 jours était déraisonnable et que le recours devait de toute manière être rejeté sur ce fondement. Ainsi, le tribunal a rejeté la demande de pourvoi en contrôle judiciaire de l’étudiant. Ce dernier a également tenté d’appeler cette décision devant la Cour d’appel du Québec, mais sa demande a été rejetée. Le juge de la Cour d’appel n’a pas été convaincu d’une quelconque erreur dans le jugement de la Cour supérieure. [ Arrêt intégrale de la Cour d'appel ]
- Un ex-employé d’une université réclame que ses informations personnelles soient détruites
Un ancien employé de l’UQAM réclame que ses informations personnelles recueillies dans le cadre d’expertises médicales soient supprimées par l’Université . Décision statuant sur un appel administratif rendue le 17 mars 2022 Mailhot c. Université du Québec à Montréal 2022 QCCQ 3331 ; Mailhot et Université du Québec à Montréal , 2021 QCCAI 73 Renseignements personnels – Accès à l’information – Université – Conservation de renseignements – Travail Faits Un ex-employé de l’UQAM demande à cette dernière de supprimer les données personnelles qu’elle a recueillies dans le cadre d’expertises médicales. Ces expertises avaient pour but de déterminer l’aptitude ce dernier à reprendre le travail après une interruption de travail due à des problèmes de santé. L’UQAM avait demandé des expertises médicales afin de déterminer si l’employé était capable de travailler dans « le contexte d’une rétrogradation à un poste de niveau technique » (paragraphe 33 de la décision) et s’il était limité de quelconque manière à le faire. Suite à la terminaison de son emploi à l’UQAM en 2009, l’ex-employé demande à l’UQAM de supprimer certaines informations personnelles qui ont été reproduites dans les différents rapports d’expertise médicale afin de tenter de faire annuler son congédiement sur ces bases. Analyse Pour qu’une demande de rectification, soit de modification ou de suppression d’informations de son dossier, soit possible, il faut que les renseignements contenus soient inexacts, incomplets ou équivoques ou que la collecte, la communication ou la conservation ne soient pas prévues et autorisées par la loi en vertu de l’article 89 de la Loi sur l’accès. L’ex-employé invoquait que l’UQAM n’était pas autorisée à collecter et conserver ces informations. Les informations avaient été recueillies dans le cadre d’évaluations médicales effectuées dans le cadre de la saine gestion des rapports de travail entre un employeur et son employé. En effet, l’employeur doit pouvoir évaluer la capacité d’un employé à travailler après un arrêt de travail pour cause de problèmes médicaux. Ainsi, l’UQAM pouvait recueillir ces informations selon l’article 64 de la Loi sur l’accès , puisqu’elles étaient nécessaires à l’exercice de ses fonctions, en l’occurrence déterminer l’état de santé d’un employé afin d’évaluer les possibilités de retour au travail. Par ailleurs, l’UQAM ne pouvait pas répondre par la positive à la demande de rectification de l’employé, car l’article 73 de la Loi sur l’accès y faisait obstacle. En effet, les avocats du Service des affaires juridiques devaient conserver les dossiers inactifs de leurs clients pendant au moins 7 ans après leur fermeture. Cette norme, comme toutes les obligations constatées dans la Loi sur les archives et le Code des professions , avait préséance sur la destruction des renseignements selon l’article 73 de la Loi sur l’accès et empêchait donc l’UQAM de les détruire. L’employé n’a donc pas réussi à faire détruire ou supprimer les informations que l’UQAM possédait relatives à ses antécédents personnels, familiaux ou judiciaires contenus dans les expertises médicales. Le juge a donc décidé que l’UQAM était en droit de collecter ces renseignements et avait le devoir de les conserver. Commentaires Malgré l’obligation des organismes publics de détruire les informations recueillies lorsqu’elles sont utilisées, il est possible qu’ils en soient empêchés par d’autres normes. La Loi sur les archives , le Code des professions ainsi que les règlements adoptés en vertu de ce dernier contiennent des exceptions au principe de la destruction des renseignements après leur utilisation. Ainsi, l’employeur peut être obligé de garder certains renseignements personnels sur ses employés, et ce, même si le lien d’emploi est terminé.
- Un centre de recherche tente de recouvrer un déficit de recherche auprès du chercheur responsable
Un centre de recherche poursuit un chercheur pour un déficit de 400 000 $ dans les fonds de recherche. La Cour supérieure rejette la demande et tranche sur la responsabilité des déficits. La Cour d'appel du Québec confirme la décision. Décision rendue le 11 décembre 2009 Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal c. Blaise , 2009 QCCS 5750 Centre de recherche – Gestion des fonds de recherche – Déficit – Obligations fiduciaires – Chercheur indépendant – Responsabilité des déficits – Ententes particulières – Relations contractuelles. Faits Dans cette décision, un chercheur avait fait de nombreuses demandes fonds au centre de recherche, administrateur des subventions obtenues par les chercheurs. Au cours des années, les demandes du chercheur ont entrainé un déficit de plus de 400 000 $. Constatant ce déficit, le centre de recherche prévoit avec le chercheur une entente dans laquelle 10 % des nouvelles subventions devraient servir à rembourser le déficit, ce qui ne sera pas mis en œuvre. Finalement, le centre de recherche poursuit le chercheur pour recouvrer ce déficit. Analyse La Cour Supérieure a conclu que le centre de recherche administrait les sommes reçues des organismes pour financer les recherches à titre de « fiduciaire », appliquant ainsi les obligations prévues au Code civil du Québec. Notamment, les fiduciaires ont le devoir d’administrer et de surveiller les fonds, tout en respectant leurs obligations et leurs pouvoirs. Ils doivent agir avec toute prudence, diligence, honnêteté et loyauté. Ainsi, lorsque le centre de recherche autorise des sorties de fonds plus élevées que les montants disponibles, il doit en assumer la responsabilité. Il ne peut pas ensuite réclamer ces mêmes sommes versées dans l’intérêt des bénéficiaires. S’il y a déficit en raison de ses autorisations, le centre de recherche ne peut s’en prendre qu’à son manque de prudence et diligence, d’autant plus qu’ici, il était tenu par des obligations de surveillances et de soutien. Dans les ententes avec le centre de recherche, le chercheur avait simplement « reconnu » les prélèvements de 10 %. C’est le centre de recherche qui devait s’en occuper. Aucune preuve ne montre que le chercheur s’était engagé à rembourser le déficit réclamé par le centre de recherche. C’est le centre de recherche qui devait s’assurer de l’équilibre dans les comptes. Ce dernier pouvait ainsi refuser les demandes de sortie de fonds des chercheurs, si nécessaire, ce qu’il n’a pas fait. Analyse en appel Le centre de recherche a appelé de la décision de la Cour supérieure. Cependant, la Cour d’appel rejette sa demande, mais pour des conclusions différentes. Notamment, un chercheur n’est pas un « entrepreneur indépendant, personnellement responsable des dépenses qui pourraient excéder les subventions de recherche obtenues par son entremise » (paragraphe 1 de la décision de la Cour d'appel). Ce n’est pas la nature des relations entre les chercheurs et leur centre de recherche d’affiliation. La relation contractuelle entre le chercheur et le centre de recherche au dossier ne permet pas non plus d’observer telle responsabilité du chercheur. Ainsi, en l’espèce, c’est le centre de recherche qui est responsable des déficits. À noter que la Cour d’appel n’est pas nécessairement en accord avec l’analyse en lien avec les obligations fiduciaires de la Cour supérieure. Cependant, elle conclut pareillement au rejet de la demande.
- Un centre de recherche cesse de verser des intérêts à des comptes de recherche
Un centre de recherche modifie sa politique concernant le versement des intérêts dans les comptes des chercheurs. Un chercheur conteste sans succès devant la Cour supérieure. Décision rendue le 28 juin 2012 Nabid c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS), 2012 QCCS 2914 Politiques de versement des intérêts – Centre de recherche clinique – Administration des fonds – Libre disposition des fonds – Obligations contractuelles - Intérêts versés aux comptes - Recherche commanditée Litige concernant les intérêts versés aux comptes de recherche ( Voir aussi l'article sur le litige concernant l’entente sur les frais généraux) Faits Le Centre de recherche clinique (CRC) du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) avait comme politique de verser aux chercheurs les intérêts générés sur les soldes des comptes de recherche où des frais administratifs sont facturés. Dans l’optique de « créer un levier financier pour développer la recherche clinique » (paragraphe 47 de la décision), le CRC cesse de verser ces intérêts. Le chercheur requiert que ces intérêts continuent d’être versés. Analyse Le CRC n’a aucune obligation de verser ces intérêts et estime que le budget accordé aux activités de recherche est suffisant. Les ententes triparties entre le chercheur, le CRC et les commanditaires prévoient que les commanditaires versent des sommes dans des comptes de recherche au CRC, le chercheur dirige la recherche et utilise les fonds et le CRC fournit au chercheur des installations et des services pour qu’il puisse mener sa recherche. Rien n’est prévu concernant les intérêts. Le CRC est administrateur de ces fonds pour respecter les contrats et les politiques du CRC. Il est à noter que le chercheur en question n’est pas un chercheur indépendant. Il doit respecter les règlements et les politiques du CRC (voir Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) c. Dr Blaise , 2011 QCCA 1843). Le CRC avait une politique de verser des intérêts, mais n’était lié à aucun engagement. La modification de cette politique est « une décision administrative discrétionnaire de la nature d’un acte de pure faculté » (paragraphe 120 de la décision). Le tribunal note que « [l]es intérêts appartiennent au propriétaire du compte bancaire, le CHUS, qui est libre d’en disposer » (paragraphe 121 de la décision). Aucune obligation contractuelle ne donne de droits sur ces intérêts à personne d’autre. Ainsi, le CRC est libre de changer sa politique.
- Suspension de six mois pour plagiat confirmé par la Cour d'appel
Un professeur plagie deux livres. La Cour d’appel réitère la gravité du plagiat en milieu universitaire et confirme la révision de la Cour supérieure sur la décision de l’arbitre de grief. Arrêt rendu le 28 juillet 2015 Syndicat des professeures et professeurs de l'Université du Québec à Montréal (SPUQ-CSN) c. Université du Québec à Montréal (Grief de Robert Robillard), 2015 QCCA 1256 Plagiat – Mesures disciplinaires – Congédiement – Suspension – Gravité – Révision de la décision arbitrale – Norme de contrôle – Gradation des sanctions – Sanctions abusive Faits Dans cette décision, un professeur avait publié un livre comportant un total de neufs passages plagiant deux autres livres sans les citer. L’Université a décidé de congédier le professeur, mais le syndicat c’est objecté devant le Tribunal. L’arbitre avait rejeté le congédiement, le jugeant trop abusif. Les parties ont demandé à la Cour supérieure de réviser le dossier, mais elle n’a que confirmé les motifs énoncés par l’arbitre. La tâche revient ultimement à la Cour d’appel de trancher sur le litige. Analyse La Cour d’appel commence par tenter de définir ce qu’est le plagiat. Malgré que le plagiat relève du domaine du droit d’auteur l’arbitre a pris sa décision sur d’autres fondements. Même en utilisant les règles du droit d’auteur, la décision aurait vraisemblablement été la même. À noter toutefois que l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur permet l’utilisation d’œuvres sans être titulaire s’il s’agit d’une utilisation équitable, notamment aux fins de recherche et d’éducation. Plutôt, l’arbitre s’est référé aux politiques et règlements s’appliquant tant aux étudiants qu’au professeurs, indiquant qu’on ne pourrait pas, en matière de plagiat, permettre à un professeur de faire ce qui est interdit aux étudiants. En effet, la Cour supérieure a concédé qu’il est raisonnable de considérer le plagiat comme le simple fait de copier et s’attribuer indûment , sans devoir analyser s’il s’agit d’une partie importante d’une œuvre ou non (au sens de la Loi sur le droit d’auteur ). Règlement sur les infractions de nature académique no. 18 de l’Université : « Le plagiat : l’utilisation totale ou partielle du texte ou de la production d’autrui en le faisant passer pour sien ou sans indication de référence » (Cité au paragraphe 16 de la décision de la Cour d’appel). Politique sur la probité en recherche no. 27 : « Ne pas utiliser les idées, les données ou les résultats de recherche, sous quelque forme que ce soit, publiés ou non, de quelqu’un d’autre sans lui reconnaître de façon explicite la filiation intellectuelle » (Cité au paragraphe 16 de la décision de la Cour d’appel). La Cour suprême du Canada avait indiqué dans le passé que les professeurs devaient agir de manière exemplaire en matière de plagiat. L’arbitre indique qu’autrement, les élèves pourraient suivre les mauvais exemples et ainsi abuser à leur tour. C’est donc à juste titre de considérer que la faute du professeur est grave. L’Université était de bon droit d’imposer une sanction au professeur. Cependant, est-ce que le congédiement était adapté à la situation? Le Syndicat voulait plaider qu’il fallait appliquer la gradation des sanctions, étant donné qu’il s’agissait d’une première offense pour le professeur. Cependant, l’arbitre avait expliqué que la gradation des sanctions ne s’applique qu’en cas de fautes légères ou de gravité limitées qui se répètent dans le temps. Ici, c’est complètement différent. Cependant, il a été plaidé devant l’arbitre que l’Université a agi de manière plus clémente dans le passé, que ce soit de n’imposer que la rédaction d’une lettre d’excuse ou bien de n’imposer aucune sanction. Dans le présent litige, l’arbitre avait aussi considéré les impacts sur la carrière du professeur, de même que ses évaluations dont « la Direction aurait dû tenir compte lorsqu’il s’est agi de déterminer la sanction qui devait être imposée au requérant» (paragraphe 123 de la décision arbitrale). C’est ainsi que le tribunal avait considéré le congédiement comme abusif, n’imposant qu’une suspension de 6 mois. La Cour d’appel indique que la Cour supérieure n’a pas fait d’erreur en révisant la décision arbitrale. La décision de l’arbitre est donc confirmée, même si la Cour d’appel n’est pas convaincue des motifs utilisés pour arriver à la décision. Cependant, elle indique au paragraphe 20 que les motifs de l’arbitre ont permis à la Cour supérieure de comprendre la décision et que d’imposer une suspension de 6 mois plutôt qu’un congédiement faisait partie des issues possibles du litige. Il n’y a donc pas lieu de réviser la décision. Remarques sur la norme de contrôle Comme cet arrêt a été rendu en 2015, la conclusion de la Cour d’appel repose sur les normes de contrôles de l’arrêt Dunsmuir. Si elle avait été rendue en 2023, c’est plutôt sur l’arrêt Vavilov de la Cour suprême que la conclusion aurait dû reposer. Il est toutefois vraisemblable que si l’arrêt avait été tranché sur l’arrêt Vavilov, ç’aurait été le même critère de révision, soit celui de la décision raisonnable. Cependant, la décision raisonnable ne repose plus sur la question à savoir s’il s’agit une des issues possibles du litige. Il faut plutôt s’interroger sur le processus. Si les motifs sont difficiles à cerner, il y a possibilité de retourner l’affaire au décideur (voir Canada c. Vavilov , 2019 CSC 65 au paragraphe 136). Dans le présent litige, il est difficile de voir ce que la Cour d’appel aurait décidé en 2023.
- Des cobrevetés peuvent-ils concéder des licences unilatéralement pour leur propre compte?
La Cour d'appel du Québec donne des indications sur les droits des brevetés Arrêt rendu le 14 février 1978 Marchand c. Péloquin , (1978) 45 C.P.R. (2 d) 48 (C.A.); [1978] C.A. 266 Loi sur les brevets – Travaux conjoints – Cobrevetés – Droit anglais – Droit canadien – Application au Québec – Absence de convention – Droits des propriétaires – Droit des indivisaires – Licence d’exploitation Faits Cette décision met en scène des relations contractuelles complexes et évolutives. Essayons de clarifier le tout. Un inventeur s’allie avec un comptable pour exploiter une invention qui sera brevetée. L’entente est simple : 65 % des intérêts et profits pour l’inventeur et 35 % pour le comptable. Ils forment une société. La société prend entente avec une compagnie. Les profits de la vente de l’invention seront partagés ainsi : 40 % pour la compagnie et 60 % pour la société (respectivement, 39 % pour l’inventeur [65 %] et 21 % pour le comptable [35 %]). Les choses se complexifient : le comptable cède partiellement ses droits à un tiers et l’inventeur cède tous ses droits à la compagnie. Le comptable (et le tiers) souhaite obtenir leur part dans les profits générés par la compagnie. La Cour supérieure donne droit au comptable (et le tiers), mais la compagnie appelle de la décision. Après une saga judiciaire, la Cour d’appel doit trancher sur la nature du droit des cobrevetés. Analyse Après quelques questions procédurales, et malgré le fait qu’il y avait déjà eu une décision similaire au cours de cette saga judiciaire, la Cour d’appel souhaite se prononcer sur les conséquences de la cession des droits de l’inventeur à la compagnie. À l’époque, il n’y avait pas de précédent canadien sur la question. La Cour présente donc ce qui a été décidé dans la common law anglaise, tout en expliquant les raisons pour lesquelles il faut s’en écarter. En effet, les autorités anglaises (tout comme les autorités états-uniennes) ont conclu que chacun des cobrevetés peuvent exercer leurs droits d’exploitation de manière exclusive et ils peuvent concéder des licences selon leur bon vouloir. Cependant, les juristes anglais font une mise en garde et suggèrent de prévoir au contrat une limitation quant à l’exploitation et à la séparation des profits qui lie aussi les futurs propriétaires, non pas seulement les propriétaires actuels. Au Québec, la Cour indique que les droits de propriété sur les brevets sont indivis. Ainsi, chaque cobreveté est un copropriétaire indivis et possède un droit de véto sur les autres copropriétaires indivis (aussi appelés les « indivisaires »). De même, la Loi sur les Brevets, à l’article 66 (autrefois 67) donne des pouvoirs au commissaire en cas d’abus. De même, la Cour soulève que les cobrevetés doivent partager les profits, ce qui ne semble pas choquer la justice (page 19). Cette approche permet, au final, d’éviter les risques qu’un seul cobreveté concède à tout le monde le droit d’exploiter le brevet, au détriment du droit d’exclusivité des autres cobrevetés. Il est à noter que la législation anglaise est venue corriger la jurisprudence pour éviter ce genre de situation. Dans notre cas, l’inventeur et le comptable avaient manifestement prévu que les parts de 65 % et de 35 % étaient indivises et qu’ils entendaient une exploitation commune en séparant les profits. Ainsi, le dossier serait réglé même en appliquant la jurisprudence anglaise, qui permet la liberté contractuelle. La Cour d’appel est ainsi en accord avec la Cour supérieure, rejette l’appel et condamne la compagnie à verser la part des profits pour le comptable (et le tiers). Commentaires Cette décision de la Cour d’appel du Québec n’a pas été retenue dans l’arrêt Forget v. Specialty of Canada Inc. , [1995] B.C.J. No. 1653 de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. Tel que mentionné par les auteurs Bergeron et Sapp dans les Développements récents en droit de la propriété intellectuelle (2011) , page 42-43 ( voir l’ouvrage ), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a préféré appliquer la jurisprudence anglaise, puisqu’appliquer l’indivisibilité entrerait en conflit avec les droits d’exploitation des cobrevetés en vertu de l’article 42 de la Loi sur les brevets. Ainsi, de nos jours, ce serait seulement au Québec qu’il est nécessaire d’obtenir le consentement des autres cobrevetés, le reste du Canada appliquant les autorités anglaises. Bergeron et Sapp mentionnent à la page 43 qu’il demeure toutefois prudent de prévoir les droits au contrat pour éviter tout renversement judiciaire non voulu. Ainsi, la meilleure pratique reste à prévoir les droits et obligations des cobrevetés dans une entente écrite et claire.
- Retrait unilatéral d’un coauteur dans un article scientifique
Un professeur sanctionné pour avoir retiré unilatéralement le nom d’un coauteur à un article scientifique. Le tribunal confirme la suspension sans solde de 3 semaines imposée par l’Université Sentence arbitrale rendue le 27 novembre 2020 Syndicat des professeurs et professeures de l'Université Laval (Alexander Salenikovitch) et Université Laval , 2020 QCTA 556 Statut d’auteur — Paternité — Contribution significative — Contribution substantielle — Publication — Article scientifique — Coauteur — Consultation — Thèse par articles — Doctorant — Professeur — Interuniversitaire — Conflit — Grief — Insubordination — Mauvaise foi — Inconduite — Intention de nuire — Suspension — Liberté académique Faits Dans cette décision, un professeur, le professeur X, conteste une suspension sans solde de trois semaines qui lui a été imposée pour avoir retiré unilatéralement un nom de la liste de coauteurs d’un article scientifique. Il s’agissait d’un article à être publié dans le cadre d’une thèse par article d’un doctorant. Plusieurs professeurs étaient coauteurs de cet article. Lors d’une dernière ronde de révision, une professeure avait ajouté le nom d’un autre professeur à titre d’auteur, en raison de sa contribution significative à l’article. Le professeur X révise rapidement l’article avant de l’envoyer à l’éditeur, sans se rendre compte de cet ajout. Ce n’est qu’après qu’il se rend compte de l’ajout. Il consulte le doctorant à ce sujet et il lui répond que l’apparition de ce nom n’a que peu d’importance pour lui. Sans consulter les autres coauteurs de l’article, ni même le professeur dont le nom avait été ajouté, le professeur X contacte l’éditeur et lui demande de retirer ce nom, sous justification d’une erreur cléricale. À noter que le professeur X et le professeur dont le nom a été retiré éprouvent de nombreux conflits l’un envers l’autre. Ces conflits font l’objet de trois griefs différents, dont celui-ci. Peu de temps après, le doyen reproche au professeur X d’avoir procédé sans consultation et lui demande d’envoyer une demande d’erratum à l’éditeur pour rajouter le nom à la liste des coauteurs. Le professeur X s’exécute. Toutefois, tout porte à croire que ce courriel a été rédigé de manière à ce que ce que l’éditeur ne procède pas réellement à sa demande. En effet, il semble que le professeur X ait tenté de rallier l’éditeur à son point de vue. Il allègue la liberté universitaire dans sa rédaction de son courriel. L’éditeur a alors senti le besoin de confirmer la réelle contribution de chaque coauteur listé dans cet article, leur envoyant une grille d’évaluation à compléter. En raison des agissements de l’éditeur, le directeur du professeur X lui demande d’avoir accès à l’échange de courriels entre lui et l’éditeur. Le professeur X lui indique que le contenu est confidentiel et refuse de procéder. Le tribunal a toutefois autorisé la divulgation du contenu des courriels, jugeant l’absence d’aspect confidentiel. Analyse Les universités et les maisons d’édition proposent habituellement des lignes directrices sur la paternité d’articles scientifiques. Le tribunal note que ces sources ont habituellement en commun la notion de « contribution significative ». Les usages du milieu peuvent également être pertinents à considérer dans chaque situation. Ainsi, toutes les personnes qui ont contribué de manière significative à un article devraient voir leur nom figurer dans la liste des coauteurs. L’ajout et le retrait d’un nom doivent faire l’objet d’un consensus. Quant à lui, le professeur X a témoigné au fait qu’il ne se fiait pas aux lignes directrices de son université en la matière et qu’il ne connaît pas les règles d’usage de son milieu. Pour lui, la simple consultation de son étudiant suffisait à justifier ses agissements. En l’espèce, l’arbitre a conclu à la mauvaise foi, l’intention de nuire et l’insubordination du professeur X. Il a commis une erreur grave en retirant unilatéralement le nom d’un professeur de la liste d’auteurs, sans consultation. Ce faisant, il a également mis l’éditeur et l’ensemble des coauteurs dans une position inconfortable. Le professeur X a également tenté de contourner les directives de son employeur en « fidélis[ant] l’éditeur à sa cause ». Il a refusé de divulguer le contenu des courriels, tentant de dissimuler ses agissements sous le prétexte de la confidentialité. Ainsi, l’arbitre n’a pas vu d’occasion de renverser la sanction imposée par l’employeur, soit une suspension de trois semaines sans solde. Commentaires Pour éviter les litiges au sujet de la paternité d’œuvres ou d’articles scientifiques, il semble pertinent d’agir en amont. Une bonne pratique pourrait être d’établir de manière consensuelle les contributions respectives et les statuts d’auteurs appropriés, de même que l’ordre d’apparition des noms. Le site web de l’Université Laval présente les Principes directeurs sur la reconnaissance des auteurs d’une publication de l’Université Laval ( Consulter le site de l’Université Laval ). L’auteur y est décrit comme une personne ayant contribué substantiellement à la matérialisation d’une idée. Ce site présente une liste cumulative de réalisations nécessaires pour se voir accorder ce statut. (Consulter notre page Quels sont vos droits : Paternité d’une publication [lien à venir]) Finalement, l’American Psychological Association propose des outils tels que des conventions types pour déterminer le statut d’auteur et l’ordre d’apparition des noms ( Consulter le site de l’APA; sous la rubrique « Helpful Tools » ).
- Obligation de convivialité en milieu de travail et liberté universitaire
Le tribunal confirme une sanction imposée initialement pour harcèlement psychologique. La sanction est maintenue, mais pour un manque à l'obligation de convivialité en milieu de travail. L'arbitre ne permet pas une défense basée sur la liberté universitaire. La liberté universitaire n'évolue pas en vase clos et ne peut servir de fondement pour se libérer d'autres obligations. Sentence arbitrale rendue le 27 novembre 2020 Syndicat des professeurs et professeures de l'Université Laval (Alexander Salenikovitch) et Université Laval , 2020 QCTA 556 Harcèlement psychologique — Convivialité en milieu de travail — 2088 C.c.Q. — 2088 Code civil du Québec — Devoirs du salarié — Milieu de travail malsain — Professeur — Chaire de recherche — Étudiant — Partenaires externes — Conflit — Suspension sans solde — Enquête — Sanctions — Volonté de s’amender — Inconduite — Insubordination — Mauvaise foi — Manque de respect — Loyauté — Liberté universitaire Faits Dans cette décision, le professeur A conteste une suspension sans solde de quatre mois qui lui a été imposée par son université à la suite d’une plainte pour harcèlement psychologique. Le plaignant et le professeur A sont tous deux des professeurs qui effectuaient des recherches pour une Chaire universitaire dont le plaignant est le titulaire. Une mésentente est survenue entre eux. Le plaignant a mis fin à la collaboration du professeur A aux travaux de la Chaire. Il peut toutefois continuer certains travaux qui s’inscrivent dans un projet de recherche complémentaire étant sous l’administration du même bureau de direction que la Chaire. Dans la plainte pour harcèlement psychologique, de nombreux agissements sont reprochés au professeur A. Il est notamment question de nombreuses interactions et communications avec le plaignant, impliquant parfois même des partenaires externes et des étudiants, de nuire à la crédibilité du plaignant, d’outrepasser des processus et de tenter à plusieurs reprises et par plusieurs moyens de participer à des activités où il n’était pas invité. Analyse L’arbitre n’a pas jugé ces comportements comme étant des conduites vexatoires menant à du harcèlement psychologique au travail. Il a toutefois conclu que l’Université était en droit de réprimander le professeur A, dans les circonstances. Certes, une suspension de quatre mois sans solde est une sanction sévère. Toutefois, l’Université avait déjà sanctionné deux fois le professeur en raison de son comportement et il avait fait l’objet de deux enquêtes au sujet. L’arbitre indique que cela aurait dû le pousser à cesser ses agissements. De plus, lorsque son directeur lui demande de cesser son sarcasme et de cesser d’impliquer des partenaires externes à son conflit avec le plaignant, le professeur A lui répond que cela serait contraire à sa liberté universitaire. « Mais quand on considère l’ensemble de ces faits, cependant, on constate que le Professeur [A] […] commet une faute grave d’inconduite, de mauvaise foi, d’insubordination, de manque de respect et de loyauté» (paragraphe 391 de la sentence arbitrale). « Par certains de ses gestes, non seulement a-t-il mis en porte-à-faux des étudiants et des partenaires industriels, il a aussi mis à mal la réputation et la crédibilité du [plaignant] […], de [la Chaire] […] et possiblement même de la Faculté et de l’Université» (paragraphe 392 de la sentence arbitrale). Le professeur ne se conforme pas non plus à son obligation de convivialité en milieu de travail. L’arbitre cite des autorités pour cette obligation, intégré à l’obligation de loyauté prévue à l’article 2088 du Code civil du Québec. Cette obligation doit être analysée au cas par cas et peut varier en fonction du poste, du milieu et de la profession du salarié. Il s’agit de « l’ensemble d’attitudes propres à favoriser la communication, le commerce, le dialogue et la coopération entre les membres de l’entreprise. » (paragraphe 393 de la sentence arbitrale, références omises). Le professeur A appuie grand nombre de ses agissements sur la notion de liberté universitaire. L’arbitre n’est pas d’accord avec lui. Il note que la liberté universitaire donne de grands privilèges et, conséquemment, impose de grandes responsabilités. Il faut être conscient que la liberté universitaire n’évolue pas en vase clos en droit civil québécois. En effet, les professeurs universitaires demeurent soumis à leurs obligations de loyauté, civisme et civilité en vertu du Code civil du Québec. Le Code prévoit également aux articles 6 et 7 du les exigences de la bonne foi et la prohibition de l’abus de droit. La liberté universitaire des uns est également limitée par la liberté universitaire des autres. Finalement, le tribunal constate l’absence de volonté de s’amender du professeur à l’audience, d’autant plus qu’il justifie ses agissements par sa vision erronée de la liberté universitaire. Ce facteur est considéré pour maintenir la sanction. Ainsi, le grief est rejeté et la sanction de l’université est maintenue.
- Le syndicat des professeurs ne peut pas représenter un directeur de département congédié
Un directeur de département congédié ne peut pas être représenté par le syndicat dans un grief pour contester son congédiement. Sentence arbitrale rendue le 13 juillet 2020 Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (Jean Gosselin) c. L’Université Laval , 2020 QCTA 328 Congédiement sans cause juste et suffisante – Convention collective – Droit applicable – Jugement sur la compétence – Grief – 124 Loi sur les normes du travail – Professeur – Université – Directeur de département – Règlement – Contestation – Procédure – Allégations – Suspension pour enquête Faits Dans cette décision, un arbitre doit juger de sa propre compétence pour entendre un grief. Durant son deuxième mandat de directeur de département, un professeur d’université est suspendu aux fins d’enquête. Il est soupçonné de manquements à ses obligations, d’harcèlement psychologique et de manquements à la conduite responsable en recherche. L'université lui indique l’option de démissionner de son poste de directeur pour bénéficier de la représentation syndicale en tant que professeur. Le directeur n’exerce pas cette option. L’enquête révèle que des allégations de harcèlement psychologique sont avérées. Ainsi, l’université met fin à l’emploi du directeur en le congédiant. Ce dernier conteste ce congédiement en vertu de la Loi sur les normes du travail et de la convention collective des professeurs. Le syndicat souhaite ainsi représenter le professeur contre l’université devant un arbitre de grief. Toutefois, l’Université s’oppose à la compétence de l’arbitre, puisqu’elle indique que la convention collective des professeurs ne s’applique pas au directeur de département congédié. Ainsi, l’arbitre doit juger sur sa propre compétence. Analyse En remplissant la fonction de directeur de département, le professeur ne fait plus partie de l’unité de négociation, il ne paie plus les cotisations syndicales. Il ne peut ainsi pas être représenté par le syndicat des professeurs et le grief ne lui est pas accessible. Le litige est au fait que le directeur congédié indique qu’il demeure professeur durant la durée de son mandat et qu’il l’est demeuré au moment de son congédiement. À l’Université Laval, les directeurs de département sont nommés par le Conseil d'administration de l’université et ils font partie de la direction de celle-ci. Quant à leurs conditions de travail, ils ne sont pas assujettis à une convention collective, mais au Règlement sur les conditions de travail des professeurs-administrateurs . Ils sont exclus de l’accréditation syndicale. Bien entendu, ce règlement prévoit que les directeurs continuent de bénéficier des conditions de travail des professeurs, avec les adaptations nécessaires. Le règlement prévoit également une procédure de contestation propre aux directeurs. Ici, c’est cette procédure qui s’applique au directeur congédié. Ainsi, l’arbitre indique que la convention collective demeure pertinente pour les normes de travail des directeurs. Ceux-ci conservent également « les privilèges du professeur, nommément la permanence d’emploi et de rang » (article 58 des Statuts de l’Université Laval ). À la fin de leur mandat, les professeurs ex-directeurs redeviennent à nouveau visés par l’accréditation syndicale. Toutefois, l’arbitre note que pendant leurs fonctions de direction, ils sont exclus de l’accréditation. Conséquemment, ils n’ont pas droit à la représentation syndicale ni au grief. L’arbitre conclu ainsi qu’on ne peut pas imposer à l’université de passer par la convention collective pour congédier un directeur de département. Ceux-ci en sont exclus et ils sont visés par les Statuts et les Règlements de l’université. Ce n’est pas parce qu’un directeur est congédié qu’il « change subitement de statut pour passer de cadre à syndiqué » (paragraphe 59 de la sentence arbitrale). Enfin, l’arbitre note que le directeur congédié avait ici eu l’option de démissionner de son poste de directeur pour bénéficier de la représentation syndicale en tant que professeur. Commentaires À noter que l’arbitre a distingué les présents faits d’une décision où un salarié avait eu une « affectation temporaire au poste de cadre » (paragraphe 68 de la sentence arbitrale, référence omise). Celui-ci avait alors pu bénéficier de ses droits de syndiqué.
- Un syndicat refuse de représenter un professeur congédié
Un syndicat de professeurs est accusé d’avoir failli à son devoir de juste représentation par un professeur congédié pour avoir refusé de se soumettre à une évaluation psychiatrique requise par l’université en vertu de la convention collective. Le Tribunal pointe les principes applicables en matière de représentation syndicale. Décision administrative rendue le 19 juin 2020 Ulysse c. Syndicat des professeurs et professeures de l’Université de Montréal , 2020 QCTAT 2420 Représentation syndicale — Examen psychiatrique – Convention collective – Suspension – Congédiement – Fardeau du plaignant Faits Ce litige commence lorsqu’un professeur est suspendu à la suite d’une évaluation psychiatrique le déclarant inapte au travail. Désirant retourner à l’emploi, le professeur consulte un médecin en Floride qui confirme son aptitude au travail. À noter cependant que ce médecin n’avait pas accès au dossier médical du professeur et qu’il ne s’était basé que sur ses paroles. Après maints efforts de l’université et du syndicat, et après de nombreux refus du professeur, il finit par subir un autre examen psychiatrique, confirmant son inaptitude au travail. L’université refuse ainsi de le réintégrer à l’emploi. Le professeur se renseigne auprès du syndicat pour déposer un grief pour être réintégré à l’emploi. Celui-ci confirme avec un avocat indépendant et indique au professeur qu’il doit soumettre un rapport médical qui contredit le rapport qui le déclarait inapte. Autrement, tel que confirmé par l’avocat indépendant, un grief pour être réintégré à l’emploi n’aurait aucune chance de succès. Le professeur dépose un premier grief contre le syndicat puisque ce dernier ne veut pas le représenter. Plus tard, le professeur obtient un examen psychiatrique d’un psychiatre de New York qui confirme son aptitude, mais ce dernier n’avait pas non plus accès au dossier médical du professeur. Cependant, en vertu de la convention collective, l’université exige que le professeur subisse un examen avec le médecin de son choix. Elle le menace de prendre des mesures nécessaires en cas de refus. Malgré les conseils du syndicat afin de se conformer à cette requête, le professeur refuse. L’université le convoque à un autre examen sous menace de mettre fin à son emploi en cas de refus. Le professeur refuse et il est congédié. Le syndicat indique au professeur qu’il dispose de 60 jours pour contester son congédiement. Le professeur dépose un second grief contre le syndicat pour manquement à son devoir de juste représentation. Analyse Le droit impose à celui qui le demande le fardeau de prouver que le syndicat a enfreint le Code du travail. La jurisprudence exige une preuve que le syndicat a agi de mauvaise foi ou avec une intention malicieuse, frauduleuse, malveillante ou hostile. De même, le syndicat ne peut pas agir de manière arbitraire ou faire preuve de négligence grave, ce qui signifie de dépasser les limites de la discrétion raisonnablement exercée. Le syndicat n’est pas attendu d’agir de manière parfaite, mais il doit toutefois examiner les faits pertinents, effectuer les consultations indispensables et mener une étude sérieuse du dossier. Il doit agir avec compétence et intégrité. La représentation doit être réelle et non seulement apparente. Le syndicat avait en l’espèce tous les éléments nécessaires pour évaluer les chances de succès de son grief, connaissant le dossier médical du professeur. Il avait aussi raison de douter de la valeur des examens effectués aux États-Unis que le tribunal qualifie « de complaisance ». Le professeur allègue que le syndicat et l’université ont fait de la collusion contre lui pour le congédier, mais aucune preuve n’est présentée à cet effet. Au contraire, le syndicat en a fait beaucoup pour aider le professeur, en l’accompagnant, le conseillant, demandant une opinion juridique externe… sa décision de ne pas déposer le grief avant de recevoir le rapport d’examen était donc réfléchie. Le second grief du professeur sur les devoirs du syndicat de le représenter de manière juste et adéquate est également sans fondement. L’arbitre considère plutôt que le syndicat a agi de manière exemplaire en l’espèce.
- La Cour d'appel permet à l'Université de modifier un contrat sans l'avis de chercheurs ayant intérêt
Une Université modifie un contrat dans lequel des chercheurs ne sont pas parties, mais ont un intérêt. La Cour rappelle des principes généraux du droit des obligations et sur la prise de décision des gestionnaires. Arrêt rendu le 14 janvier 2010 Université de Sherbrooke c. Beaudoin , 2010 QCCA 28 Propriété intellectuelle – Contrats – Droit des obligations – Protocole de recherche – Indoor management rule — Obligation de consultation – Gestionnaire raisonnablement prudent Faits Dans le cadre du financement d’une recherche, une entreprise et une Université conviennent d’un protocole de recherche dans lequel l’entreprise obtient l’option d’acquérir des droits de propriété intellectuelle. Est établi le prix de l’option en fonction d’un calcul complexe comprenant notamment la valeur marchande. Les chercheurs de cette recherche ne sont pas parties à cette entente. Dans une entente avec les chercheurs, l’Université s’engage à leur verser 50 % des montants obtenus par la commercialisation de la propriété intellectuelle. Les chercheurs reconnaissent à l’Université un droit exclusif sur la gestion, la mise en valeur et le transfert de la propriété intellectuelle. En contrepartie, l’Université a une obligation de consultation des chercheurs, de même que des obligations de protection et de valorisation de la propriété intellectuelle, sans garantie de succès. (paragr. 30) Le litige survient lorsque l’Université et l’entreprise conviennent d’établir le cout d’acquisition de la propriété intellectuelle pour un montant forfaitaire de 275 000 $, plutôt que le calcul basé notamment sur la valeur marchande. Les chercheurs reprochent à l’Université de ne pas s’être acquittée de ses obligations de consultation et d’optimisation. Ils reprochent à l’entreprise d’avoir incité l’Université à avoir agi de la sorte. Analyse Même si l’Université n’avait pas à proprement parlé consulté les chercheurs, la Cour en a conclu autrement. La consultation sert ultimement à connaitre l’opinion d’une personne. Ici, il est prouvé que l’Université connaissait déjà l’opinion des chercheurs et qu’elle aurait vraisemblablement procédé sans leur consentement. Une consultation n’aurait pas apporté plus d’informations, ni un consentement plus éclairé à l’Université concernant sa décision de convenir d’une nouvelle entente avec l’entreprise. De même, la Cour a conclu que l’obligation d’avoir l’assentiment des chercheurs, en contraste avec l’obligation de consultation, représentait une ambigüité, permettant l’interprétation du contrat. La Cour a interprété que les parties avait vraisemblablement convenu que le consentement des chercheurs n’était pas nécessaire, notamment puisque l’Université était propriétaire unique et gestionnaire exclusif de la propriété intellectuelle. En cas de divergence d’opinions, suivant l’intention commune des parties, c’est l’Université qui devait trancher. Concernant l’obligation de valorisation, il est important de mentionner qu’il s’agissait de fournir une protection adéquate sans garantie, non pas une obligation d’optimisation. Les chercheurs indiquent qu’un « gestionnaire raisonnablement prudent n’aurait pas accepté [cette nouvelle entente] » au paragraphe 71 de la décision. Cependant, la Cour conclut que l’Université a agi en gestionnaire raisonnable et prudent, compte tenu des informations disponibles au moment de la prise de décision et du contexte entourant cette décision. Devant les allégations des chercheurs concernant l’absence d’autorisation pour conclure l’amendement, la Cour indique que c’est la règle de l’indoor management rule qui s’applique : on ne peut pas imposer des règlements internes de l’Université aux entreprises tierces contractant avec elle. Commentaires En somme, cette décision réitère des principes bien établis du droit des obligations codifiés au Code civil du Québec. Notamment, les contrats ne doivent être interprétés qu’en cas d’ambigüité et, le cas échéant, l’interprétation se fera en recherchant l’intention commune des parties. De même, les contrats ne lient que les parties. Les tiers ne peuvent pas, par exemple, se plaindre de cause de nullité relative, d’une certaine interprétation du contrat par les parties ou d’une façon d’exécuter le contrat. En l’espèce, les chercheurs et l’entreprise n’avaient aucune relation contractuelle. Les chercheurs étaient des tiers aux différents contrats entre l’Université l’entreprise. De même, la Cour soutient que l’Université a les pouvoirs, droits et privilèges des corporations ordinaires (art. 2b de la Loi concernant l’Université de Sherbrooke 1978 L.Q., c. 125). « En somme, l’Université opère sans contrôle gouvernemental important et jouit d’une totale indépendance à l’égard de son processus décisionnel, de son organisation interne et de ses relations avec ses professeurs, ses étudiants et toute autre personne ou entité, y compris des entreprises avec lesquelles elle peut conclure des contrats. Il s’ensuit que l’Université est une personne morale de droit privé au sens de l’art. 298 C.c.Q . » (paragraphe 47 de la décision).
- Un centre de recherche tente de modifier unilatéralement des ententes écrites avec des chercheurs
Un centre de recherche clinique modifie une politique interne. La nouvelle politique entre en conflit avec des ententes écrites antérieures. La Cour supérieure tranche sur le maintien des ententes et des obligations du centre de recherche. Décision rendue le 28 juin 2012 Nabid c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS), 2012 QCCS 2914 Gestion de fonds de recherche – Entente particulière – Changement dans l’administration – Changement de politiques du centre de recherche – Normes et circulaires – Projet de recherche initié par l’investigateur Litige concernant l'entente sur les frais généraux ( Voir aussi l'article sur le litige concernant les intérêts versés aux comptes de recherche) Faits Dans le cadre d’une étude initiée par un chercheur, subventionnée par une entreprise privée, le chercheur et le Centre de recherche clinique (CRC) du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) ont convenu que 18 % des frais administratifs de 20 % seront « retournés au projet de recherche afin d’en assurer la gestion » (paragraphe 77 de la décision). Cette entente initialement verbale a été mise par écrit par le chercheur et acceptée par le CRC. Trois comptes ont été créés en respectant cette entente. La recherche a commencé et l’entente avait jusqu’ici été respectée. À la suite de changements dans l’administration du CRC et de l’entrée en vigueur de nouvelles politiques, le nouveau directeur indique que l’entente ne produit plus d’effets. Les raisons sont les suivantes : elle n’est pas écrite, elle n’était que temporaire, elle n’est plus nécessaire et « ce versement est contraire à la circulaire des normes et pratiques de gestion du ministère » (paragraphe 99 de la décision). Le chercheur croyait, quant à lui, que « l’entente était valable tant et aussi longtemps que dureraient les projets de recherche » (paragraphe 129 de la décision). Analyse Comme l’entente a été détaillée par écrit, qu’elle a été acceptée et mise en œuvre par le CRC, que des comptes ont été créés en respectant cette entente, que les budgets sont préparés, revus et acceptés en fonction de cette entente, qu’il s’agit d’études de longue durée et que « la tenue des dossiers du Dr […] est extrêmement rigoureuse » (paragraphe 130 de la décision), le tribunal indique que l’entente est valide. S’ensuit une analyse des pouvoirs discrétionnaires du directeur scientifique de l’époque. Est conclu que ce dernier était autorisé à conclure une telle entente. L’entente étant conclue et toujours en vigueur, le CRC doit verser les montants réclamés. Le tribunal note que « chaque entente financière est un cas d’espèce qu’il faut analyser à son mérite » (paragraphe 134 de la décision), de même que « Le droit commun des obligations est applicable à une personne morale de droit public. Le CRC est donc lié par cette entente et doit la respecter. » (paragraphe 144)
- L’arbitre ne permet pas à une université de changer unilatéralement les tâches d'un professeur au cours du trimestre
Un professeur conteste le retrait de sa charge de supervision de deux étudiants. Il s'agissait d’une mesure disciplinaire. Le processus de modification des tâches professorales à la convention collective n’a pas été respecté. Sentence arbitrale rendue le 15 mai 2022 Syndicat des professeures et professeurs de l'Université de Sherbrooke (SPPUS) et Université de Sherbrooke (Saeed Shobeiri) , 2022 QCTA 232 Respect des directives – Évaluation – Retrait de charge de supervision – Contestation de la mesure - Harcèlement psychologique – Courriel – Persistance – Recours théorique – Droit de compensation – Liberté académique – Convention collective – Mesure disciplinaire – Université – Professeur Faits Il s’agit d’un professeur contestant le retrait de sa supervision d’étudiants. Le tribunal devait alors se positionner sur la conformité de cette mesure à la convention collective. Également, le professeur avait contesté la mesure sous l’angle de la liberté académique et avait déposé une plainte pour harcèlement psychologique. Le litige survient lorsque le professeur souhaite modifier les modalités d’un programme « d’essais-interventions ». Plus précisément, il s’agit de l’évaluation des étudiants. Les directives prévoient que cette évaluation doit se tenir en mode présentiel devant jury et le professeur devait être membre du jury. Il a communiqué de nombreuses fois avec le doyen de sa faculté pour repousser la date d’évaluation ou tenir l’évaluation en mode virtuel. Chaque fois, on lui répondait qu’il devait s’en tenir aux directives du département. Sans que l’arbitre n’y voie une réelle justification, le professeur indique alors à son directeur qu’il ne pourra pas être présent au jour de l’examen. Après discussion, le directeur lui dit de s’adresser au Doyen. Après avoir persisté auprès du Doyen, ce dernier lui avise le retrait de ses charges de supervision auprès des étudiants visés par ces évaluations. Ce courriel avait un caractère d’exaspération et d’irritabilité. Analyse Il est pertinent de noter que le professeur avait quitté son emploi auprès de l’université au moment du litige. L’arbitre note toutefois que cela n’enlève pas la pertinence du débat entourant la convention collective et le harcèlement psychologique. En effet, le débat serait qualifié de “théorique” si le professeur n’avait aucune possibilité de réclamation. Ici, le professeur pouvait toujours son droit de compensation monétaire et son droit de faire corriger des faits à son dossier d’employé. L’arbitre note le rôle de la convention collective dans les relations de travail du professeur. Celle-ci établit notamment des mécanismes et des modalités que l’employeur doit suivre dans l’exercice de ses droits de direction. Ici, la convention collective prévoit le processus à suivre lorsqu’un doyen désire modifier les tâches professorales d’un professeur. En effet, les professeurs déposent un formulaire identifiant leurs tâches professorales projetées pour l’année à suivre. Le doyen peut les modifier en le notifiant au moins un mois avant le début d’un trimestre. Si la charge doit être modifiée après ce délai, le consentement du professeur visé est nécessaire. L’arbitre note une atteinte à ce processus. En effet, le retrait des charges sans le consentement du professeur allait, selon l’arbitre, « bien au-delà d’une simple réorganisation administrative» (paragraphe 77 de la sentence arbitrale). Ici, l’arbitre qualifie le retrait des charges comme une mesure disciplinaire. En effet, le doyen a indiqué considérer comme comportement répréhensible le refus du professeur de respecter les règles. Il a également considéré que le professeur avait antérieurement fait l’objet d’un avis disciplinaire sur la question et qu’il s'agissait selon lui d’insubordination (paragraphes 83 et 84 de la sentence arbitrale). Comme la procédure établie à la convention collective n’a pas été respecté, le tribunal conclu à la nullité de la sanction. Ainsi, il ordonne à l’Université de retirer du dossier du professeur tout avis concernant le retrait des charges de supervision. La convention collective prévoit également une définition du harcèlement psychologique et de la liberté académique. L’arbitre note que le courriel du Doyen annonçant le retrait des charges de supervision pouvait certes heurter le professeur, mais l’ensemble des faits ne permet pas de conclure à un cas de harcèlement psychologique. Également, l’arbitre ne considère pas que l’exigence de procéder aux évaluations en présence physique porte atteinte à la liberté académique du professeur.
- Le Tribunal tranche: l'Université ne peut pas modifier unilatéralement le système de primes en place
Sentence arbitrale rendue le 16 janvier 2023 Une université modifie un système de primes pour les professeurs pour le rendre uniforme à toutes les facultés. Les professeurs souhaitent le maintien de l’ancien système. Le Tribunal leur donne droit grâce à un recours en estoppel . Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal c. Université de Montréal (référence neutre actuellement indisponible) Convention collective – Recours en estoppel – Ajout de termes implicites à une convention collective – Représentations continues – Réduction des primes – Traitement annuel Faits Pendant près de 18 ans, l’Université de Montréal a vu s’instaurer un système de primes auprès des professeurs de la faculté de droit. Les objectifs de cette prime étaient d’attirer de grands professeurs, de favoriser la rétention des professeurs et d’inciter une implication dans la faculté. De même, cette prime était nécessaire afin d’offrir des conditions de travail compétitives dans un environnement professionnel, tel que le milieu juridique. Les primes étaient mentionnées dans la convention collective comme faisant partie du traitement annuel des professeurs et était considéré comme des conditions de travail. Cependant, aucune mention expresse ne décrivait le système de prime auquel prenaient part les parties. L’Université mettait ce système en œuvre par l’intervalle de ses mandataires et représentants. La preuve a démontré que les professeurs ont considéré ce système de primes comme une condition de travail prédominante et décisive. De même, selon les représentations de l’Université, ils ne croyaient pas que ce système puisse être temporaire. De surcroit, les primes étaient systématiquement décernées à tous les professeurs qui ne sous-performaient pas, faisant de ces primes une condition de travail quasi certaine pour les professeurs. Suivant des objectifs d’uniformisation des conditions de travail dans l’ensemble de l’organisation, l’Université a procédé unilatéralement à un retrait progressif du système de primes pour en mettre un nouveau en place, nettement moins intéressant pour les professeurs de la faculté de droit. Le recours a été intenté lorsque le nouveau système a été présenté aux professeurs et les effets que ce système aura sur leurs conditions de travail personnelles. Analyse La jurisprudence permet d’adopter une position libérale et favorable à la reconnaissance de compétence d’un arbitre si la question est expressément ou implicitement reliée à la convention. Comme l’essence du litige repose sur une matière visée par la convention, considérant l’ensemble du contexte factuel et de la nature juridique du recours, le Tribunal a conclu qu’il avait compétence exclusive pour entendre le litige. Le système de prime a de nombreux points de rattachements à la convention collective et il s’agit d’une condition de travail. Connu de l’Université dès son instauration, ayant existé pendant près de 18 ans sans qu’elle l’ait dénoncé, mis en œuvre par ses représentants et mandataires, il est à conclure que le comportement de l’Université à l’égard des professeurs peut être considéré comme une représentation donnant lieu au recours en estoppel . Comme il y a une relation entre l’Université et les professeurs, que l’Université a fait des représentations claires auxquelles les professeurs ont agi par conséquent, croyant qu’il s’agissait de termes implicites à leur relation, l’Université est contrainte par ce système de primes et ne peut pas y mettre fin unilatéralement. Les parties peuvent toujours, conventionnellement et non pas unilatéralement, modifier le système de primes ou y mettre fin. Commentaires En février 2023, nous indiquions qu'il était vraisemblable que ce litige soit susceptible d’être porté en appel, tant pour la compétence du Tribunal que sur l’utilisation douteuse du recours en estoppel . Après vérifications, il appert qu'un pourvoi en contrôle judiciaire est actuellement en cours. Nous demeurons à l'affût des développements.
- Causes de révision possible pour le renouvèlement d’un mandat de professeur adjoint
Deux professeurs adjoints ne sont pas promus à l’agrégation et leur mandat terminal prend fin. Le tribunal précise les conditions d’admissibilité à la révision des décisions défavorables. Sentence arbitrale rendue le 15 avril 2020 Syndicat général des professeures et professeurs de l’Université de Montréal et Université de Montréal (grief syndical et griefs individuels, Jan Franssen et autre) , 2020 QCTA 263 Convention collective – Règlement – Professeur – Université – Fin d’emploi – Professeur adjoint – Professeur agrégé – Promotion – Renouvèlement – Mandat – Agrégation – Conseil de l’Université – Comité d’évaluation – Comité exécutif de la faculté – Doyen – Interprétation Faits Cette décision réunit deux griefs distincts, portant sur des faits très similaires. E lle présente deux professeurs de la même faculté, mais de départements différents. Tous deux contestent chacun un processus ayant mis fin à leur emploi. Le tribunal a alors dû se livrer à l’interprétation de la convention collective et le Règlement concernant la nomination et la promotion des professeurs à la Faculté des arts et des sciences et à la Faculté de médecine (ci-après : « Règlement »). Les deux professeurs sont professeurs adjoints à l’Université de Montréal. Ils ont déposé une demande pour être promu au poste de professeur agrégé. Les trois entités devant se prononcer sur leur promotion ont unanimement tranché en leur défaveur. Arrivés à leur mandat terminal, le refus de promotion représentait pour eux la fin de leur emploi. Les professeurs ont alors demandé l’envoi de leur dossier d’évaluation au Conseil de l’Université et au Comité d’évaluation. Chacune des demandes a été refusée. Ainsi, les deux professeurs déposent chacun un grief dans le but d’annuler les décisions et de pouvoir transmettre leur dossier au Conseil de l’Université et au Comité d’évaluation. Analyse L’arbitre a dû analyser la convention collective et le Règlement dans leur ensemble pour déterminer l’étendue du processus de promotion dans la situation commune aux professeurs. La convention collective prévoit qu’un professeur qui n’est pas recommandé à l’agrégation peut demander à son directeur d’envoyer son dossier d’évaluation au Conseil de l’Université. Celui-ci pourra alors accorder ou refuser la promotion. Il est également prévu la possibilité d’appeler de cette décision devant le Comité d’évaluation. Celui-ci procède à une toute nouvelle évaluation du dossier et rend la décision qu’il juge appropriée ( appel de novo ). Quant à lui, le Règlement prévoit trois scénarios différents. Trois entités se prononcent sur la promotion d’un professeur à l’agrégation. Il s’agit du directeur, du comité facultaire des promotions et des professeurs agrégés et titulaires consultés, Le premier scénario est celui où ces trois entités se prononcent favorablement à la promotion. En tel cas, le dossier est directement transmis au Conseil de l’Université. Les deux autres scénarios sont ceux où deux entités sont favorables à la promotion, alors qu’une seule est défavorable. Dans ces situations, le doyen pourrait être appelé à saisir le comité exécutif de la faculté pour trancher sur l’envoi du dossier au Conseil de l’Université. La convention collective prévoit aussi les modalités des mandats de professeur adjoint. Au terme du mandat, le professeur adjoint peut être promu au poste de professeur agrégé et ainsi obtenir sa permanence. Également, son mandat de professeur adjoint peut être renouvelé. Toutefois, le mandat ne peut être renouvelé qu’une seule fois. Ainsi, le deuxième mandat est dit « terminal », puisque le professeur pourra soit être promu, soit voir son emploi se terminer au terme du mandat. Le Règlement prévoit que c’est le Conseil de l’Université qui a l’autorité pour les nominations et promotions des professeurs. Ainsi, l’arbitre constate l’écosystème de normes s’appliquant aux nominations et promotions des professeurs, de même que les processus de révision disponibles. À la lecture seule de la convention collective, certes, il existe un droit de révision devant le Conseil de l’Université et un droit d’ appel de novo devant le Comité d’évaluation. Toutefois, l’arbitre rappelle que la convention collective doit être lue avec le Règlement qui prévoit les modalités de révision. Il n’est pas possible d’en faire abstraction. Ainsi, le droit de révision devant le Conseil de l’Université prévu à la Convention collective n’existe que dans l’un des scénarios invoqués dans le Règlement . Quant au droit d’ appel de novo devant le Comité d’évaluation, il n’existe qu’à la suite d’une décision défavorable du Conseil de l’Université. Concernant les deux professeurs, les trois entités se sont prononcées défavorablement à leur promotion. Aucune des situations prévues au Règlement n’est alors survenue. Le dossier n’a pas pu se rendre ni au comité exécutif de la faculté ni au Conseil de l’Université. Conséquemment, il n’était pas possible d’en appeler devant le Comité d’évaluation. Ainsi, les deux griefs sont rejetés. Les mandats des deux professeurs ne se renouvèleront pas et ils ne pourront pas être promus à l’agrégation.
- Un professeur se voit refuser sa demande de titularisation par son doyen et saisi la juridiction arbitrale en raison d’un manquement du syndicat au devoir de représentation
A plusieurs reprises, un professeur voit sa demande de titularisation rejetée. Il se tourne vers son syndicat mais, lorsqu’il souhaite contester cette décision, les délais sont prescrits. Il attaque alors son syndicat pour manquement au devoir de représentation. Décision administrative rendue le 22 décembre 2021 Rhnima c. Syndicat des professeures et professeurs de l'Université de Sherbrooke , 2021 QCTAT 6070 Refus de titularisation – Devoir de représentation – Convention collective – Comportement fautif – Délai de prescription - Université - Professeur – Recours civil – Grief - Syndicat Faits Un professeur s’est adressé au doyen de sa faculté afin d’obtenir une titularisation en tant que professeur. Malgré un avis favorable du Comité chargé d’évaluer cette demande, cette dernière est refusée par le doyen. Plus tard, le professeur réitère sa demande en se faisant assister par son syndicat. Celle-ci est une nouvelle fois refusée au motif que sa contribution n’est pas distinctive sur le volet de la recherche, cette appréciation se faisant sur la base de l’enseignement, la recherche, la participation à la vie universitaire et le service à la collectivité. Le professeur se tourne vers son syndicat pour se renseigner sur les recours possibles. Néanmoins, lorsqu’il décide de soulever un grief devant le tribunal arbitral, sa demande est rejetée en raison de sa tardiveté. En effet, la convention collective prévoit un délai de 30 jours pour déposer un grief à compter de la décision du Comité, délai que le plaignant n’a pas respecté. Le professeur conteste ce rejet considérant que le syndicat a manqué à son devoir de représentation. L’arbitre rejette sa demande considérant que le syndicat a rempli ses obligations. Analyse En matière de demande de titularisation, le tribunal arbitral n’a pas la compétence pour substituer son interprétation à celle du doyen, à moins de démontrer que la décision est arbitraire, discriminatoire, négligente ou entachée de mauvaise foi. L’arbitre doit se contenter de vérifier le respect de la procédure. Les comportements prohibés sont définis dans la jurisprudence et le fardeau de preuve repose sur le plaignant. En l’espèce, les nombreux échanges reproduits dans le dossier démontrent que le syndicat s’est livré à une analyse sérieuse du dossier en répondant à toutes les interrogations du plaignant. Aussi, tous les potentiels recours ont été présentés et expliqués en indiquant les délais de prescription. Il n’y a pas lieu de conclure à un manquement du devoir de représentation du syndicat. Le professeur n’apporte pas de preuve concrète d’arbitraire ou de négligence de la part du syndicat, le tribunal ne peut donc pas substituer son interprétation. L’arbitre doit rejeter la demande.
- L’obtention de l’agrégation est possible sans satisfaire pleinement au critère de la recherche
Un professeur obtient l’annulation de la décision de refus d’agrégation alors qu’il ne satisfait pas au critère de la recherche. Sentence arbitrale rendue le 13 juin 2019 Syndicat des professeurs et professeures de l'Université Laval (SPUL) et Université Laval (Carlos Ordas Criado), 2019 QCTA 496 Ordonnance de sauvegarde – Agrégation – Rupture du lien d’emploi - Publication de recherches – Période d’approbation Faits Un professeur est embauché par une université à titre de professeur adjoint. Durant sa période de probation, il est également recruté pour travailler à la Chaire aéroportuaire. Celle-ci subit de nombreuses difficultés, obligeant le professeur à s’y investir pleinement jusqu’au dépôt du rapport final. Cet investissement l’oblige à demander des dégagements. Son dossier de publication étant insuffisant pour satisfaire aux critères permettant de demander une agrégation, il obtient à deux reprises des prolongations de son contrat. Il présente ensuite son dossier d’agrégation. Le directeur du département sollicite des avis externes sur les publications du professeur mais ne prend pas en compte ceux qui ont trait à un article qui n’est pas encore publié. Le directeur, afin de soumettre une recommandation au sous-comité chargé de statuer sur la demande d’agrégation, a recours à des documents qui ne figurent pas au dossier du professeur et refuse la demande d’agrégation. Le sous-comité refuse la demande d’agrégation au motif que le professeur ne rencontre ni les exigences en matière d’enseignement, ni celles relatives à la recherche. Les évaluations des étudiantes sont, en effet, inférieures à la moyenne et ses publications sont insuffisantes. La partie syndicale demande l’annulation de la décision de refus d’agrégation alléguant que celle-ci est entachée d’erreurs et réclame une ordonnance de sauvegarde provisoire en attendant qu’il soit statué sur le refus d’agrégation. À défaut de celle-ci, le professeur perdrait son bureau, ses équipements, ses subventions ainsi que la supervision de ses étudiants, alors même que l'arbitre n'a pas encore tranché la question de l’agrégation. L’arbitre refuse l’ordonnance de sauvegarde provisoire, les critères n’étant pas tous remplis. Un an plus tard, lorsqu’il statut sur la demande principale, il considère que le refus d’agrégation est inéquitable et déraisonnable et ordonne l’octroi l’agrégation. Analyse Sur l’ordonnance de sauvegarde Une ordonnance provisoire de sauvegarde est une mesure exceptionnelle pour laquelle il faut démontrer de manière cumulative : l’apparence de droit ; un préjudice sérieux et irréparable ; la balance des inconvénients. En l’espèce, le professeur fait état d’erreurs dans la décision de refus d’agrégation, telle que la prise en compte d’éléments extérieurs à son dossier. En apparence, son grief a donc des chances de succès. Du côté du préjudice, le sérieux de celui-ci ne pose pas de difficulté face aux nombreuses pertes qu’il subirait. En revanche, l’arbitre estime que l’énumération de ces préjudices ne démontre pas en quoi ils sont irréparables. Les critères ne sont pas remplis. L’ordonnance provisoire de sauvegarde n’est pas accordée et le professeur perd l’accès à son bureau, ses subventions et la supervision des étudiants. Sur le refus d’agrégation Le refus doit se fonder sur les éléments mentionnés dans le dossier et ne doit pas reposer sur des éléments extérieurs. Quant au critère quantitatif, si le nombre de publications nécessaires n’est pas atteint, cela justifie le refus d’agrégation. L’arbitre n’a pas le pouvoir de refaire les critères. En l’espèce, le critère de l’enseignement est « partiellement satisfait ». Le directeur s’est fondé sur des éléments extérieurs au dossier. Ainsi, l’appréciation de ce critère doit être annulée. Toutefois, ce n’est pas sur celui-ci que se fonde le refus. Il ne justifie donc pas d’annuler la décision. L’arbitre ne pouvant pas modifier le critère de la recherche, il l’apprécie « avec ouverture ou pour éviter « un cas aberrant » » (paragraphe 125 de la sentence arbitrale). Il considère que l’évaluation du professeur est bonne et que le seul reproche est le manque d’une publication. Au moment de la demande, des avis externes font état de la qualité et du stade d’avancement d’un prochain article du professeur. Cet article est au stade de la révision. L’arbitre considère que le refus d’apprécier ces avis est déraisonnable et produit un effet inéquitable, d’autant plus que si cet article avait été publié, la demande d’agrégation aurait été acceptée puisque tous les autres critères sont remplis. Il était possible de convenir de recommander l’agrégation sous condition de l’acceptation de son article avant la fin de l’emploi. Par conséquent, l’arbitre, après avoir annulé la décision, n’ordonne pas de reprendre le processus mais octroie l’agrégation.
- Une université considère démissionnaire un chargé de cours qui refuse d’exécuter une tâche de travail
Un employeur met fin, unilatéralement, à sa relation de travail avec l’un de ses chargés de cours en considérant qu’il s’agit d’une démission. Démission ou congédiement, l’arbitre doit trancher et déterminer si des dommages sont dus. Sentence arbitrale rendue le 26 avril 2019 Université de Sherbrooke et Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Sherbrooke (SCCCUS), (Gaston Lachance), 2020 QCTA 670 Harcèlement psychologique – Démission – Réclamation de salaire – Convention collective - Congédiement déguisé - Chargé de cours Faits : D’abord engagé comme professionnel, le réclamant est ensuite devenu chargé de cours à temps complet et assume la supervision de stages d’un programme. Par la suite, le réclamant obtient un contrat à durée déterminée à titre de chargé de cours à forfait à raison de 75% d’un temps plein dont le terme était prévu en 2017. Des désaccords surgissent entre le chargé de cours et son directeur notamment sur la mise en œuvre de recommandations d’un conseiller pédagogique, lorsque celui-ci vérifie la conformité du programme aux dispositions du Règlement des études de l’Université. Le programme est déjà conforme aux normes d’une association spécialisée et, selon le réclamant, les modifications proposées dénaturent complètement l’objectif du stage. Considérant qu’il est placé dans l’impossibilité de mener à bien sa mission, le chargé de cours en informe l’université lors d’une réunion avec le doyen de la Faculté. Celui-ci considère que le refus de mettre en œuvre les recommandations équivaut à une démission. L’arbitre affirme au contraire qu’il s’agit d’un congédiement et que ce dernier est excessif et injustifié. Analyse : Sur la démission La démission est un acte clair et non équivoque par lequel un salarié rompt le lien d’emploi qui le lie à son employeur, tandis qu’un congédiement constitue la décision de l’employeur de mettre un terme à l’emploi d’un salarié. En l’espèce, l’arbitre considère que le chargé de cours a seulement refusé d’exécuter une tâche de travail, ce qui caractérise une insubordination. Dès lors, la rupture du lien d’emploi n’est pas une démission mais un congédiement déguisé. L’arbitre évalue la légalité de la sanction du congédiement déguisé à la suite de cette insubordination et conclu que cette sanction était excessive et injustifiée. Une suspension était suffisante. Sur le harcèlement psychologique Le harcèlement psychologique constitue une « conduite vexatoire qui humilie et blesse une personne dans son amour-propre, elle doit être répétitive, hostile et porter atteinte à la dignité et à l’intégrité, tout en entrainant un milieu de travail néfaste » (page 48 de la sentence arbitrale). En l’espèce, l’arbitre estime que le directeur qui a mandaté un conseiller pédagogique et demandé à ce que ses recommandations soient appliquées, s’en est tenu à son rôle de gestionnaire. Le plaignant n’est donc pas harcelé. À noter que la jurisprudence impose habituellement l’appréciation du harcèlement psychologique du point de vue objectif d’un salarié raisonnable dans la même situation. Tel était le cas dans l’arrêt récent Côté c. Tremblay , 2020 QCCA 344. Ici, l’arbitre semble avoir dérogé à ce principe en considérant plutôt le point de vue de l’employeur. Toutefois, sa sentence arbitrale n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire et a acquis force de chose jugée. Le congédiement du chargé de cours n’est pas justifié. L’arbitre ordonne sa réintégration, après une période de suspension. Mais faute d’entente entre les parties, le tribunal a de nouveau été saisi pour statuer sur les pertes de salaires. Sur les pertes de salaires Pour déterminer si le réclamant est encore titulaire d’un contrat, l’arbitre est contraint d’utiliser les lois de la vraisemblance, de la probabilité et de la plausibilité. L’arbitre considère que le poste, initialement, avait été confié au réclamant en raison de son excellence et de son expérience. En 2017 et en 2019, le poste et les compétences n’ont pas changés et en vertu du principe « les mêmes causes produisent les mêmes effets », le contrat du réclamant aurait vraisemblablement été prolongé à nouveau. Dès lors, ses pertes de salaires ne s’arrêtent pas à l’expiration de son contrat initial. L’arrêt Carrier du 4 avril 2014, la Cour d’appel met en avant l’obligation de mitigation des dommages d’un salarié injustement congédié. Autrement dit, une obligation de moyen, de minimiser sa perte de salaire. En l’espèce, le chargé de cours a obtenu un autre emploi provisoire, ce qui suffit à l’arbitre pour considérer que son obligation de mitigation des dommages est respectée. L’arbitre a conclu à ce que le reste des salaires doit être versé.
- Évaluations par les étudiants d'une professeure non permanente et renouvèlement de contrat
Une université ne renouvèle pas un contrat de travail d’une professeure. Le Syndicat conteste. La Cour suprême se prononce sur l’application de la Loi sur les normes du travail et l’arbitre se prononce sur l’admission d’une expertise. Est en jeu l’évaluation par les étudiants. Le tout est réglé par une entente de règlement. Série de décisions administratives et judiciaires ayant été rendues entre 2005 et 2015 Syndicat des professeures et l’Université du Québec à Trois-Rivières (France Tanguay) c. Université du Québec à Trois-Rivières (sources complètes au bas de la page) Congédiement – Non-renouvèlement contrat de travail – Droit du travail – Évaluation par les étudiants – Comité – Expertise – Fardeau – Contestation – Loi sur les normes du travail – 124 LNT – Convention collective Faits Il s’agit du non-renouvèlement d’un contrat d’une professeure non permanente. Le syndicat se pourvoit en vertu de deux moyens de contestation prévus dans la convention collective. Il s’agit de la contestation de congédiement et de la contestation de non-renouvèlement de contrat. Le syndicat avance entre autres que le comité d’évaluation n’a pas consulté d’expert en se basant sur une évaluation du professeur par les étudiants. Analyse Il est important de spécifier la nature des deux recours de la convention collective. Pour contester un non-renouvèlement du contrat, il faut prouver, au choix, le non-respect du processus d’évaluation et de renouvèlement prévu dans la convention collective, un parti pris ou une inconséquence entre les motifs et la décision. D’un autre côté, lors d’un congédiement, la convention collective prévoit que l’université a le fardeau de montrer sa légitimité. Dans une requête préliminaire, l’arbitre est invité à se prononcer sur l’application d’un principe venant de la Loi sur les normes du travail . Il indique qu’à première vue, il s’agit ici d’un recours en contestation de non-renouvèlement. Le mécanisme d’évaluation pour décider sur le renouvèlement d’un professeur prévu à la convention collective est complet en soi. À moins de contravention à l’ordre public, il ne faut pas se substituer aux volontés des parties dans leur convention collective. L’arbitre ne peut que contrôler le processus d’évaluation convenu en s’assurant qu’il est effectué correctement et de manière impartiale. Les parties se sont adressées à la Cour suprême du Canada pour trancher cette question préliminaire. Malgré que le tribunal administratif eût conclu que la convention collective prévoyait un recours similaire à celui qui était indiqué dans la Loi sur les normes du travail , la Cour suprême a indiqué que ce n’est pas le cas. Les deux recours ne sont pas équivalents et ne donnent pas les mêmes protections. En effet, la Loi sur les normes du travail prévoit un recours semblable à celui sur le congédiement dans la convention collective, soit celui où l’université a le fardeau de montrer la légitimité de son choix. Au contraire, le recours en contestation de non-renouvèlement donne le fardeau à celui qui l’invoque de montrer le non-respect des procédures ou l’impartialité. Ainsi, la Cour suprême retourne le dossier au tribunal administratif pour qu’il décide définitivement (et non pas à première vue) si le recours dans le présent dossier en est un de congédiement ou de contestation de non-renouvèlement. De retour au tribunal administratif, l’arbitre demande à l’université d’indiquer les motifs de la perte d’emploi et au syndicat de présenter les conditions d’application des contestations qu’il désire effectuer (que ce soit pour le congédiement ou pour le non-renouvèlement du contrat). L’université pourra répondre à cette contestation. Le syndicat demande ensuite à l’arbitre de pouvoir présenter une expertise pour questionner la valeur en soi et la pertinence de l’évaluation par les étudiants. Cependant, l’arbitre indique qu’on ne peut pas reprendre l’évaluation sur laquelle la décision a été prise. L’arbitre doit seulement regarder la décision et le raisonnement, pour se demander si la première est bel et bien la conséquence du second. Ce n’est pas à un expert de décider s’il y avait une cause juste et suffisante de mettre fin à l’emploi. Avant que le dossier ne se rende à la Cour suprême, la Cour d’appel avait dit qu’il n’existe pas un droit au renouvèlement du contrat. Cependant, si le professeur travaille bien, il est à se demander ce qui a causé la décision de non-renouvèlement. La professeure a aussi eu, tout le long du processus décisionnel, l’occasion de se faire entendre et de prouver son point. Dans leur convention collective, les parties ont confié le processus d’évaluation à un comité. Ni un expert ni un arbitre ne peut se substituer à ce comité pour questionner les méthodes d’évaluation convenues. Un expert demeure toutefois pertinent pour voir si les évaluations rencontraient les standards de qualité. L’expert peut aussi voir si, à la lecture des évaluations, les conclusions étaient opportunes et cohérentes, de même que de voir s’il était imprudent de tenir pour avérées les évaluations des étudiants. Plus de 9 ans plus tard, les parties s’entendent sur un règlement « hors cour », qui est entériné par le tribunal un peu plus de 10 ans après le recours initial. Sources Syndicat des professeures et l’Université du Québec à Trois-Rivières (France Tanguay) c. Université du Québec à Trois-Rivières , Grief 2005-02 (Sentence arbitrale, 9 décembre 2005, DQ-2004-9378, Me Denis Tremblay Syndicat des professeures et professeurs de l'Université du Québec à Trois-Rivières c. Tremblay , 2007 QCCS 569 Syndicat des professeures et l’Université du Québec à Trois-Rivières c. Université du Québec à Trois-Rivières , 2008 QCCA 1056 Syndicat des professeures et l’Université du Québec à Trois-Rivières c. Université du Québec à Trois-Rivières , 2010 CSC 30 Syndicat des professeures et l’Université du Québec à Trois-Rivières (France Tanguay) c. Université du Québec à Trois-Rivières , Grief 2005-02 (Décision intérimaire, 13 juillet 2011, DQ-2011-9283, Me Denis Tremblay Syndicat des professeures et l’Université du Québec à Trois-Rivières (France Tanguay) c. Université du Québec à Trois-Rivières , 2014 QCTA 1114 (Décision intérimaire, 19 novembre 2014, DQ-2015-0255, Me Denis Tremblay) Syndicat des professeures et l’Université du Québec à Trois-Rivières (France Tanguay) c. Université du Québec à Trois-Rivières , Grief 2005-02 (Constat de règlement, 17 décembre 2015, DQ-2016-0473, Me Denis Tremblay)
- Un chargé de cours prétend être empêché d’enseigner pour cause de mauvaises évaluations d'étudiants
Peu après l’avènement d’évaluations négatives d’étudiants, un chargé de cours voit le cours qu’il enseignait être attribué à une doctorante . Sentence arbitrale rendue le 26 février 2020 Syndicat des chargées et chargés de cours de l'UQAM (SCCUQ) et Université du Québec a Montréal (UQAM) (Grief de Michel Ratté), 2020 QCTA 115 Charge d’enseignement – Syndicat – Chargé de cours – Grief – Doctorants – Convention collective – Université – Mauvaises évaluations des étudiants – Cours mis à la réserve Faits Un chargé de cours en sociologie reproche à l’UQAM d’avoir mis le cours qu’il enseignait depuis 7 ans (SOC3060) à la réserve afin de permettre à un étudiant au doctorat de l’enseigner dans le but de l’empêcher de continuer à prodiguer ce cours aux étudiants. En avril 2017, le chargé de cours est rencontré au sujet d’évaluations insatisfaisantes des étudiants et fait l’objet d’un avertissement quant à certains aspects problématiques de son enseignement. En septembre 2017, une assemblée du département de sociologie a lieu et le comité exécutif suggère de mettre quelques cours en réserve pour les étudiants au doctorat dans le but de leur donner une première expérience d’enseignement. Le cours qu’enseignait le chargé de cours faisait partie des cours mis en réserve. Puisqu’il s’agissait d’un cours important et qui comporte beaucoup d’étudiants, plusieurs professeurs étaient frileux à l’idée d’octroyer le mandat d’enseigner ce cours à une personne étudiante au doctorat. Malgré cela, la charge du cours SOC3060 a été attribuée à une doctorante. Analyse Le chargé de cours soutient que l’UQAM a volontairement voulu l’écarter de l’enseignement en raison d’une évaluation défavorable des étudiants, contrevenant ainsi à l’article 10.05 de la convention collective. Selon son syndicat, l’UQAM utilisait la réserve comme une façon de réduire les charges de cours lui étant disponibles. En revanche, l’arbitre en a décidé autrement. En effet, les membres de l’assemblée du département ont tous pu s’exprimer sur la question de la mise en réserve du cours SOC3060 et ont décidé à l’unanimité d’adopter cette suggestion du comité exécutif. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que ce cours était mis en réserve; il l’avait été aux sessions d’hiver 2008, 2009 et 2010. Ainsi, l’arbitre n’a pas conclu à une intention réelle de toute l’assemblée du département de sociologie d’utiliser la clause de réserve dans le but d’empêcher le chargé de cours de l’enseigner. Il était peu probable que plus de vingt personnes aient comploté afin d’écarter le chargé de cours de l’enseignement de cours SOC3060. L’arbitre a donc décidé de rejeter le grief du chargé de cours. Commentaires Les dispositions de la convention collective jouaient un grand rôle dans cette affaire. En effet, il fallait que le mécanisme de réserve soit délibérément utilisé afin de contourner les différents mécanismes d’affichage et d’attribution de charges de cours prévus. Ainsi, le syndicat du chargé de cours devait prouver que l’UQAM avait intentionnellement et spécifiquement eu recours à l’article 10.02 de la convention collective pour qu’une personne doctorante d’enseigner le cours SOC3060 à sa place, ce qu’il n'est pas parvenu à faire. Cependant, si le syndicat était arrivé à le prouver, l’arbitre serait intervenu et aurait fort probablement sanctionné l’Université pour ce manquement.
- Une Université doit compenser une correctrice pour son inaction face à du harcèlement psychologique
Une Université sanctionnée pour son inaction devant le harcèlement psychologique vécu par une correctrice dans le cadre de ses fonctions : une compensation monétaire de 4 000 $ est accordée compte tenu des circonstances. Sentence arbitrale rendue le 9 décembre 2022 Alliance de la Fonction publique du Canada (SÉTUE) c. Université du Québec à Montréal (Grief de Gaëlle Solange Étémé Lebogo), 2022 QCTA 535 Loi sur les normes du travail – Harcèlement psychologique – Conduite vexatoire – Comportement des représentants de l’Université Faits Dans le cadre de son travail, une correctrice, pour un cours universitaire intitulé Introduction au féminisme noir — FEM300C, est amenée à corriger des examens et des travaux et à rencontrer des étudiants. Elle participe notamment à de nombreuses rencontres avec des représentants de l’université. La correctrice se dit victime de harcèlement psychologique, de discrimination, de racisme et de sexisme au regard de tous ces évènements. Le Tribunal ordonne à l’université de lui verser 4 000 $ à titre de dommages moraux, puisqu’en tant qu’employeur, l’université a failli à procurer un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique, malgré leurs propres politiques de prévention et de lutte contre le harcèlement, et l’instauration d’un organisme tel le bureau d’information et de prévention en matière de harcèlement. Analyse Seulement trois évènements ont été jugés par le Tribunal comme étant cause de harcèlement psychologique et de conditions de travail néfastes suivant la Loi sur les normes du travail . L’analyse doit se faire selon les critères de la personne raisonnable dans les mêmes circonstances que la correctrice, soit en se plaçant dans la position d’une correctrice ayant la peau noire. Les trois évènements sont : la rencontre avec un étudiant (Z), la correction de la copie de Z, ainsi que la décision de l’Université de procéder à une révision de toutes les copies corrigées. L’étudiant Z a eu une conduite vexatoire à l’égard de la correctrice, durant une rencontre à son bureau par sa façon de s’adresser à cette dernière ainsi que par sa posture adoptée lors de son échange avec la correctrice. Les propos tenus par Z dans sa copie d’examen ont été jugés comme blessants, humiliants, racistes et sexistes, largement au-delà de la simple maladresse. De même, il a rédigé une réponse dans son examen de manière harcelante, raciste et sexiste : il a fait des allusions « insistantes et pernicieuses au règne animal, ne particulier à la race canine » (paragraphe 257 de la décision). Sa réponse d’examen s’adressait directement à la correctrice, le tout, venant accentuer la violence de ses propos. De surcroit, l’étudiant personnalise des commentaires en regard de la plaignante, qu’il associe à un « hypothétique népotisme féminin noir » (paragraphe 257 de la décision). Finalement, la correctrice n’a pas été prévenue de la révision générale de son travail de correction, alors qu’il n’avait jamais été remis en cause. Cette décision de l’université a été prise alors que la correctrice avait demandé des actions disciplinaires à l’égard de l’étudiant Z et attendait un retour des représentants de l’université. Les éléments suivants n’ont pas été jugés comme étant du harcèlement psychologique : la séance d’explication en classe (générant un malaise auquel une personne raisonnable doit s’attendre) ; le courriel de Z (ayant certes un ton discutable, mais pas harcelant) ; les réponses données par les autres étudiants dans les examens (étant des simples maladresses des étudiants, jugements de valeur et des projections personnelles, non pas des hostilités à l’égard de la correctrice) ; les rencontres avec les représentants de l’université (étant plutôt empathiques, même si insatisfaisantes). Commentaires Il est important de rappeler qu’ici, les propos de l’étudiant allaient au-delà de ce qui était abordé dans le cadre du cours et s’adressaient directement à la correctrice, qu’il savait être une femme ayant la peau noire. Certes, il ne serait pas raisonnable de faire une préfecture des réponses d’examen des étudiantes et étudiants afin de déceler du contenu possiblement vexatoire , mais les étudiants eux-mêmes doivent garder un certain savoir-vivre dans leur rédaction. Cependant, il faut garder en tête que chaque cas est un cas d’espèce, et que dans le cadre de ce litige, le 4 000 $ a été octroyé à la correctrice pour l’inaction de l’Université, non pas parce que l’étudiant a tenu des propos vexatoires. Si des mesures concrètes et rapides avaient été prises, l’Université n’aurait vraisemblablement pas eu à dédommager la correctrice.
- Un professeur critique une nouvelle politique d’inclusion de l’université et se dit stigmatisé par ses collègues en raison de son opinion
Après avoir vécu une situation que le professeur qualifiait d’harcèlement psychologique au travail, ce dernier a failli de présenter sa réclamation à la CNESST en temps opportun, mais tente de se justifier. Décision administrative rendue le 13 février 2024 Drapeau et Université McGill , 2024 QCTAT 516 Professeur – Harcèlement psychologique – Mobbing – Délai – Droit du travail – CNESST – Lésion professionnelle – Arrêt de travail – Liberté académique – Université – Degré de fonctionnement Faits À l’automne 2019, un professeur de l’université McGill manifeste ouvertement son désaccord par rapport à un nouveau système que l’université veut implanter afin de favoriser les personnes issues de la diversité culturelle lors de leur admission. En conséquence, certains de ses collègues de travail et de ses étudiants se sont indignés de sa réaction et lui ont reproché de faire preuve d’intolérance. À partir de cet événement, le professeur s’estimait victime d’harcèlement psychologique à l’université. Il soutient que l’ambiance de travail était adverse à son endroit. Peu après, le professeur consulte divers médecins qui concluent tous à un état psychologique affecté par certains troubles, dont un trouble d’adaptation anxieux et une humeur dépressive. Il est retiré du milieu de travail par un arrêt de travail en février 2020. Depuis l’automne 2019, le professeur est obsédé par l’idée de rétablir sa réputation auprès de ses collègues et voulait absolument faire cesser le climat hostile à son égard. En conséquence, il a laissé s’écouler le délai de six mois prévu par la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles pour faire une réclamation à la CNESST, puisque sa seule préoccupation était de rétablir la situation au travail. Analyse Le tribunal a conclu que le professeur n’a pas fait sa réclamation à temps et que, eu égard aux circonstances, cela n’était pas justifié et n’ouvrait pas la porte à une extension de la part de la CNESST ou du tribunal. En effet, la loi prévoyait un délai de six mois pour qu’un travailleur puisse réclamer une indemnité auprès de la CNESST, mais permet aussi à cette dernière et au tribunal d’allonger ce délai lorsqu’une raison valable justifie le dépassement du délai initial. Le travailleur doit donc réussir à prouver qu’il a été diligent et qu’il existe un motif raisonnable qui justifie son inaction dans le délai imparti. En fait, il doit réussir à démontrer qu’il n’a pas été négligent en n’agissant pas en temps opportun. En l’espèce, le professeur arrivait tout de même à fonctionner sommairement. Il a pu reprendre le travail dès le mois de mai 2020 et recommencer à enseigner dès le mois de septembre 2020. Il était donc capable de fonctionner malgré sa perturbation psychologique. En revanche, il a choisi de se vouer au rétablissement de son honneur et de sa réputation, négligeant ainsi sa réclamation à la CNESST. Le tribunal n’avait alors pas d’autre choix que rejeter la contestation du professeur, puisqu’il n’avait pas de motif raisonnable pouvant justifier son inaction en temps opportun. La jurisprudence a déterminé que, pour permettre à un travailleur de bénéficier d’une extension du délai pour faire une réclamation à la CNESST, il fallait que le travailleur démontre que son « état de fonctionner [était] sérieusement compromis » (paragraphe 36 de la sentence arbitrale). Ainsi, il n’est pas nécessaire que le travailleur soit dans une incapacité complète d’agir. L’employeur se doit d’assister le travailleur lorsque ce dernier prend la décision de produire une réclamation à l’égard de la CNESST. En revanche, si le travailleur ne décide pas par lui-même de déposer une telle réclamation, l’employeur n’est pas tenu de le lui conseiller ou même de le faire à sa place. Commentaires La liberté académique universitaire permet aux membres du personnel d’exprimer leurs opinions dans le cadre de leur emploi, notamment sur les décisions institutionnelles sans subir de répercussions au niveau salarial, économique ou même politique. Le phénomène de mobbing se caractérise par le rassemblement d’un groupe de personnes qui font subir du harcèlement psychologique à un seul individu, ce dernier étant en quelque sorte le souffre-douleur du groupe. En l’espèce, le professeur s’est fait stigmatiser par son entourage de l’université en raison d’une opinion qu’il avait émise. Malheureusement, peu de recours sont mis à la disposition des victimes de mobbing en milieu de travail, si ce n’est qu’une réclamation à la CNESST, une plainte à l’employeur ou une réclamation à l’employeur en raison de son manquement à son obligation d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement. En revanche, il serait pertinent pour les employeurs d’adopter des politiques spéciales afin d’adresser le problème du mobbing dans le milieu de travail. Cela permettrait une meilleure gestion de ce phénomène et favoriserait une sensibilisation des employés, servant ainsi à diminuer les cas de mobbing dans le milieu.
- Le président du conseil exécutif d’un syndicat est accusé de harcèlement psychologique par deux membres du comité de la convention collective
Deux chargées de cours qui occupent des fonctions syndicales se disent victimes de harcèlement psychologique de la part des membres du conseil exécutif du syndicat. Sentence arbitrale rendue le 7 février 2024 Université de Montréal et Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Montréal-SCCCUM-(FNEEQ-CSN) (Sophie Benoit et une autre), 2024 QCTA 56 Syndicat – Chargé de cours – Convention collective – Université – Congédiement déguisé – Harcèlement psychologique – Grief – Rapports sociaux – Conseil exécutif – Conflit interpersonnel en milieu de travail – Fonctions syndicales Faits Deux chargées de cours de l’Université de Montréal qui occupaient également des postes au sein de leur syndicat ont déposé plusieurs griefs de harcèlement psychologique à l’égard du comité exécutif du syndicat et, plus particulièrement, du président. Pendant plusieurs années, l’ambiance de travail était tendue au sein du syndicat. Plusieurs débats frénétiques survenaient, notamment à propos des quotas de libération. Afin de remettre le tout en ordre un nouveau président a été nommé. Au fur et à mesure des conseils exécutifs, le président devait intervenir d’un ton ferme afin de modérer les discussions tendues entre les membres. Certaines de ses interventions ont été interprétées comme étant du harcèlement psychologique par les deux chargées de cours plaignantes. Dès que l’université a été mise au courant des plaintes, elle a mandaté une enquêtrice externe afin de mettre de la lumière sur la situation. Analyse L’arbitre a conclu qu’il n’y avait pas eu de harcèlement psychologique, puisque les propos du président relevaient de la « gestion courante d’un conseil exécutif, certes dans un climat de suspicion voire d’affrontement, mais pas de harcèlement psychologique » (paragraphe 435 de la sentence arbitrale). Il s’agissait plutôt de conflits qui opposaient les plaignantes, quelques autres membres du syndicat et le conseil exécutif par rapport à leurs visions syndicales. Également, les plaignantes alléguaient que le harcèlement psychologique était un moyen utilisé pour les forcer à démissionner de leurs fonctions au sein du syndicat et qu’il s’agissait donc d’un congédiement déguisé. L’arbitre n’a pas retenu cet argument, puisque, d’entrée de jeu, il n’y avait pas de tel harcèlement. Ce que percevaient les plaignantes comme du harcèlement psychologique n’était, ni plus, ni moins, qu’un litige professionnel agrémenté de mésententes sur leurs visions du syndicat. Par ailleurs, toujours selon l’arbitre, l’université a agi raisonnablement compte tenu des plaintes. Elle a mandaté une enquêtrice externe afin de faire enquête sur l’ambiance tendue qui régnait dans le syndicat. Ainsi, elle évitait de s’immiscer dans les affaires syndicales, mais remplissait tout de même son devoir d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique. Il est important de différencier le harcèlement psychologique des conflits interpersonnels. Lorsqu’une personne est heurtée par certains propos, il est possible qu’elle ait plus tendance à qualifier ces propos de harcèlement psychologique, alors qu’il ne s’agit que d’un conflit. En effet, lors d’un conflit interpersonnel en milieu de travail, il est probable qu’il y ait des divergences d’opinion quant à des orientations ou des tâches concernant la situation professionnelle. Il est également probable qu’il y ait des mésententes sur différents sujets quant au travail. Il s’agit donc de frictions qui se créent entre deux individus ou plus en raison d’idées et de visions différentes par rapport aux tâches, à la structure du travail ou même à l’organisation de l’équipe. Lors de discussions abordant ces sujets, il est possible qu’il y ait certains affrontements intérimaires qui « expriment l’impatience, l’indifférence, l’incivilité, le manque de savoir-vivre ou d’habileté interpersonnelle, à l’occasion un ton élevé; le tout demeurant dans l’ordre normal des choses » (citant le juge Claude Rondeau au paragraphe 443 de la sentence arbitrale). Au contraire, le harcèlement psychologique au travail est constitué de paroles vexatoires ou de gestes adverses faits de manière hostile ou non désirée qui portent atteinte à la dignité du destinataire et qui entrainent un milieu de travail nocif. La qualification d’une conduite vexatoire dépend de la vision qu’aurait une personne raisonnable qui aurait vécu les mêmes événements. Ainsi, si une telle personne raisonnable pourrait conclure à une conduite vexatoire, le tribunal considérera ce critère rempli. Habituellement, le harcèlement psychologique est unilatéral, donc il émane d’une seule personne ou d’un groupe de personne envers autrui. Il ne s’agit pas nécessairement de propos ou de gestes posés dans le cadre d’une dispute ou d’une relation conflictuelle.
- Les principes d’équité procédurale ne s’appliquent pas aux processus d’enquête
Un professeur poursuit une enquêtrice parce qu’elle n’avait pas respecté les principes d’équité procédurale dans une enquête pour harcèlement psychologique. La Cour d’appel explique que ces règles ne s’appliquent pas et précise les balises applicables. Arrêt rendu le 17 novembre 2014 Ditomene c. Boulanger , 2014 QCCA 2108 Droit du travail — Professeur — CÉGEP — Politique — Processus — Équité procédurale — Enquête — Harcèlement psychologique — Pouvoir de gestion de l’employeur — Responsabilité civile Il s’agit de l’appel d’une décision de la Cour du Québec qui condamnait une enquêtrice des dommages-intérêts de 3 000 $, puisqu’elle n’avait pas respecté les règles d’équité procédurale durant son enquête. Faits Un professeur de collège d’enseignement général et professionnel (ci-après : « CÉGEP ») faisait l’objet de plaintes pour harcèlement psychologique en milieu de travail. Conformément à la Politique pour contrer le harcèlement psychologique en milieu de travail du CÉGEP, un comité a alors été formé pour procéder à l’enquête sur les plaintes et formuler des recommandations à l’employeur. Au cours du processus d’enquête, le professeur reproche à l’enquêtrice de ne pas avoir respecté les exigences d’équité procédurale. Ces principes prévoient le droit de se faire entendre ( audi alteram partem ) et le droit d’avoir un jugement impartial ( nemo judex in causa sua ). Il s’agit de concepts très généraux, desquels découlent une variété de règles développées par la jurisprudence. Ces règles sont normalement applicables durant les processus administratifs publics. En raison de la conduite de l’enquêtrice, le professeur a éprouvé un sentiment d’injustice durant le processus. À la fois le professeur et l’enquêtrice appellent de la décision, le premier pour obtenir plus de dommages, la seconde pour faire infirmer la décision de la Cour du Québec. Analyse Bien que le professeur ressente une profonde injustice sur le déroulement du processus, la Cour d’appel n’a pas pour mission de reprendre le procès. Elle analyse la conduite de l’enquêtrice et considère que celle-ci n’a pas commis de faute. Dans cette situation, l’enquêtrice n’était pas soumise aux règles d’équité procédurale. La Cour d’appel s’appuie notamment sur les enseignements de la Cour suprême et d’une autre décision qu’elle avait rendue en 2010. Un employeur (ici le CÉGEP) qui enquête sur la présence de harcèlement psychologique et sur l’opportunité d’y remédier n’est pas soumis aux règles d’équité procédurale qui existent en droit administratif public (paragraphe 26 de la décision). En effet, ce type d’enquête est plutôt relié au pouvoir de gestion de l’employeur. Il ne s’agit pas d’un processus assimilable à celui des tribunaux, ce n’est pas un processus dit contradictoire et il ne s’agit pas non plus d’un processus judiciaire. Il s’agit d’une enquête réalisée par un employeur. L’employeur conserve toutefois le loisir d’incorporer des règles d’équité à ses processus d’enquête, mais il ne s’agit pas d’une obligation. La Cour souligne qu’il existe bien entendu certaines balises. En effet, l’établissement ou l’enquêteur n’est pas à l’abri d’engager sa responsabilité civile. Par exemple, « si une enquête bâclée mène à une sanction disciplinaire imméritée et préjudiciable, la responsabilité civile de l’employeur ou celle des personnes chargées de l’enquête en question peut être engagée dans la mesure où faute il y aurait » (paragraphe 30 de la décision de la Cour d’appel). La politique du CÉGEP prévoyait que l’enquêtrice devait veiller à « l’équité du processus ». La Cour conclut que l’enquêtrice devait agir de manière raisonnable. En l’espèce, il y a eu certains accrocs à la lettre de la politique du CÉGEP, mais l’esprit de la politique a été respecté dans son ensemble et la Cour ne considère pas qu’il y ait eu de faute dans le déroulement du processus. Ainsi, les reproches du professeur ne sont pas fondés en droit. Pour ces raisons, la Cour infirme le jugement de première instance et rejette la demande du professeur. Commentaires À la lecture de l’arrêt de la Cour d’appel, il est possible de sentir l’injustice vécue par le professeur. Toutefois, il ne s’agissait pas du bon forum. La Cour d’appel du Québec n’a pas pour mission de refaire les procès. Elle a défini les balises pouvant s’appliquer aux enquêtes menées par un employeur et a conclu qu’il n’y avait pas d’obligation légale d’appliquer les principes d’équité procédurale. Si ces règles doivent s’appliquer aux processus d’enquête, il appartient aux établissements de les ajouter à leurs politiques.
- Une employée perd son emploi en raison de son absentéisme excessif
L’Université de Sherbrooke a pris la décision de rompre son lien d’emploi avec une employée en raison de ses absences répétées, décision que l’employée conteste eu égard à son caractère déraisonnable . Décision rendue le 12 février 2024 Université de Sherbrooke c. Roy , 2024 QCCS 401 Université - Personnel de soutien - Absentéisme excessif – Rupture du lien d’emploi – Causes multiples - Réintégration à l’emploi – Droit du travail – Contestation – Diane St-Pierre Faits L’employeur, Université de Sherbrooke, constate un taux d’absence de 38%, entre 2015 et 2022, chez l’une de ses employées, et rompt son lien d’emploi avec celle-ci. Selon l’employeur, ces absences ont des impacts sur le reste du personnel, en causant des changements d’horaires de dernière minute ou encore impliquant des heures supplémentaires. Ces absences sont dues à de multiples causes, notamment des troubles d’adaptation, une fracture d’un pied, une dépression majeure et une bronchite. Dans une lettre du 10 septembre 2020, l’employeur avertit l’employée quant à son taux d’absentéisme trop élevé, qui est alors de 43%. À la suite de cette lettre, l’employée améliore son taux d’absentéisme pour le porter à 38%, mais elle s’absente à trois autres reprises en raison d’un accident d’automobile, d’une côte fêlée et de la COVID-19. Dans une lettre du 3 février 2022, constatant d’autres absences, l'employeur choisit alors de mettre fin au lien d’emploi. L’employée dépose un grief pour contester cette rupture. En première instance, l’arbitre conclut que l’employée doit être réintégrée à l’emploi. Bien que l’université ait établi de manière préliminaire l’absentéisme excessif de l’employée, le syndicat a rempli son fardeau en démontrant que la situation était susceptible de s’améliorer. En effet, l’employée a réellement amélioré son taux d’absentéisme et ses deux autres absences après la lettre du 10 septembre 2020 étaient ponctuelles et non susceptibles de se reproduire. À ce stade, l’université doit ainsi démontrer qu’elle a réalisé une étude approfondie des absences de l’employée et justifier la raisonnabilité de sa décision de mettre fin à l’emploi. L’arbitre conclut que l’université n’a pas rempli ce fardeau et ordonne la réintégration de l’employée. L’université intente alors un pourvoi en contrôle judiciaire pour faire renverser la décision de l’arbitre. Analyse La mission de la Cour supérieure est de contrôler la légalité et la raisonnabilité de la décision de l’arbitre. Le droit distingue deux situations. Dans le cas d’une seule absence, la rupture du lien d’emploi est subordonnée à la preuve que la personne employée ne pourra pas assurer son activité de manière régulière. Dans le second cas, lorsque les absences sont multiples, il suffit de faire état d’un absentéisme excessif sur une période minimale de 3 ans en comparaison avec les autres membres du personnel. Le caractère volontaire ou involontaire des absences est sans conséquence. La preuve incombe alors à la partie plaignante de démontrer que la poursuite de l’activité pourra se faire de manière régulière. La Cour supérieure estime que l’arbitre a commis une erreur de droit, dans la mesure où il n’y a pas lieu de procéder à une analyse compartimentée des périodes d’absences (paragraphe 98 de la décision). Le dossier doit être analysé de manière globale. Les absences sont toutes de la même nature, bien que les causes soient diverses. Compartimenter les absences est alors déraisonnable. Ainsi, considérer qu’il incombe à l’Université de procéder à une analyse approfondie de chacune des absences est incompréhensible compte tenu de la répétition de ces absences. Le fardeau repose sur l’employée et celle-ci n’a pas su démontrer sa capacité à fournir, à l’avenir, une prestation de travail comparable à ses collègues. La Cour Supérieure conclut que les affirmations faites par l’arbitre et le constat qu’il en tire sont incompréhensibles et déraisonnables. La diversité des causes d’absence, leur fréquence et le manque de liens entre celles-ci suffisent à justifier la décision de l’employeur. La Cour fait entorse à la règle de retourner le litige à l’arbitre. Elle estime avoir suffisamment d’éléments pour se prononcer elle-même sur le sort du grief et conclut qu’une seule interprétation ou solution est envisageable. La décision arbitrale est annulée et la décision de congédiement de l’Université est justifiée.
- L’« insouciance blâmable » d’une chargée de cours dans les examens finaux des personnes étudiantes
Une chargée de cours recycle les questions de ses examens antérieurs lors des examens finaux. L’Université la suspend sur la base d’un manque au principe d’équité. Sentence arbitrale rendue le 8 janvier 2021 Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Sherbrooke (CSQ) (SCCCUS) et Université de Sherbrooke (Isabelle Dumont) , 2021 QCTA 21 Droit du travail – Sanction disciplinaire – Faute -Proportionnalité - Examens finaux – Liberté académique – Suspension Faits Lors d’un examen final, il est indiqué à la chargée de cours plaignante que plusieurs questions sont identiques à celles de l’examen simulé, auquel les personnes étudiantes avaient accès, accompagné d’un corrigé. La direction facultaire demande, par la suite, au service des ressources humaines de procéder à une comparaison entre les examens de la plaignante d’une année à l’autre. Il est alors révélé que 50% est identique aux examens passés et le constat est réitéré dans les autres matières enseignées par la plaignante. Cette dernière est alors convoquée, le 7 juin 2016, afin de discuter de la situation. Le 13 juin 2016 on l’informe, par lettre, de sa suspension, jusqu’au 25 août 2016. Analyse L’employeur reproche à la plaignante d’avoir comme pratique courante de réutiliser les questions d’examens antérieurs pour l’élaboration des nouveaux examens, ce qu’elle a fait en utilisant l’examen simulé du cours DRT-211. Dès lors, il ne s’agit pas d’une simple erreur comme elle le prétendait. Cette dernière, de son côté, affirme que la sanction est trop importante en tenant compte de ses antécédents. D’autant plus que les délais prévus à l’article 9.02 de la convention collective, imposant que les sanctions soient prises dans un délai de 30 jours à partir de la connaissance de l’infraction, n’auraient pas été respectés. En l’espèce, l’arbitre considère que le mot « connaissance » de l’article 9.02 de la convention collective implique le fait d’être informé. Dès lors, même s’il était possible d’avoir accès aux anciens examens de la plaignante, il n’appartenait pas à l’employeur de procéder à une enquête sans éléments concrets. L’arbitre considère que l’employeur a agi dans les délais à partir du moment où il a eu connaissance de la problématique. En matière disciplinaire, la sanction doit être proportionnée. Pour cela, un certain nombre de critères établis par la jurisprudence sont pris en compte : contexte, préméditation, conséquences, années de service, nature du poste, dossier disciplinaire et attitude. Après avoir considéré tous ces éléments, l’arbitre indique que la plaignante n’a pas commis une simple erreur étant donné la répétition de ses actions mais que ses actions ne correspondent pas à une faute lourde puisqu’elle n’avait aucune intention de nuire. Il s’agissait alors d’une négligence et, en raison de sa gravité, un simple avertissement ne suffisait pas. En effet, bien que le règlement facultaire n’interdise pas la réutilisation des questions antérieures, les personnes enseignantes et chargées de cours ont l’obligation respecter certains principes, dont celui l’équité. Ce principe est remis en cause lorsque les étudiants connaissent, par avance leur examen, les avantageant largement par rapport à d’autres personnes passant un examen dans la même matière avec un chargé de cours différent. Par conséquent, alors même que l’arbitre dispose du pouvoir de modifier ou d’annuler une sanction disciplinaire disproportionnée (article 100.12 f Code du Travail), la décision de l’Université est jugée appropriée.
- Qu’est-ce que l’ombudsman des étudiantes et des étudiants? Un organe crucial dans la résolution des litiges et la protection des droits des membres de la communauté étudiante
L’ombudsman, qu’il soit une personne ou une équipe indépendante, joue un rôle essentiel en tant qu’instance de dernier recours pour surmonter les défis entre les membres de la communauté étudiante et leur institution. Son objectif est d’informer, mais aussi d’adresser des recommandations afin de s’assurer de l’amélioration des pratiques et éviter que des situations se répètent dans le futur. Sa mission fondamentale est de veiller à ce que les décisions prises soient équitables et non discriminatoires. Même lorsque les processus sont respectés, l’ombudsman peut intervenir, dans certains cas, afin de rétablir l’équité dans des circonstances où une personne se trouve injustement traitée. Cependant, malgré son rôle crucial, une question subsiste : est-il suffisamment connu ? Un sondage de visibilité indique que 61 % de la communauté étudiante et 25 % des membres du personnel ne savent pas ce qu’est l’ombudsman. Cette méconnaissance soulève des préoccupations quant à l’efficacité de l’équipe dans son rôle de conciliation et de prévention des litiges. Consciente de cette difficulté, l’équipe de l’ombudsman a élaboré une planification stratégique visant à accroitre sa notoriété et éduquer la communauté sur son rôle dans le respect des droits et des règles internes. La prévention des litiges est au cœur des préoccupations de l’équipe de l’ombudsman, tant avec des consultations régulières tout au long de l’année, qu’avec des recommandations formulées et généralement suivies par l’institution. En comparaison avec le rapport précédent, une augmentation significative des demandes a été constatée et il faut probablement s’attendre à une nouvelle augmentation dans le prochain rapport. Celle-ci est attribuable à une visibilité accrue de l’ombudsman, un signe positif montrant une préoccupation croissante du corps professoral pour le respect des droits des étudiants. Toutefois, une inquiétude subsiste concernant les étudiants internationaux, dont les demandes portent souvent sur des difficultés spécifiques, telles que l’atteinte d’une moyenne minimale de 2,7/4. S’il est normal d’exiger une certaine moyenne, il faut aussi prendre en compte que les étudiants internationaux doivent faire face à de nombreuses problématiques que n’ont pas les autres étudiants (une nouvelle façon d’enseigner ; recherche de logement, création d’un nouveau réseau social, etc.), ce qui rend leur réussite plus compliquée. L’ombudsman souligne qu’un grand nombre de programmes ont mis en œuvre des périodes de probation, notamment aux cycles supérieurs. Dans les programmes où ce n’est pas encore le cas, l’ombudsman, lorsque la personne étudiante le demande, peut intervenir en dernier recours afin de vérifier l’équité de la décision et permettre, si la situation le permet, que cette personne ait une chance supplémentaire. Ensuite, un grand nombre de demandes concernent les accommodements. Dans ce domaine, l’équipe de l’ombudsman joue plus particulièrement un rôle d’information, mais peut toutefois toujours intervenir en dernier recours. Les personnes étudiantes craignent parfois d’être absentes en raison d’une maladie. Pourtant elles peuvent obtenir une autorisation de s’absenter, en respectant le Règlement des études et les règles facultaires, pour des raisons de santé. Aussi, le recours à cette équipe ne doit pas causer de crainte de représailles. En effet, il s’agit avant tout d’une ressource qui peut orienter et conseiller la communauté universitaire. Il est possible que dans certaines situations, l’ombudsman ne puisse agir qu’en levant l’anonymat. Dans ce genre de cas, l’intervention n’aura lieu que si la personne auteure de la demande le souhaite, à défaut, elle sera informée de ses droits et des démarches qui s’offrent à elle. En conclusion, l’ombudsman émet régulièrement des recommandations, dont certaines ont des répercussions tangibles, comme l’uniformisation des plans de formation en 2021. Cette équipe demeure un organe incontournable pour la protection des droits au sein de l’Université. Les membres de la communauté universitaire sont encouragés à le solliciter en cas de besoin
- Craintes d’étiquettes après un témoignage : La Cour n'y voit pas une justification au huis clos
Le tribunal refuse une ordonnance de confidentialité et de huis clos qui aurait évité le risque que des scientifiques soient associés à un mouvement « pro-vax ». Sentence arbitrale rendue le 21 avril 2023 Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval et Université Laval et Université Laval , 2023 QCTA 167 (grief syndical et Patrick Provost) Liberté académique — Vaccins — « Pro-vax » — « Anti-vax » — « anti-liberté académique » — Témoins experts — Ordonnance de confidentialité — Ordonnance de non-publication — Ordonnance de huis clos — Sanction — Université — Professeur — Demande interlocutoire Faits Dans cette décision, un professeur faisait l’objet de mesures disciplinaires pour violation de la Politique sur la conduite responsable en recherche, en création et en innovation de son université (ci-après : la « Politique CRR »). Il s’agissait d’interventions publiques entrant en conflit avec la Politique CRR . Le professeur a déposé des griefs au tribunal d’arbitrage au sujet de ces sanctions. En raison des activités médiatiques du professeur, dont le domaine d’expertise est l’ARN messager, les témoins experts de l’université craignent d’être associés à un mouvement « pro-vax » ou « anti-liberté académique » et ainsi nuire à leur réputation et risquer de se faire harceler ou intimider. Ils craignent enfin un risque pour leur sécurité. Ainsi, l’université demande entre autres une ordonnance de confidentialité, de non-publication et de huis clos quant au témoignage de ces témoins experts. Ceux-ci sont des personnes ayant participé aux enquêtes sur l’intégrité en recherche du professeur. Analyse Le droit Le tribunal d’arbitrage s’inspire des règles procédurales des tribunaux judiciaires. Le Code de procédure du Québec (ci-après : « C.p.c. ») prévoit une discrétion au tribunal pour ordonner le huis clos malgré le principe de la publicité des débats (art. 82). Cette discrétion repose sur l’ordre public et la protection de la dignité et des intérêts légitimes (art. 12). Le tribunal cite également la Cour suprême qui explique l’importance de cette valeur fondamentale dans une société démocratique, composante de la garantie constitutionnelle de la liberté d’expression. Également, la Charte québécoise prévoit la possibilité d’ordonner le huis clos pour des intérêts moraux ou l’ordre public . L’arrêt de la Cour suprême Sherman (Succession) c. Donovan , 2021 CSC 25 énonce le test pour déterminer si une limitation à la publicité des débats est opportune. La personne demandant telle limitation doit démontrer trois éléments. Il s’agit de prouver : (1) qu’il y a un « risque sérieux pour un intérêt public important » ; (2) qu’aucune autre mesure raisonnable que l’ordonnance ne puisse permettre d’écarter ce risque ; et (3) que les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses désavantages. Application aux faits Ici, les témoins experts ont déjà fait de nombreuses interventions publiques sur des sujets connexes au contenu de leur témoignage après le début de la pandémie. Ils n’ont pas pour autant craint d’être associés à une étiquette « pro-vax » à ce moment. Ils disent également être intervenus de façon neutre dans le processus impliquant le professeur. Ainsi, le tribunal ne croit pas que la publicité de leur témoignage pourrait maintenant justifier une crainte « que ces personnes n’ont jamais eue » (paragraphe 53 de la sentence arbitrale). L’analyse est la même pour l’atteinte à leur réputation. Également, les témoins experts ont participé à un processus en lien avec l’intégrité en recherche et non la liberté académique. Bien que le professeur allègue qu’il y a eu violation à sa liberté académique, il n’y a pas de lien avec le mandat des témoins experts. Leur crainte d’être associé à un mouvement « anti-liberté académique » est hypothétique et le tribunal juge qu’elle relève plutôt de l’embarras face à ces allégations (paragraphe 64 de la sentence arbitrale). Bien que les témoins experts reçoivent des courriels « inélégants » ou « impolis » (paragraphe 80 de la sentence arbitrale), il n’y a pas de preuve de courriels perturbateurs ou intimidants. Ces courriels sont pour plusieurs sans rapport avec leur mandat concernant l’enquête sur le professeur. Finalement, le tribunal ne constate pas de risque quant à la sécurité. Pour ces raisons, l’analyse en trois points de l’arrêt Sherman échoue. Le tribunal ne trouve aucune justification pour rendre les ordonnances demandées. Ainsi, la demande de l’université est rejetée. Commentaires Nous sommes dans l'attente de la décision sur le fond.
- Action collective pour remboursement partiel des frais de scolarité (COVID-19)
Une étudiante intente un recours collectif contre 15 établissements d’enseignement universitaires pour la restitution partielle des frais d’inscription pour la session d’hiver 2020 pour la diminution des services causée par la pandémie Décision rendue le 6 juin 2021 Larose c. Corporation de l’École des Hautes Études commerciales de Montréal 2021 QCCS 2299 Recours collectif – Obligations – Étudiants – Force majeure – Apparence de droit – Autonomie et indépendance des universités – Discrétion – Obligation de moyens – Frais de scolarité – Remboursement Faits Il s’agit ici de la décision sur l’autorisation pour exercer une action collective. Durant la session d’hiver 2020, les quinze universités visées par ce recours (ci-après : « les universités ») ont dû se conformer aux décrets gouvernementaux et aux directives de la santé publique en réponse à la pandémie de la COVID-19. Une étudiante souhaite représenter les étudiants de ces universités (ci-après : « les étudiants ») et intenter une action collective contre celles-ci. Elle allègue qu’à l’hiver 2020, les universités n’ont pas rempli toutes leurs obligations de procurer une éducation de qualité. En contrepartie, elle demande que les étudiants obtiennent un remboursement partiel des frais d’inscription qu’ils ont dû débourser pour la session visée. Selon elle, les universités doivent, en plus de donner des cours (en classe ou en ligne), offrir un milieu universitaire propice à l’apprentissage, des activités connexes (stages, colloques, formations, possibilités d’implications), de même qu’un accès aux bibliothèques, salles de travail, laboratoires et technologies. Analyse Pour exercer une action collective, il est nécessaire de demander l’autorisation de la Cour. Le juge saisi d’une telle demande doit s’assurer que toutes les conditions nécessaires sont remplies. La première condition à vérifier est celle de l’apparence de droit. Si l’analyse échoue, il sera inutile de continuer. Il suffit ici de vérifier si les faits allégués peuvent justifier les conclusions recherchées. La Cour doit simplement voir si la cause est défendable : elle ne doit pas être frivole ou non fondée en droit. Le fardeau est donc très peu élevé. Les tribunaux doivent se retenir de s’immiscer dans le fonctionnement interne des universités, autonomes et indépendantes. Ces dernières ne peuvent cependant pas agir de mauvaise foi ou déraisonnablement, abuser de leurs droits, dénier la justice ou violer leur devoir d’agir équitablement. Ici, le juge indique que les universités « devraient pouvoir adapter leur enseignement et offrir des services para-universitaires selon les circonstances, y compris en réponse à des situations exceptionnelles, comme la pandémie venue à la session d’hiver 2020 » (paragraphe 53 de la décision). En procédant ainsi, les universités se sont conformées aux décrets gouvernementaux et aux directives de la santé publique. La Cour rejette l’argument des étudiants fondé sur la force majeure : seulement celui qui n’est pas en mesure d’exécuter ses obligations (le débiteur) en raison de la force majeure peut demander d’en être excusé. Ici, c’est donc l’Université qui pouvait utiliser l’excuse de la force majeure à son avantage. De même, il est nécessaire de faire la preuve d’une faute pour exercer un recours en réduction des obligations corrélatives. Ici, les universités n’ont pas commis de faute. On ne peut donc pas invoquer leur responsabilité. Ainsi, la Cour refuse à l’étudiante l’autorisation de pouvoir représenter les étudiants dans le cadre d’une action collective. En effet, il n’y a pas d’apparence de droit permettant aux étudiants d’obtenir le remboursement partiel des frais déboursés à la session d’hiver 2020.
- Un professeur subit une seconde enquête pour plagiat
De nouvelles accusations de plagiat pour un professeur qui n'avait pas été sanctionné après une première enquête. Les détails ne sont pas disponibles pour le moment. Plagiat – Mesures disciplinaires – Enquête en cours – Dénonciations Tout commence lorsqu’une université reçoit une plainte anonyme concernant un cas de plagiat au sujet d’un de ses professeurs. Une enquête a été tenue et la plainte s’est avérée véridique. Le 13 aout 2021, un rapport est déposé. La plainte étant fondée, les correctifs ont été apportés auprès du professeur. Cependant, ce dernier n’a pas fait l’objet de sanctions. On lui a toutefois rappelé qu’il se devait d’être rigoureux dans son travail (tel que vu dans la décision SPPUQTR c. UQTR 2022 CanLII 60647 traité dans un autre article ). À noter que pour un cas similaire de plagiat dans une publication d’un livre par un professeur, la Cour d’appel s’est prononcée en 2015. L’université voulait initialement congédier le professeur en question, mais la Cour d’appel a confirmé la décision de l’arbitre de grief de n’avoir imposé qu’une suspension de 6 mois. ( Voir l’article en question ) Il semble donc que, malgré que les infractions de plagiat soient graves, le congédiement ne soit pas de mise. Retournons à SPPUQTR c. UQTR. Il s’avère que le divulgateur avait, en contravention avec les politiques de l’Université, divulgué les informations concernant le plagiat aux médias publiques. Tel que réitéré dans un article du Journal de Montréal du 22 avril 2022 (publication d’avril 2022), le professeur soupçonnait que l’auteur de la plainte était un de ses collègues qui le harcelait psychologiquement. Il plaide ne pas avoir eu d’intentions malveillantes en omettant les citations et qu’il avait agi de bonne foi. Il est donc à voir si la dénonciation publique fait l’objet d’intentions malveillantes, malicieuses ou relèves d’un caractère abusif. Le divulgateur a fait l’objet d’une enquête et d’une sanction disciplinaire, puisqu’il entrait en contravention avec les politiques internes de l’Université. Il avait contesté devant le tribunal et demandé de se faire réintégrer à l’emploi en attente du jugement sur le fond (voir l’article SPPUQTR c. UQTR). En effet, Politique sur la conduite responsable et l’intégrité en recherche et création prévoit une obligation de confidentialité et de bonne foi. Retournons à l’enquête pour le plagiat dans le livre du professeur, soit la publication d’avril 2022. Le responsable de l’enquête avait déclaré que les infractions de plagiat étaient très graves, mais le professeur ne devait pas être sanctionné pour autant. Le professeur plaidant la bonne foi, les erreurs de l’éditeur, les citations ailleurs dans le livre, les erreurs… le professeur avait même, une fois avisé de ses erreurs, publié une bibliographie commentée des sources manquantes dans son ouvrage. De même, l’éditrice avait minimisé les allégations, indiquant que la faute était partagée et qu’elle aurait dû voir les erreurs. Finalement, il n’y avait eu aucune plainte des ouvrages plagiés. Dans un article du Journal de Montréal du 9 mars 2023 (publication du 9 mars), on apprend que le professeur a aussi plagié dans du contenu sur ses chaines YouTube et OHdio, reprenant des passages d’autres auteurs sans les citer. Après avoir été interrogé par le journal, le professeur a ajouté les sources en s’excusant de les avoir omises. Le porte-parole de l’entreprise diffusant les balados du professeur a minimisé les allégations de plagiat, indiquant qu’il n’était pas une pratique courante de faire les citations, dans un objectif de ne pas alourdir le contenu, à moins de reprendre des extraits audios. Dans une autre publication du Journal de Montréal du 7 mars 2023 (publication du 7 mars), on apprend qu’une nouvelle enquête pour plagiat a été ouverte par l’Université en décembre 2022. Le professeur explique les allégations de plagiat et les minimise, plaidant encore une fois les omissions de bonne foi, les erreurs, les doublons… Bref, comme indiqué dans la publication du 9 mars, le professeur est toujours à l’emploi, mais une nouvelle enquête pour plagiat a été ouverte. Nous n’avons toutefois pas l’information si l’enquête est terminée et, si c’est le cas, quels sont les résultats. Pour consulter les articles du Journal de Montréal : Publication d’avril 2022 : Antoine Robitaille, Un prof et historien vedette épinglé pour plagiat , Le Journal de Montréal, le vendredi 22 avril 2022 00:00 https://www.journaldemontreal.com/2022/04/22/un-prof-et-historien-connu-blame-pour-plagiat?fbclid=IwAR2zylVOAabceptzByC46-VN1xBJv4n6EhQUSyJll1APExw7Agn-_-mi-Go Publication du 7 mars : Agence QMI, Accusé de plagiat, l’historien vedette Laurent Turcot veut « clarifier des choses » , Le Journal de Montréal, le mardi 7 mars 2023 10:33 https://www.journaldemontreal.com/2023/03/07/plagiat-lhistorien-vedette-laurent-turcot-veut-clarifier-des-choses Publication du 9 mars : Francis Pilon et Antoine Robitaille, Laurent Turcot : nouvelles allégations de plagiat dans ses capsules sur YouTube et à Radio-Canada , Le Journal de Montréal, le jeudi 9 mars 2023 15:57 https://www.journaldemontreal.com/2023/03/09/laurent-turcot-nouvelles-allegations-de-plagiat-dans-ses-capsules-sur-youtube-et-a-radio-canada
- Le tribunal se retient de mettre sur pause une évaluation des rendements annuelle
Un Syndicat demande une ordonnance de sauvegarde pour suspendre une évaluation annuelle d’une professeure, le temps que le litige soit tranché sur le fond. L’arbitre considère que trancher sur les questions équivaudrait à se prononcer sur le mérite de l’affaire et réitère l’aspect exceptionnel de telles demandes. Décision sur ordonnance de sauvegarde rendue le 11 mars 2023 Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec en Outaouais – SPUQO et Université du Québec en Outaouais (Grief de Fanny Robichaud), 2016 QCTA 577 Ordonnance de sauvegarde – Ordonnance interlocutoire – Apparence de droit prima facie – Préjudice irréparable – Balance des inconvénients – Stress indu – Discrimination – Congé de maternité Faits Dans le cadre de la convention collective, une professeure reçoit une évaluation de ses activités durant la dernière période de 5 ans. Durant cette période, elle avait dû s’absenter à deux reprises en raison de congés de maternité. Le comité d’évaluation a jugé insatisfaisante l’aspect « recherche » de son travail. De même, le comité a décidé que la prochaine évaluation serait annuelle plutôt que quinquennale. Le Syndicat conteste la décision pour deux raisons : les délais prévus dans la convention collective n’ont pas été respectés et l’évaluation est discriminatoire. Il est demandé que l’aspect « recherche » soit déclaré satisfaisante et qu’une compensation soit versée pour le stress subi par la professeure. Dans le cadre de cette action interlocutoire, le Syndicat demande de suspendre l’évaluation annuelle, le temps que le litige soit tranché sur le fonds. Cela éviterait à la professeure de se voir imposer du stress indu et une surcharge de travail par le fait de devoir produire un dossier d’évaluation dans un court délai. Analyse Les demandes interlocutoires sont exceptionnelles. Ainsi, le Tribunal réitère qu’il ne faut permettre de telles ordonnances que sur l’apparence d’un droit qui apparaît à la face même du litige, sans pousser les analyses trop loin. Ici, l’arbitre conclut que la question du respect des délais est une question d’interprétation de la convention collective, puisque les parties l’amènent à évaluer le caractère du délai et des conséquences de dépassement, qui présente trop de proximité avec le fond du litige. Sur la question de la discrimination, l’arbitre précise que tant les prétentions de l’Université que celles du Syndicat sont sérieuses et paraissent fondées, mais se prononcer sur la question en viendrait également à se prononcer sur le mérite de l’affaire. Ainsi, pour ces deux questions, on est loin de la simple apparence de droit. C’est pourquoi l’arbitre fait preuve de prudence et évite de se prononcer à ce stade des procédures. L’étape suivante est de prouver que le préjudice est sérieux et irréparable, au sens qu’il est inacceptable que la plaignante doive subir ce préjudice même si on donne raison au Syndicat au dénouement de l’affaire. L’arbitre concède que si l’évaluation n’est pas suspendue et que la professeure doive produire un dossier d’évaluation il est vraisemblable que la surcharge de travail et le stress à subir représenteront des préjudices sérieux. Cependant, ils ne sont pas irréparables. En effet, le travail supplémentaire équivaut à une quarantaine d’heures et elle demande déjà le versement d’une compensation pour le stress subit. S’il advient, au final, que la professeure aura préparé inutilement son dossier d’évaluation et qu’elle aura indument subit ces préjudices, ils seront suffisamment quantifiables et il sera possible de les réparer. Finalement, il faut faire la balance des inconvénients : le préjudice subi par la plaignante doit être plus élevé que le préjudice subi par l’Université en cas de rejet de la demande. Le Tribunal n’est pas de cet avis. Si la requête échoue et qu’il faut se plier aux exigences du comité, le dossier d’évaluation n’aura jamais été produit et le Tribunal serait indûment intervenu dans les droits de l’Université. Pour ces raisons, le Tribunal rejette la demande de suspension de l’évaluation. C’est à l’audience sur le fond que les parties pourront se faire entendre sur les autres questions.
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