Le contrat de travail d’une recherchiste n’est pas renouvelé. La professeure pour laquelle elle travaillait n’a pas respecté les exigences procédurales en matière de non-renouvèlement de contrat. Le tribunal tranche en la faveur de la plaignante.
Sentence arbitrale rendue le 15 juin 2023
Université de Sherbrooke c. Association du personnel administratif et professionnel de l’Université de Sherbrooke (Lise Duchesneau), 2020 QCTA 670
Non-renouvellement d’un contrat de travail – Congédiement – Exigences procédurales – Recherche – Université – Professeure – Manque de rigueur – Signalement – Rencontre – Rendement – Organisation – Rétroaction – Évaluation
Faits
Dans cette décision, la plaignante est une recherchiste professionnelle travaillant en laboratoire pour une professeure titulaire à la faculté de médecine d’une université.
Dans le cadre de son travail, son manque de rigueur et d’organisation lui étaient reprochés par des infirmières du laboratoire. Celles-ci lui reprochaient aussi de ne pas donner de rétroaction suffisante en cas de difficulté. Il était nécessaire de contre-vérifier son travail, puisqu’elle faisait souvent des erreurs dans la prise de donnée et on lui a reproché de ne pas suivre certaines procédures correctement. À un certain point, elle devait faire l’objet d’un suivi serré par une infirmière pour l’aider dans l’organisation de ses tâches quotidiennes.
À aucun moment la plaignante n’a été rencontrée par la professeure pour améliorer son rendement. La professeure a indiqué : « Ce n’est pas à moi de demander de faire des corrections; ce sont les infirmières qui savent quoi faire et qui ont fait des interventions» (paragraphe 33 de la sentence arbitrale) et ces problèmes « étaient adressés lors des réunions d’équipe; moi, mon rôle n’est pas de corriger les erreurs de base » (paragraphe 145 de la sentence arbitrale).
En 2021, la professeure rencontre la plaignante et l’avise du non-renouvèlement de son contrat de travail. Dans les motifs écrits qu’on lui donne à sa demande, on lui reproche un manque de rigueur, d’organisation et de rétroaction en cas de difficulté. La professeure note qu’elle n’a pas observé directement ces écarts, mais que c’est ce que les infirmières lui avaient rapporté.
Analyse
L’arbitre cite les précédents et réitère que le rôle du tribunal n’est que de contrôler la légalité du congédiement administratif. L’arrêt Costco Wholesale Canada Ltd c. Laplante, 2005 QCCA 788 réitère 5 critères que l’arbitre considère ici.
Premièrement, l’employé devait connaître les attentes de son employeur. Ici, la plaignante connaissait les attentes de son employeur. Deuxièmement, l'employeur devait lui signaler ses lacunes. Ici, l’arbitre note que le non-renouvèlement du contrat était inattendu pour la plaignante et la professeure ne l’avait jamais rencontré pour discuter des reproches à son égard et ne lui avait jamais rien signalé. À l’analyse de ce second critère, l’arbitre explique que les lacunes d’un employé doivent lui être adressés directement. Il indique qu’on ne peut pas présumer qu’un employé peut comprendre ce qu’on lui reproche personnellement au cours d'une rencontre d’équipe où des collègues discutent de problématiques sans viser personne (paragraphe 153 de la sentence arbitrale).
Bien que le deuxième critère échoue, l’arbitre glisse quelques commentaires sur les trois autres critères. Ainsi, en troisième temps, l’employé doit obtenir un support nécessaire pour corriger ses lacunes. L’arbitre explique qu’il est nécessaire pour l’employeur doit communiquer à l’employé l’existence de ce support nécessaire, dans le but de corriger les lacunes préalablement signalées. Cela n’a pas été fait ici. Quatrièmement, l’employé doit disposer d’un délai raisonnable pour corriger ses lacunes. L’arbitre note qu’en l’espèce, si on pouvait qualifier les réunions d’équipe comme un signalement, la plaignante aurait eu un délai d’un seul mois pour se corriger. Dans les circonstances, c’est trop court. Cinquièmement, l’employeur doit donner à l’employé un avis du risque de congédiement, même si cet avis ne changerait rien à la situation. Également, le fait que la plaignante soit une professionnelle de recherche ne relevait pas l'employeur de ses obligations de communiquer tels risques en cas de manque de rigueur.
L’arbitre résume: « Aviser une telle personne que son travail est insatisfaisant, qu'elle commet des erreurs, qu'elle doit les corriger en lui offrant un support et que si ces objectifs ne sont pas atteints, elle peut en subir des conséquences, dont la perte de l'emploi, me paraît une de ces « exigences procédurales » essentielles à respecter dans tout dossier de rendement insuffisant ou d'incompétence» (paragraphe 188 de la sentence arbitrale, référence omise).
L’arbitra a ainsi accueilli la contestation de la plaignante.
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