Une Université sanctionnée pour son inaction devant le harcèlement psychologique vécu par une correctrice dans le cadre de ses fonctions : une compensation monétaire de 4 000 $ est accordée compte tenu des circonstances.
Sentence arbitrale rendue le 9 décembre 2022
Alliance de la Fonction publique du Canada (SÉTUE) c. Université du Québec à Montréal (Grief de Gaëlle Solange Étémé Lebogo), 2022 QCTA 535
Loi sur les normes du travail – Harcèlement psychologique – Conduite vexatoire – Comportement des représentants de l’Université
Faits
Dans le cadre de son travail, une correctrice, pour un cours universitaire intitulé Introduction au féminisme noir — FEM300C, est amenée à corriger des examens et des travaux et à rencontrer des étudiants. Elle participe notamment à de nombreuses rencontres avec des représentants de l’université. La correctrice se dit victime de harcèlement psychologique, de discrimination, de racisme et de sexisme au regard de tous ces évènements. Le Tribunal ordonne à l’université de lui verser 4 000 $ à titre de dommages moraux, puisqu’en tant qu’employeur, l’université a failli à procurer un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique, malgré leurs propres politiques de prévention et de lutte contre le harcèlement, et l’instauration d’un organisme tel le bureau d’information et de prévention en matière de harcèlement.
Analyse
Seulement trois évènements ont été jugés par le Tribunal comme étant cause de harcèlement psychologique et de conditions de travail néfastes suivant la Loi sur les normes du travail. L’analyse doit se faire selon les critères de la personne raisonnable dans les mêmes circonstances que la correctrice, soit en se plaçant dans la position d’une correctrice ayant la peau noire. Les trois évènements sont : la rencontre avec un étudiant (Z), la correction de la copie de Z, ainsi que la décision de l’Université de procéder à une révision de toutes les copies corrigées.
L’étudiant Z a eu une conduite vexatoire à l’égard de la correctrice, durant une rencontre à son bureau par sa façon de s’adresser à cette dernière ainsi que par sa posture adoptée lors de son échange avec la correctrice. Les propos tenus par Z dans sa copie d’examen ont été jugés comme blessants, humiliants, racistes et sexistes, largement au-delà de la simple maladresse. De même, il a rédigé une réponse dans son examen de manière harcelante, raciste et sexiste : il a fait des allusions « insistantes et pernicieuses au règne animal, ne particulier à la race canine » (paragraphe 257 de la décision). Sa réponse d’examen s’adressait directement à la correctrice, le tout, venant accentuer la violence de ses propos. De surcroit, l’étudiant personnalise des commentaires en regard de la plaignante, qu’il associe à un « hypothétique népotisme féminin noir » (paragraphe 257 de la décision). Finalement, la correctrice n’a pas été prévenue de la révision générale de son travail de correction, alors qu’il n’avait jamais été remis en cause. Cette décision de l’université a été prise alors que la correctrice avait demandé des actions disciplinaires à l’égard de l’étudiant Z et attendait un retour des représentants de l’université.
Les éléments suivants n’ont pas été jugés comme étant du harcèlement psychologique : la séance d’explication en classe (générant un malaise auquel une personne raisonnable doit s’attendre) ; le courriel de Z (ayant certes un ton discutable, mais pas harcelant) ; les réponses données par les autres étudiants dans les examens (étant des simples maladresses des étudiants, jugements de valeur et des projections personnelles, non pas des hostilités à l’égard de la correctrice) ; les rencontres avec les représentants de l’université (étant plutôt empathiques, même si insatisfaisantes).
Commentaires
Il est important de rappeler qu’ici, les propos de l’étudiant allaient au-delà de ce qui était abordé dans le cadre du cours et s’adressaient directement à la correctrice, qu’il savait être une femme ayant la peau noire. Certes, il ne serait pas raisonnable de faire une préfecture des réponses d’examen des étudiantes et étudiants afin de déceler du contenu possiblement vexatoire, mais les étudiants eux-mêmes doivent garder un certain savoir-vivre dans leur rédaction. Cependant, il faut garder en tête que chaque cas est un cas d’espèce, et que dans le cadre de ce litige, le 4 000 $ a été octroyé à la correctrice pour l’inaction de l’Université, non pas parce que l’étudiant a tenu des propos vexatoires. Si des mesures concrètes et rapides avaient été prises, l’Université n’aurait vraisemblablement pas eu à dédommager la correctrice.
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