Un professeur plagie deux livres. La Cour d’appel réitère la gravité du plagiat en milieu universitaire et confirme la révision de la Cour supérieure sur la décision de l’arbitre de grief.
Arrêt rendu le 28 juillet 2015
Syndicat des professeures et professeurs de l'Université du Québec à Montréal (SPUQ-CSN) c. Université du Québec à Montréal (Grief de Robert Robillard), 2015 QCCA 1256
Plagiat – Mesures disciplinaires – Congédiement – Suspension – Gravité – Révision de la décision arbitrale – Norme de contrôle – Gradation des sanctions – Sanctions abusive
Faits
Dans cette décision, un professeur avait publié un livre comportant un total de neufs passages plagiant deux autres livres sans les citer. L’Université a décidé de congédier le professeur, mais le syndicat c’est objecté devant le Tribunal. L’arbitre avait rejeté le congédiement, le jugeant trop abusif. Les parties ont demandé à la Cour supérieure de réviser le dossier, mais elle n’a que confirmé les motifs énoncés par l’arbitre. La tâche revient ultimement à la Cour d’appel de trancher sur le litige.
Analyse
La Cour d’appel commence par tenter de définir ce qu’est le plagiat. Malgré que le plagiat relève du domaine du droit d’auteur l’arbitre a pris sa décision sur d’autres fondements. Même en utilisant les règles du droit d’auteur, la décision aurait vraisemblablement été la même. À noter toutefois que l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur permet l’utilisation d’œuvres sans être titulaire s’il s’agit d’une utilisation équitable, notamment aux fins de recherche et d’éducation.
Plutôt, l’arbitre s’est référé aux politiques et règlements s’appliquant tant aux étudiants qu’au professeurs, indiquant qu’on ne pourrait pas, en matière de plagiat, permettre à un professeur de faire ce qui est interdit aux étudiants. En effet, la Cour supérieure a concédé qu’il est raisonnable de considérer le plagiat comme le simple fait de copier et s’attribuer indûment, sans devoir analyser s’il s’agit d’une partie importante d’une œuvre ou non (au sens de la Loi sur le droit d’auteur).
Règlement sur les infractions de nature académique no. 18 de l’Université : « Le plagiat : l’utilisation totale ou partielle du texte ou de la production d’autrui en le faisant passer pour sien ou sans indication de référence » (Cité au paragraphe 16 de la décision de la Cour d’appel).
Politique sur la probité en recherche no. 27 : « Ne pas utiliser les idées, les données ou les résultats de recherche, sous quelque forme que ce soit, publiés ou non, de quelqu’un d’autre sans lui reconnaître de façon explicite la filiation intellectuelle » (Cité au paragraphe 16 de la décision de la Cour d’appel).
La Cour suprême du Canada avait indiqué dans le passé que les professeurs devaient agir de manière exemplaire en matière de plagiat. L’arbitre indique qu’autrement, les élèves pourraient suivre les mauvais exemples et ainsi abuser à leur tour. C’est donc à juste titre de considérer que la faute du professeur est grave. L’Université était de bon droit d’imposer une sanction au professeur. Cependant, est-ce que le congédiement était adapté à la situation?
Le Syndicat voulait plaider qu’il fallait appliquer la gradation des sanctions, étant donné qu’il s’agissait d’une première offense pour le professeur. Cependant, l’arbitre avait expliqué que la gradation des sanctions ne s’applique qu’en cas de fautes légères ou de gravité limitées qui se répètent dans le temps. Ici, c’est complètement différent. Cependant, il a été plaidé devant l’arbitre que l’Université a agi de manière plus clémente dans le passé, que ce soit de n’imposer que la rédaction d’une lettre d’excuse ou bien de n’imposer aucune sanction. Dans le présent litige, l’arbitre avait aussi considéré les impacts sur la carrière du professeur, de même que ses évaluations dont « la Direction aurait dû tenir compte lorsqu’il s’est agi de déterminer la sanction qui devait être imposée au requérant» (paragraphe 123 de la décision arbitrale). C’est ainsi que le tribunal avait considéré le congédiement comme abusif, n’imposant qu’une suspension de 6 mois.
La Cour d’appel indique que la Cour supérieure n’a pas fait d’erreur en révisant la décision arbitrale. La décision de l’arbitre est donc confirmée, même si la Cour d’appel n’est pas convaincue des motifs utilisés pour arriver à la décision. Cependant, elle indique au paragraphe 20 que les motifs de l’arbitre ont permis à la Cour supérieure de comprendre la décision et que d’imposer une suspension de 6 mois plutôt qu’un congédiement faisait partie des issues possibles du litige. Il n’y a donc pas lieu de réviser la décision.
Remarques sur la norme de contrôle
Comme cet arrêt a été rendu en 2015, la conclusion de la Cour d’appel repose sur les normes de contrôles de l’arrêt Dunsmuir. Si elle avait été rendue en 2023, c’est plutôt sur l’arrêt Vavilov de la Cour suprême que la conclusion aurait dû reposer. Il est toutefois vraisemblable que si l’arrêt avait été tranché sur l’arrêt Vavilov, ç’aurait été le même critère de révision, soit celui de la décision raisonnable. Cependant, la décision raisonnable ne repose plus sur la question à savoir s’il s’agit une des issues possibles du litige. Il faut plutôt s’interroger sur le processus. Si les motifs sont difficiles à cerner, il y a possibilité de retourner l’affaire au décideur (voir Canada c. Vavilov, 2019 CSC 65 au paragraphe 136). Dans le présent litige, il est difficile de voir ce que la Cour d’appel aurait décidé en 2023.
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