Ayant participé au projet de recherche et de production d’un guide en responsabilité sociale et environnementale des entreprises, cette dernière revendique des droits de propriété intellectuelle sur ce guide et sur les données tirées dans le cadre du projet.
Décision statuant sur une demande de pourvoi en contrôle judiciaire rendue le 18 mars 2024
Étudiante – Professionnelle de recherche – Comité d’arbitrage – Pourvoi en contrôle judiciaire – Propriété intellectuelle – Droits d’auteur – Syndicat – Convention collective – Université – Maîtrise avec mémoire – Maîtrise avec travail dirigé – Co-auteurs
Faits
Une étudiante à la maitrise a joint un projet dans le cadre d’un partenariat avec le ministère de l'Économie, de l’Innovation et de l’Énergie. Il était question de la création d’un guide au sujet de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
L’étudiante s’est impliquée dans le projet et a procédé à 16 entrevues avec des représentants d’une entreprise visée par la recherche. Les données recueillies dans le cadre de ces entrevues font l’objet d’un litige entre l’étudiante et la chercheure principale.
Quelques mois plus tard, la chercheure principale publie les outils développés dans le cadre du projet. Selon l’étudiante, certains des travaux qu’elle avait réalisés dans le cadre de sa maîtrise en faisaient partie. L’étudiante désirait se faire reconnaitre co-auteure des outils 6,7,8 et 11 du Guide.
La chercheure principale et l’étudiante se sont soumises à la médiation, mais ce fut sans succès. Ensuite, elles ont tenté l’arbitrage auprès du Comité d’arbitrage de l’université. Le Comité a conclu que l’étudiante allait pouvoir utiliser les données qu’elle avait recueillies dans le cadre de ses entrevues pour son mémoire de maîtrise. Aussi, le Comité est a conclu que la contribution de l’étudiante à certains des outils du guide en responsabilité sociale et environnementale des entreprises (les outils 6 et 7) était assez importante pour la considérer co-auteure. En revanche, pour d’autres outils (les outils 8 et 11), son travail n’était pas suffisant afin de satisfaire aux critères des normes de l’université pour la reconnaitre co-auteure selon le Comité.
L’étudiante conteste la conclusion selon laquelle le Comité la reconnaissait co-auteure des outils 6 et 7, puisqu’elle considérait que la chercheure principale n’était pas co-auteure. Elle considérait donc être la seule titulaire des droits d’auteurs de ces outils.
Analyse
En se fiant aux enseignements de la Cour suprême du Canada, la Cour a décidé de trancher en appliquant la norme de la décision raisonnable. Cela signifie que la Cour doit déterminer si la décision rendue par le comité d’arbitrage est à la fois cohérente et logique en plus d’être justifiée compte tenu du contexte légal, jurisprudentiel et factuel. Il ne s’agit donc pas d’un nouveau procès, ni d’un appel.
Les juges doivent faire attention et éviter de s’ingérer dans la gestion interne des activités académiques des établissements d’enseignement. En effet, à moins de circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire « lorsque l’institution d’enseignement a fait preuve de mauvaise foi ou a agi de façon déraisonnable, arbitraire ou discriminatoire » (paragraphe 37 de la décision, références omises), les juges ne doivent pas se prononcer sur le bien-fondé des mesures de gestion interne des universités.
En l’espèce, le tribunal a conclu que le Comité d’arbitrage avait rendu une décision intrinsèquement cohérente et rationnelle eu égard à la preuve qui lui avait été soumise et sa décision était exempte de lacune importante. En effet, la décision était motivée et était fondée sur des éléments de preuve qui lui avaient été soumis. Ainsi, il n’y avait pas lieu d’intervenir pour le tribunal.
Par ailleurs, l’étudiante soumettait au tribunal une question qu’elle n’avait pas soumise à l’arbitrage, comme quoi elle voulait se faire déclarer comme la seule auteure des outils 6 et 7. Puisque le Comité d’arbitrage n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur la question, le tribunal n’a pas pu intervenir.
En conséquence, la demande de l’étudiante a été rejetée.
Bien entendu, il n’est pas possible, en contrôle judiciaire, de se prononcer sur des questions qui n’ont pas été abordée devant un décideur administratif. En revanche, le tribunal peut se pencher sur une question qui n’a pas été tranchée explicitement par le décideur administratif dans deux situations. C’est ainsi possible lorsque le décideur a tranché cette question de manière implicite et qu'il ne s’agit pas d’une question de droit pour laquelle la preuve est claire et suffisante et que les parties n’ont pas allégué de préjudice en résultat. C’est également possible lorsque le décideur a exprimé son opinion sur cette question dans d’autres cas et qu’il a été constant dans ces conclusions.
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