Un professeur contestant des mesures prises à son encontre par son Université (employeur) utilise des recours interlocutoires dans le but de préserver sa carrière et ses droits de propriété intellectuelle.
Sentence arbitrale rendue le 2 septembre 2016
Retrait de charge de supervision – Propriété intellectuelle – Demandes interlocutoires – Utilisation d’un rapport d’enquête en preuve – Réintégration provisoire à l’emploi
Faits
Un professeur superviseur de thèse se fait retirer sa charge de supervision et se voit interdit d’entrer en communication avec les étudiants. Sans l’accord du professeur, l’Université donne la permission aux étudiants de publier des articles dont le professeur est coauteur, leur permettant ainsi de compléter leur thèse par publication d’articles. L’Université demande toutefois au professeur s’il souhaite ou non être mentionné à titre de coauteur dans les articles à publier tel quel sans modifications possibles. Le professeur s’oppose aux publications et introduit une demande d’ordonnance de sauvegarde afin de suspendre les publications, dans le but de préserver ses droits de propriété intellectuelle.
Analyse
Le Tribunal réitère les principes concernant les ordonnances interlocutoires, suivant le courant jurisprudentiel ne permettant de telles ordonnances que sur la base d’un droit prima facie (voir l'article sur la décision Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières c. Université du Québec à Trois-Rivières). L’article 4.2.1 de la politique 2500-011 de l’Université de Sherbrooke indique la nécessité que chaque auteur et coauteur consentent à la publication de leurs articles. Ici, selon le professeur, les articles ne sont aucunement prêts à être publiés. Interdit de discuter avec l’étudiant en question, il est difficilement concevable de lui demander d’être mentionné ou non à titre de coauteur, sans possibilité de rectification. L’apparence de droit prima facie est démontrée. En raison de l’importance des publications pour les professeurs et les impacts de celles-ci sur leur carrière, le Tribunal convient que si l’article en question est publié avec les erreurs soulevées par le professeur, il subira un préjudice suffisamment sérieux. Ainsi, le Tribunal suspend les publications et ordonne à l’Université de contacter les différents éditeurs pour prendre les mesures nécessaires, ce qui ne cause pas de préjudice à l’Université.
Le professeur est plus tard congédié pour manquement à ses obligations de loyauté, suivant le dépôt d’un rapport d’enquête. Le professeur conteste son congédiement devant le Tribunal et requiert que le rapport ne soit pas recevable en preuve. Il demande aussi à être réintégré à l’emploi jusqu’à ce que le litige soit tranché sur le fond. Le rapport d’enquête indique notamment des témoignages signés ayant été considérés pour rendre la décision de l’Université. Le Tribunal estime que le rapport est suffisamment pertinent pour être déposé en preuve, à condition de respecter les règles de preuve habituelle. Le rapport n’est donc pas une preuve de la véracité de son contenu, mais plutôt une preuve des déclarations qu’il comporte et du processus d’enquête auquel participe l’Université. Les témoignages signés intégrés au rapport sont utiles pour évaluer la crédibilité et des témoins. Cependant, le Tribunal ne peut pas être lié par les motifs et les conclusions du rapport. Le rapport n’est donc pas irrecevable, mais sa portée n’est pas absolue.
Pour la réintégration à l’emploi, le Tribunal conclut qu’il y a apparence de droit prima facie suffisante, en fonction des droits prévus à la Convention collective et de la preuve sommaire présentée. En raison du statut particulier des professeurs universitaires, lui refuser sa demande mettrait à péril sa carrière professionnelle, alors que l’Université subirait des préjudices moindres en cas de réintégration jusqu’au jugement final sur le fond du litige. Notamment, l’Université a déjà toléré qu’il reste à l’emploi durant deux ans dans des circonstances pratiquement identiques. Ainsi, le professeur est réintégré à l’emploi en attendant le jugement sur le fond.
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