Un professeur sanctionné pour avoir retiré unilatéralement le nom d’un coauteur à un article scientifique. Le tribunal confirme la suspension sans solde de 3 semaines imposée par l’Université
Sentence arbitrale rendue le 27 novembre 2020
Syndicat des professeurs et professeures de l'Université Laval (Alexander Salenikovitch) et Université Laval, 2020 QCTA 556
Statut d’auteur — Paternité — Contribution significative — Contribution substantielle — Publication — Article scientifique — Coauteur — Consultation — Thèse par articles — Doctorant — Professeur — Interuniversitaire — Conflit — Grief — Insubordination — Mauvaise foi — Inconduite — Intention de nuire — Suspension — Liberté académique
Faits
Dans cette décision, un professeur, le professeur X, conteste une suspension sans solde de trois semaines qui lui a été imposée pour avoir retiré unilatéralement un nom de la liste de coauteurs d’un article scientifique.
Il s’agissait d’un article à être publié dans le cadre d’une thèse par article d’un doctorant. Plusieurs professeurs étaient coauteurs de cet article. Lors d’une dernière ronde de révision, une professeure avait ajouté le nom d’un autre professeur à titre d’auteur, en raison de sa contribution significative à l’article. Le professeur X révise rapidement l’article avant de l’envoyer à l’éditeur, sans se rendre compte de cet ajout.
Ce n’est qu’après qu’il se rend compte de l’ajout. Il consulte le doctorant à ce sujet et il lui répond que l’apparition de ce nom n’a que peu d’importance pour lui. Sans consulter les autres coauteurs de l’article, ni même le professeur dont le nom avait été ajouté, le professeur X contacte l’éditeur et lui demande de retirer ce nom, sous justification d’une erreur cléricale. À noter que le professeur X et le professeur dont le nom a été retiré éprouvent de nombreux conflits l’un envers l’autre. Ces conflits font l’objet de trois griefs différents, dont celui-ci.
Peu de temps après, le doyen reproche au professeur X d’avoir procédé sans consultation et lui demande d’envoyer une demande d’erratum à l’éditeur pour rajouter le nom à la liste des coauteurs. Le professeur X s’exécute. Toutefois, tout porte à croire que ce courriel a été rédigé de manière à ce que ce que l’éditeur ne procède pas réellement à sa demande. En effet, il semble que le professeur X ait tenté de rallier l’éditeur à son point de vue. Il allègue la liberté universitaire dans sa rédaction de son courriel. L’éditeur a alors senti le besoin de confirmer la réelle contribution de chaque coauteur listé dans cet article, leur envoyant une grille d’évaluation à compléter.
En raison des agissements de l’éditeur, le directeur du professeur X lui demande d’avoir accès à l’échange de courriels entre lui et l’éditeur. Le professeur X lui indique que le contenu est confidentiel et refuse de procéder. Le tribunal a toutefois autorisé la divulgation du contenu des courriels, jugeant l’absence d’aspect confidentiel.
Analyse
Les universités et les maisons d’édition proposent habituellement des lignes directrices sur la paternité d’articles scientifiques. Le tribunal note que ces sources ont habituellement en commun la notion de « contribution significative ». Les usages du milieu peuvent également être pertinents à considérer dans chaque situation. Ainsi, toutes les personnes qui ont contribué de manière significative à un article devraient voir leur nom figurer dans la liste des coauteurs. L’ajout et le retrait d’un nom doivent faire l’objet d’un consensus. Quant à lui, le professeur X a témoigné au fait qu’il ne se fiait pas aux lignes directrices de son université en la matière et qu’il ne connaît pas les règles d’usage de son milieu. Pour lui, la simple consultation de son étudiant suffisait à justifier ses agissements.
En l’espèce, l’arbitre a conclu à la mauvaise foi, l’intention de nuire et l’insubordination du professeur X. Il a commis une erreur grave en retirant unilatéralement le nom d’un professeur de la liste d’auteurs, sans consultation. Ce faisant, il a également mis l’éditeur et l’ensemble des coauteurs dans une position inconfortable. Le professeur X a également tenté de contourner les directives de son employeur en « fidélis[ant] l’éditeur à sa cause ». Il a refusé de divulguer le contenu des courriels, tentant de dissimuler ses agissements sous le prétexte de la confidentialité. Ainsi, l’arbitre n’a pas vu d’occasion de renverser la sanction imposée par l’employeur, soit une suspension de trois semaines sans solde.
Commentaires
Pour éviter les litiges au sujet de la paternité d’œuvres ou d’articles scientifiques, il semble pertinent d’agir en amont. Une bonne pratique pourrait être d’établir de manière consensuelle les contributions respectives et les statuts d’auteurs appropriés, de même que l’ordre d’apparition des noms.
Le site web de l’Université Laval présente les Principes directeurs sur la reconnaissance des auteurs d’une publication de l’Université Laval (Consulter le site de l’Université Laval). L’auteur y est décrit comme une personne ayant contribué substantiellement à la matérialisation d’une idée. Ce site présente une liste cumulative de réalisations nécessaires pour se voir accorder ce statut. (Consulter notre page Quels sont vos droits : Paternité d’une publication [lien à venir])
Finalement, l’American Psychological Association propose des outils tels que des conventions types pour déterminer le statut d’auteur et l’ordre d’apparition des noms (Consulter le site de l’APA; sous la rubrique « Helpful Tools »).

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