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Quelles limites à la liberté académique? Une professeure tente sans succès de justifier ses propos

Photo du rédacteur: Chloé FilionChloé Filion

Une professeure subit différentes sanctions et suspensions en raison de propos et de comportements jugés comme étant de l’inconduite, de l’insubordination et des manques de respect à l’égard de ses supérieurs et de différents collègues.


Sentence arbitrale rendue le 29 février 2024


Syndicat des professeures et professeurs de l'Université du Québec en Outaouais (SPQO) et Université du Québec en Outaouais (Natalia Dankova), 2024 QCTA 92


Réprimandes – Suspensions – Professeure – Obligation de loyauté – Grief – Syndicat – Convention collective – Université – Liberté académique – Insubordination – Inconduite – Manque de respect – Désaccord avec une décision du comité sur le plagiat – Comité de discipline



Faits


Une professeure de l’Université du Québec en Outaouais s’est vue imposée une réprimande et deux suspensions à la suite de différents événements.


Réprimande

Tout d’abord, elle a signé une résolution en hébreu, signature que le secrétaire général de l’université a refusée. En réponse à ce refus, cette dernière lui a demandé de justifier sa décision. Étant sans réponse pendant près de 3 semaines, la professeure lui a réécrit un courriel se concluant par : « Tout cela a un petit air d’antisémitisme et de xénophobie ». Le secrétaire général de l’université lui a répondu qu’il s’était déjà prononcé sur sa signature un an plus tôt et que les propos du courriel de la professeure étaient inacceptables. Vu l’absence de collaboration de la professeure, ce dernier a déposé une plainte d’inconduite auprès de l’université. Le comité d’examen a imposé à la professeure une réprimande écrite.


Suspension de trois semaines

Ensuite, lors d’un événement complètement distinct, la professeure a déposé une plainte de plagiat contre trois étudiantes. Cette plainte a été rejetée par le comité de discipline. La plaignante se disait outrée de cette conclusion. Par ailleurs, une étudiante qui était visée par la plainte de plagiat a déposé une demande de révision de note quelques semaines plus tard auprès de la professeure. Cette dernière a décidé de laisser la note de l’étudiante intacte. L’étudiante a porté cette décision en appel devant le comité d’appel. Le comité a rencontré l’étudiante et la professeure afin d’obtenir leurs versions des faits. Lors de la réunion avec la professeure, cette dernière a notamment traité les membres du comité d’appel de « lâches » et a remis en question leur intégrité. En conséquence, le vice-recteur à l’enseignement et à la réussite l’a convoquée à une rencontre à plus d’une semaine d’avis afin de faire de la lumière sur ces événements. La professeure répond qu’elle enseigne, qu’elle « n’est pas sur appel » et lui propose une plage horaire deux semaines plus tard. Après quelques courriels empreints d’arrogance de la part de la professeure, ils ont convenu d’une plage horaire pour leur rencontre. Finalement, lors de la rencontre, la professeure a accusé le vice-recteur de lui manquer de respect, de vouloir l’humilier et de protéger le comité. Ainsi, l’université a imposé à la professeure une suspension de 3 semaines en raison de son inconduite et de son insubordination afin de l’inciter à modifier sa conduite.


Suspension de trois mois

Dernièrement, lors de la rencontre afin de lui remettre l’avis de la suspension de 3 semaines, la professeure a encore adopté des comportements et des propos irrespectueux et abusifs. Ces agissements ont donné lieu à une autre rencontre afin d’adresser sa conduite. Lors de ces deux rencontres, la professeure a été condescendante, a accusé le vice-recteur de vouloir l’humilier et la réduire au silence, a été irrespectueuse envers ce dernier en faisant diverses allusions à l’étymologie du mot recteur (venant du mot latin rektum) dans le but de le dénigrer et de « démontrer sa propre supériorité en termes de connaissances linguistiques sur son supérieur » (paragraphe 91 de la sentence arbitrale). Elle l’a également accusé de faire preuve de mépris envers elle en raison du fait qu’elle est une femme. Elle fondait ses accusations sur un oubli de la part du vice-recteur d’accorder au féminin le mot déçu dans un de ses courriels. La professeure a, par ailleurs, enregistré les deux rencontres à l’insu de l’université. En réponse à tous ces événements, l’université a décidé de la suspendre pour 3 mois.


La professeure conteste toutes les mesures disciplinaires de l’université par trois griefs.



Analyse


L’arbitre rejette les trois griefs de la professeure.


Pour ce qui est de la première sanction, l’arbitre justifie la réprimande de la professeure avec plusieurs motifs. Premièrement, il note que les mots antisémitisme et xénophobie sont lourds de sens et qu’une telle accusation est très grave. Deuxièmement, l’université avait un règlement qui visait à prévenir et à combattre les situations d’inconduite, de harcèlement et de violence qui énonçait que les membres de la communauté universitaire devaient notamment agir avec courtoisie, respect et modération. Les propos de la professeure constituaient un manquement à cette obligation. Aussi, l’arbitre note que la réprimande est la sanction la plus clémente et que, conséquemment, elle était justifiée eu égard à la faute.


En ce qui concerne la suspension de trois semaines, l’arbitre n’y voit pas d’erreur. En effet, il a considéré que l’attitude et les propos de la professeure dans la rencontre avec le comité de révision de notes constituaient de l’inconduite, vu leur gravité. Également, le ton méprisant et arrogant qu’elle a tenu dans ses courriels avec le vice-recteur et lors de la rencontre constituaient de l’insubordination selon l’arbitre, ce qui justifiait une telle sanction.


La suspension de trois mois était également justifiée aux yeux de l’arbitre, puisque la professeure a encore manqué de respect au vice-recteur. Elle l’a faussement accusé de vouloir l’humilier à multiples reprises, d’être méprisant avec elle et de manquer d’empathie avec elle en raison de sa situation familiale. De surcroit, elle a tenté d’humilier le vice-recteur par tous les moyens. Par ailleurs, selon l’arbitre, elle a manqué à son obligation de loyauté envers l’université en enregistrant les rencontres avec ses supérieurs au sujet de ses inconduites, car cela risquait de détruire sa relation avec ses collègues et l’université.



Commentaires


Il est important de noter que, bien que la professeure bénéficiait de la liberté académique et qu’elle pouvait exprimer ses opinions et critiquer les différentes décisions et règles universitaires, elle ne pouvait pas s’en prévaloir pour justifier des propos méprisants, insultants et faussement accusateurs contre divers membres et comités de l’université. La liberté académique n’est pas absolue; elle « ne saurait être exercée

à bon droit que dans le cadre des objectifs qui lui sont propres, c’est-à-dire de façon honnête et désintéressée, et non pas au service d’une cause extrinsèque » (Université du Québec à Montréal et Syndicat des professeurs de l’Université du Québec à Montréal, AZ-51126397, p. 23).


En matière disciplinaire, les employeurs doivent appliquer la progression des sanctions. En effet, ces derniers doivent sanctionner leurs employés graduellement afin de leur laisser l’opportunité d’ajuster leurs comportements, à l’exception des manquements trop graves. Dans cette affaire, l’université avait bien appliqué ce principe en plus d’octroyer des sanctions justes eu égard aux fautes de la professeure.




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