Le tribunal confirme une sanction imposée initialement pour harcèlement psychologique. La sanction est maintenue, mais pour un manque à l'obligation de convivialité en milieu de travail. L'arbitre ne permet pas une défense basée sur la liberté universitaire. La liberté universitaire n'évolue pas en vase clos et ne peut servir de fondement pour se libérer d'autres obligations.
Sentence arbitrale rendue le 27 novembre 2020
Syndicat des professeurs et professeures de l'Université Laval (Alexander Salenikovitch) et Université Laval, 2020 QCTA 556
Harcèlement psychologique — Convivialité en milieu de travail — 2088 C.c.Q. — 2088 Code civil du Québec — Devoirs du salarié — Milieu de travail malsain — Professeur — Chaire de recherche — Étudiant — Partenaires externes — Conflit — Suspension sans solde — Enquête — Sanctions — Volonté de s’amender — Inconduite — Insubordination — Mauvaise foi — Manque de respect — Loyauté — Liberté universitaire
Faits
Dans cette décision, le professeur A conteste une suspension sans solde de quatre mois qui lui a été imposée par son université à la suite d’une plainte pour harcèlement psychologique.
Le plaignant et le professeur A sont tous deux des professeurs qui effectuaient des recherches pour une Chaire universitaire dont le plaignant est le titulaire. Une mésentente est survenue entre eux. Le plaignant a mis fin à la collaboration du professeur A aux travaux de la Chaire. Il peut toutefois continuer certains travaux qui s’inscrivent dans un projet de recherche complémentaire étant sous l’administration du même bureau de direction que la Chaire.
Dans la plainte pour harcèlement psychologique, de nombreux agissements sont reprochés au professeur A. Il est notamment question de nombreuses interactions et communications avec le plaignant, impliquant parfois même des partenaires externes et des étudiants, de nuire à la crédibilité du plaignant, d’outrepasser des processus et de tenter à plusieurs reprises et par plusieurs moyens de participer à des activités où il n’était pas invité.
Analyse
L’arbitre n’a pas jugé ces comportements comme étant des conduites vexatoires menant à du harcèlement psychologique au travail. Il a toutefois conclu que l’Université était en droit de réprimander le professeur A, dans les circonstances.
Certes, une suspension de quatre mois sans solde est une sanction sévère. Toutefois, l’Université avait déjà sanctionné deux fois le professeur en raison de son comportement et il avait fait l’objet de deux enquêtes au sujet. L’arbitre indique que cela aurait dû le pousser à cesser ses agissements. De plus, lorsque son directeur lui demande de cesser son sarcasme et de cesser d’impliquer des partenaires externes à son conflit avec le plaignant, le professeur A lui répond que cela serait contraire à sa liberté universitaire.
« Mais quand on considère l’ensemble de ces faits, cependant, on constate que le Professeur [A] […] commet une faute grave d’inconduite, de mauvaise foi, d’insubordination, de manque de respect et de loyauté» (paragraphe 391 de la sentence arbitrale).
« Par certains de ses gestes, non seulement a-t-il mis en porte-à-faux des étudiants et des partenaires industriels, il a aussi mis à mal la réputation et la crédibilité du [plaignant] […], de [la Chaire] […] et possiblement même de la Faculté et de l’Université» (paragraphe 392 de la sentence arbitrale).
Le professeur ne se conforme pas non plus à son obligation de convivialité en milieu de travail. L’arbitre cite des autorités pour cette obligation, intégré à l’obligation de loyauté prévue à l’article 2088 du Code civil du Québec. Cette obligation doit être analysée au cas par cas et peut varier en fonction du poste, du milieu et de la profession du salarié. Il s’agit de « l’ensemble d’attitudes propres à favoriser la communication, le commerce, le dialogue et la coopération entre les membres de l’entreprise. » (paragraphe 393 de la sentence arbitrale, références omises).
Le professeur A appuie grand nombre de ses agissements sur la notion de liberté universitaire. L’arbitre n’est pas d’accord avec lui. Il note que la liberté universitaire donne de grands privilèges et, conséquemment, impose de grandes responsabilités. Il faut être conscient que la liberté universitaire n’évolue pas en vase clos en droit civil québécois. En effet, les professeurs universitaires demeurent soumis à leurs obligations de loyauté, civisme et civilité en vertu du Code civil du Québec. Le Code prévoit également aux articles 6 et 7 du les exigences de la bonne foi et la prohibition de l’abus de droit. La liberté universitaire des uns est également limitée par la liberté universitaire des autres.
Finalement, le tribunal constate l’absence de volonté de s’amender du professeur à l’audience, d’autant plus qu’il justifie ses agissements par sa vision erronée de la liberté universitaire. Ce facteur est considéré pour maintenir la sanction.
Ainsi, le grief est rejeté et la sanction de l’université est maintenue.

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