A la suite de plaintes, une université prend une mesure visant à retirer la supervision de résidents à un professeur. Ce dernier conteste la mesure en considérant qu’il ne s’agit pas d’une mesure administrative mais bien d’une mesure disciplinaire visant à sanctionner son comportement.
Sentence arbitrale rendue le 22 mars 2021
Association des professeures et professeurs de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke (APPFMUS) c. Université de Sherbrooke (Claudio Jeldres), 2021 QCTA 162
Plainte – Mesure administrative – Mesure disciplinaire – Mesure mixte - Procédure - Principe d’équité
Faits
Un professeur consacre 50% du temps de sa semaine dans une clinique externe en urologie où il supervise des résidents. Progressivement, l’université observe que plusieurs résidents quittent le service d’urologie et elle reçoit un courriel de ces derniers l’avisant des difficultés rencontrées avec le professeur responsable de leur supervision. Afin de préserver l’anonymat des étudiants, l’université décide de ne pas révéler les auteurs de ce courriel et de n’en communiquer que le contenu. Puis, dans l’objectif de préserver l’intégrité du service, la supervision des résidents est retirée au professeur.
La partie syndicale, représentant le professeur, estime qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire et donc que le protocole relatif aux mesures disciplinaires doit être suivi. En vertu de ce protocole, la sanction serait illégitime. De son côté, l’université considère qu’il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire mais d’une décision de gestion.
L’arbitre doit déterminer s’il s'agit d’une mesure disciplinaire, administrative ou mixte, et, le cas échéant, vérifier le respect du protocole relatif aux mesures disciplinaires.
Analyse
« La mesure disciplinaire vise à pénaliser les manquements volontaires du salarié et à assurer sa réhabilitation »(page 8 de la décision Syndicat des employés municipaux de Jonquière, section locale 2466 (S.C.F.P.) c. Jonquière (Ville de), [1998] R.J.D.T. 5) de son côté, « la mesure administrative n’a pas d’intention punitive et résulte de gestes involontaires […] qui causent préjudice à l’employeur » (page 8 de cette même décision). La mesure administrative « peut répondre à une situation involontaire ou impossible à corriger » (page 8 de cette même décision).
En l’espèce, l’arbitre considère qu’il s’agit d’une mesure mixte. D’abord, la décision vise à protéger le bien-être des résidents et est donc de nature administrative. Ensuite la plainte fait ressortir un défaut de la qualité de l’enseignement et l’université demande au professeur un changement de comportement. Cet élément présente un caractère punitif, la mesure est donc également disciplinaire.
Puisque la mesure imposée par l’université revêt un aspect disciplinaire, le protocole liant les deux partis doit être respecté. Celui-ci prévoit l’obligation d’équité entre les parties et permet à l’employé de faire valoir ses prétentions, de se défendre ou de se corriger en toute connaissance de cause.
En l’espèce, l’université n’a pas divulgué l’identité des auteurs du courriel et a privé le professeur d’une partie de ses droits. En effet, selon la sentence arbitrale de l’affaire « Université Laval » [52], l’anonymat ne permet pas de respecter le protocole relatif aux mesures disciplinaire. Le défendeur n’est pas en toute connaissance de cause et ne peut se défendre correctement.
L’université n’a pas respecté le protocole relatif aux mesures disciplinaires. La décision de retirer la supervision des résidents au plaignant est annulée.
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