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Photo du rédacteurThomas Godbout

La Cour d'appel permet à l'Université de modifier un contrat sans l'avis de chercheurs ayant intérêt

Dernière mise à jour : 18 juin

Une Université modifie un contrat dans lequel des chercheurs ne sont pas parties, mais ont un intérêt. La Cour rappelle des principes généraux du droit des obligations et sur la prise de décision des gestionnaires.


Arrêt rendu le 14 janvier 2010



Propriété intellectuelle – Contrats – Droit des obligations – Protocole de recherche – Indoor management rule — Obligation de consultation – Gestionnaire raisonnablement prudent



Faits


Dans le cadre du financement d’une recherche, une entreprise et une Université conviennent d’un protocole de recherche dans lequel l’entreprise obtient l’option d’acquérir des droits de propriété intellectuelle. Est établi le prix de l’option en fonction d’un calcul complexe comprenant notamment la valeur marchande. Les chercheurs de cette recherche ne sont pas parties à cette entente. Dans une entente avec les chercheurs, l’Université s’engage à leur verser 50 % des montants obtenus par la commercialisation de la propriété intellectuelle. Les chercheurs reconnaissent à l’Université un droit exclusif sur la gestion, la mise en valeur et le transfert de la propriété intellectuelle. En contrepartie, l’Université a une obligation de consultation des chercheurs, de même que des obligations de protection et de valorisation de la propriété intellectuelle, sans garantie de succès. (paragr. 30) Le litige survient lorsque l’Université et l’entreprise conviennent d’établir le cout d’acquisition de la propriété intellectuelle pour un montant forfaitaire de 275 000 $, plutôt que le calcul basé notamment sur la valeur marchande. Les chercheurs reprochent à l’Université de ne pas s’être acquittée de ses obligations de consultation et d’optimisation. Ils reprochent à l’entreprise d’avoir incité l’Université à avoir agi de la sorte.



Analyse


Même si l’Université n’avait pas à proprement parlé consulté les chercheurs, la Cour en a conclu autrement. La consultation sert ultimement à connaitre l’opinion d’une personne. Ici, il est prouvé que l’Université connaissait déjà l’opinion des chercheurs et qu’elle aurait vraisemblablement procédé sans leur consentement. Une consultation n’aurait pas apporté plus d’informations, ni un consentement plus éclairé à l’Université concernant sa décision de convenir d’une nouvelle entente avec l’entreprise. De même, la Cour a conclu que l’obligation d’avoir l’assentiment des chercheurs, en contraste avec l’obligation de consultation, représentait une ambigüité, permettant l’interprétation du contrat. La Cour a interprété que les parties avait vraisemblablement convenu que le consentement des chercheurs n’était pas nécessaire, notamment puisque l’Université était propriétaire unique et gestionnaire exclusif de la propriété intellectuelle. En cas de divergence d’opinions, suivant l’intention commune des parties, c’est l’Université qui devait trancher. Concernant l’obligation de valorisation, il est important de mentionner qu’il s’agissait de fournir une protection adéquate sans garantie, non pas une obligation d’optimisation.


Les chercheurs indiquent qu’un « gestionnaire raisonnablement prudent n’aurait pas accepté [cette nouvelle entente] » au paragraphe 71 de la décision. Cependant, la Cour conclut que l’Université a agi en gestionnaire raisonnable et prudent, compte tenu des informations disponibles au moment de la prise de décision et du contexte entourant cette décision. Devant les allégations des chercheurs concernant l’absence d’autorisation pour conclure l’amendement, la Cour indique que c’est la règle de l’indoor management rule qui s’applique : on ne peut pas imposer des règlements internes de l’Université aux entreprises tierces contractant avec elle.



Commentaires


En somme, cette décision réitère des principes bien établis du droit des obligations codifiés au Code civil du Québec. Notamment, les contrats ne doivent être interprétés qu’en cas d’ambigüité et, le cas échéant, l’interprétation se fera en recherchant l’intention commune des parties. De même, les contrats ne lient que les parties. Les tiers ne peuvent pas, par exemple, se plaindre de cause de nullité relative, d’une certaine interprétation du contrat par les parties ou d’une façon d’exécuter le contrat. En l’espèce, les chercheurs et l’entreprise n’avaient aucune relation contractuelle. Les chercheurs étaient des tiers aux différents contrats entre l’Université l’entreprise. De même, la Cour soutient que l’Université a les pouvoirs, droits et privilèges des corporations ordinaires (art. 2b de la Loi concernant l’Université de Sherbrooke 1978 L.Q., c. 125). « En somme, l’Université opère sans contrôle gouvernemental important et jouit d’une totale indépendance à l’égard de son processus décisionnel, de son organisation interne et de ses relations avec ses professeurs, ses étudiants et toute autre personne ou entité, y compris des entreprises avec lesquelles elle peut conclure des contrats. Il s’ensuit que l’Université est une personne morale de droit privé au sens de l’art. 298 C.c.Q. » (paragraphe 47 de la décision).




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